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Egypte, un volcan en ébullition

par Kharroubi Habib

A l'heure où s'est achevée la rédaction du présent article, l'armée égyptienne n'avait pas encore dévoilé ce qu'elle va entreprendre à l'expiration de son ultimatum sommant le président Morsi et tous les autres acteurs politiques du pays « de satisfaire les revendications du peuple » sous quarante-huit heures faute de quoi elle annoncera « une feuille de route et des mesures pour superviser sa réalisation ».

Le rejet par le président égyptien de son ultimatum met l'armée au pied du mur et dans la situation que quoi qu'elle fasse elle aura contre elle une moitié d'Egyptiens. Car ce qu'elle a décidé d'entreprendre dans l'éventualité maintenant avérée du rejet de son ultimatum a été par avance dénoncé par les partisans de Morsi, dont le nombre frôle effectivement la moitié de la population, comme relevant du coup d'Etat contre un président et des institutions légitimes au double plan constitutionnel et électoral. Ils ne se contenteront certainement pas d'une dénonciation passive de l'action de l'armée. Le vice-président du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), l'émanation politique de la confrérie des Frères musulmans, l'a clairement fait savoir en déclarant que leur camp s'opposera à une intervention des forces armées y compris par le « martyr ». Tout le monde comprend ce que cela veut dire chez les islamistes.

Pour mieux saisir que l'armée égyptienne va se retrouver à gérer une situation inextricable et à très haut risque pour l'unité nationale et la sécurité de l'Egypte, il faut avoir présent à l'esprit que l'annonce de son intervention au cas où l'injonction de son ultimatum n'aura pas été satisfaite, n'a pas été accueillie positivement par toutes les tendances anti-Morsi fédérées dans le mouvement Tamarrod à l'origine de la contestation qui bat le pavé en Egypte.

Il en est qui craignent non sans raisons que l'armée n'exploite la fracture qui s'est opérée dans la société égyptienne pour réinstaurer sous sa houlette un régime autoritaire clone de celui déchu que présidait Hosni Moubarak. Le Front du « 30 juin » qui rassemble les plus importants partis et mouvements hostiles au président islamiste Mohamed Morsi a confié à Mohamed El Baradei, l'ancien chef de l'AIEA, la mission de sonder les intentions de l'armée. Preuve s'il en est que si ce front a déclaré « faire confiance » à l'armée parce que « estimant que ses déclarations prouvaient que les miliaires ne veulent pas s'investir en politique », il n'en cultive pas moins des inquiétudes sur la façon dont l'institution militaire entend rendre son arbitrage.

L'inquiétant dans ce qui se passe en Egypte est qu'il transparaît que des forces extrémistes dans les deux camps poussent au recours à la violence. Les affrontements meurtriers qui ont eu lieu mardi soir entre partisans et adversaires du président Morsi sont apparus de toute évidence avoir été froidement médités et leurs protagonistes poussés à y prendre part.

C'est un volcan en ébullition dont l'armée égyptienne va tenter d'en reprendre le contrôle. Opération à très haut risque pour elle car dans l'aventure elle sait ne plus pouvoir compter sur le respect qu'elle a inspiré au peuple égyptien. Face aux défis qu'elle va rencontrer, elle ne pourra faire l'économie de l'usage de la force. Ce qui paraît être le but recherché par les adversaires qu'elle compte dans les deux camps entre lesquels s'est divisé le peuple égyptien.