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L'INDOLENCE ET LA COMPROMISSION

par M. Abdou BENABBOU

Il y a une incroyable forme de débilité à constater quand un hôpital censé sauver des vies ne puisse pas disposer de deux ou trois sous pour acheter un jerricane d'eau de Javel alors que les distributeurs et les ordonnateurs des finances publiques, au plus haut niveau, trouvent le génie d'offrir des milliards à des associations qui brassent du vent. Sans remettre en cause bien évidemment le bien-fondé et la légitimité du mouvement associatif, la gestion de l'argent public et sa répartition est planifiée, dans bien des domaines, d'une façon déraisonnée jusqu'à atteindre les limites de la folie.

Les fortes jérémiades que l'on entend cependant ici et là dans la bouche des ordonnateurs de base relèvent, parfois et bien évidemment, de l'exagération et cachent souvent la couche d'acier qui enveloppe notre bureaucratie.

On sait de quoi et de qui relève cette culture de l'irrationnel quand l'égoïsme se dispute le beau rôle avec l'indolence et quand la mode est à la compromission. Des quintaux de milliards de dinars sont dispensés avec zèle et effronterie pour du béton voulu sacré, alors que le sacre de l'âme et de l'esprit se serait noblement contenté d'une petite parcelle dans le cœur de la sérieuse foi.

A quoi doit-on accorder la priorité ? A l'achat de deux ou trois boîtes de craie pour une école ou au renouvellement des tapis des salons des maîtres de céans ? S'interroger ainsi avec simplicité ne relève pas de calcul d'épicier. Et si la gestion épicière devait être la première leçon de bonne gouvernance, autant en faire un instrument efficace pour neutraliser les mauvais jouisseurs zélés qui badigeonnent à l'emporte-pièce le visage de l'Etat au lieu d'affermir ce que doit être sa stature, sa représentation et son bien-fondé.

L'Etat est bien au bout de la craie de l'écolier et au cœur des jerricanes d'eau de Javel des hôpitaux et une nation solide et structurée est à l'opposé des farandoles orchestrées pour soigner les prestiges particuliers.

C'est à l'école, à l'hôpital et de toutes les préoccupations citoyennes quotidiennes que cogite en profondeur la vraie raison d'Etat.

L'indépendance dignement assumée d'un pays n'est pas dans le bruit vague du claquement au vent des emblèmes mais dans le soupir profond et revigorant qu'il procure.