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Tirs croisés sur un Saadani qui n'a fait qu'énoncer une vérité

par Kharroubi Habib

Peu importe si, en déclarant qu'il est favorable à une restructuration du DRS mettant fin à son rôle de police politique, Saadani a agi sur ordre ou par conviction personnelle. Le débat que sa sortie aurait dû susciter ne consiste pas à s'interroger uniquement sur sa motivation, mais à prendre position aussi sur le principe dont il se fait le chantre. De débat, il n'y en a pas. Les tirs croisés dont le secrétaire général est la cible de la part d'une partie de la presse indépendante, occultent totalement le problème de fond qu'il a soulevé pour ne focaliser que sur le caractère et le comportement « atypique » et « folklorique » du personnage. La classe politique s'abstient quant à elle carrément d'en ouvrir un. Est-ce à dire que le sujet porté sur la place publique par le « patron » du FLN ne serait pas pour cette classe politique une question d'actualité sur laquelle se prononcer ? On peut comprendre qu'elle se pose des interrogations sur ce qui a motivé la charge contre le DRS - ce qui n'est pas en effet coutumier de la part d'acteurs politiques faisant partie du sérail du Pouvoir et Saadani en est un. Mais pas son silence sur son contenu. Cette attitude est révélatrice du fait que la crainte que le DRS suscite en son sein a sur elle un effet paralysant. Il n'y a pas d'autre explication à son silence après le « pavé » jeté dans la mare par Saadani. Certains des segments de cette classe politique se sont réfugiés dans le silence parce que redevables de leur statut à ce DRS.

Si la restructuration du DRS entreprise par le chef de l'Etat aboutissait effectivement à la fin de l'influence de ce département du Renseignement sur les rouages de l'Etat, de la société et des acteurs de la classe politique, l'on verra alors celle-ci se vanter sans retenue d'avoir de tout temps dénoncé son rôle et revendiqué qu'il y soit mis fin. En attendant, elle est murée dans un mutisme précautionneux en guettant la tournure que prendra la confrontation, qu'elle pense être en cours sur cette restructuration, entre Bouteflika et la direction du DRS. Quelle qu'en soit l'issue de celle-ci, si elle a vraiment lieu, Saadani a mis sur le tapis la question de la police politique dont le rôle et l'objectif sont d'empêcher l'émergence d'une classe politique et d'une société civile qui ne soient pas sous sa coupe et sa tutelle. Les formations partisanes et les candidats qui se déclareront partants pour l'élection présidentielle ne pourront l'éluder dans leurs programmes électoraux. Et les citoyens auxquels ils s'adresseront ne le comprendraient pas, car ayant acquis la conviction que le changement de système auquel ils aspirent ne peut se réaliser avec l'existence d'une police politique. L'assourdissant silence de la classe politique n'augure pas de sa part un engagement clairement assumé.