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TUMULTES DE L'ESPECE HUMAINE

par M. Abdou Benabbou

Les populations tunisiennes ne se doutaient pas qu'un printemps tumultueux n'était qu'une saison et qu'une saison ne faisait pas une vie. Elles ne savaient pas non plus que pour qu'elle ait un sens, la démocratie ne saurait se suffire d'une turbulence et d'un changement de régime. Les manifestations populaires se multiplient dans les rues et la contestation se généralise et s'amplifie. Les exigences et les mises en demeure aussi. Cependant, la Tunisie ne détient pas le monopole de la mal-vie et l'embrasement social s'élargit et s'étend à des confins où la sérénité et le progrès étaient hier encore bien assis.

Du pain, du travail, une bonne santé et un toit sont exigés des gouvernants dans l'immédiateté sans tergiverser comme s'il suffisait de claquer des doigts pour que chaque citoyen du monde ait une réponse finale à chacun de ses besoins et de ses moindres attentes. Chacun refuse d'admettre que l'humanité n'est pas un Eden et que le partage équitable du bonheur recommande toujours l'effacement de soi.

L'Egypte voisine semble s'adapter à la même rengaine contestataire et l'Algérie s'est écartée depuis longtemps des chemins de velours pour vivre de la senteur de la fumée des pneus brûlés et pour s'accommoder des routes sans issues. Plus loin et plus haut, sur les autoroutes européennes les populations incendient le produit de leur labeur et de leur sueur face à leurs gouvernants qui ne savent plus à quel chat faudrait-il offrir leurs langues usées.

Droit et devoir ont divorcé, incapables de trouver une juste définition de la démocratie, trop lourde à porter et trop encline à ne se justifier que d'une littérature empirique dépassée.

Le monde couve une maladie terrifiante et le paracétamol miroité comme remède s'avère être une bien malheureuse plaisanterie. La colère tunisienne et celle d'ailleurs ne sont pas finies et ce n'est qu'un début qui rappelle les lourds tumultes à travers l'Histoire de l'espèce humaine.

Nous ne nous rendons pas compte, avec l'usure des siècles, que les zombies que nous sommes devenus ont besoin d'une bien autre révolution que celle des rues. Et qu'il s'agit d'habiller autrement et d'abord nos corps, nos cœurs et nos esprits pour être à la hauteur de ce siècle nouveau.