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Toit et moi

par El-Guellil

Ça y est ils vont pouvoir convoler en justes noces. Cela fait des ans que la demande en mariage a été faite. L'heureuse candidate aux épousailles a trouvé son heureux prince charmant. Les deux sont diplômés chômeurs. Mais ils se débrouillent. Quelques petits contrats à temps partiel par-ci, quelques petites affaires par-là. Leur compte en banque ne cesse de gonfler, il est plein de « je t'aime, moi non plus ». Elle ne cesse de lui dire « je ne peux pas vivre sans toi, marions-nous ». Il ne cesse de lui répondre c'est réciproque « moi, je ne peux pas vivre sans toit, avec toi ». Ils vont pouvoir donc convoler en justes noces. Night in white satin !

Les deux se sont empressés de s'inscrire pour l'acquisition d'un trois pièces AADL, en attendant la pièce montée. Elle est heureuse. Il est heureux. Mais les parents ne sont pas dupes. Concernant l'AADL, c'est un piège à nigauds. Disent-ils. Ils trouvent que c'est «la trouvaille géniale». Ceux qui n'ont pas de gîte habiteront le temps d'un rêve le site de l'AADL, en s'y inscrivant, pour en sortir un jour penauds. Les vrais acquéreurs sont déjà connus, ils n'avaient même pas besoin de s'inscrire. Sinon comment s'expliquer que les gestionnaires de cette boîte à toits n'ont pas pensé créer un site d'inscription pour chaque wilaya? Non, ils préfèrent l'embouteillage. C'est la politique de la queue leu leu qui règne dans leurs têtes encombrées, c'est elle qui dicte leur action... qui mènera à la création d'une commission de tri, puis une commission d'étude des dossiers pour aboutir à une commission... sonnante et trébuchante qui ira dans la poche de quelques courtiers de l'administration. Les mécontents pourront déposer un recours, une autre commission siégera, le processus sera ainsi ralenti, ralenti... jusqu'à l'oubli total.

Entre-temps, des ministres sauteront, des fusibles péteront et on imaginera d'autres formules avec beaucoup de AAAA et des ailes pour mieux voler. Et le petit peuple, lui, attendra, il habitera dans un autre «inchallah» construit par les architectes de la langue de bois... je bois un verre à votre santé, un bon vert... paraît que ça calme, ça aide aux minutes de silence qui précèdent les années de bruit. Peut-être que vos prénoms vous porteront chance, Zahera et Zohir attendront leur Zhar. Viendra-t-il, viendra-t-il pas ?