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Quand valsent les mercuriales

par Kharroubi Habib

L'augmentation des prix du sucre et de l'huile   fut, faut-il le rappeler, le déclencheur des émeutes de janvier dernier qui ont enflammé plusieurs localités du pays. Suite à cela, le gouvernement avait décidé de subventionner ces deux produits, en contrepartie de quoi il a décrété le retour de leur prix de cession au détail au niveau d'avant les émeutes. Pour faire respecter la décision gouvernementale, le ministère du Commerce a instruit ses services à exercer des contrôles permanents pour débusquer les contrevenants.

 Un temps, il a semblé que l'opération a eu son effet. Sauf que dès que les services du ministère du Commerce ont relâché leur vigilance, beaucoup de nos commerçants ont allégrement revu à la hausse le prix du sucre et de l'huile. D'ailleurs, l'on assiste d'une manière générale à une flambée des prix sur le marché, qui fait augurer de saignantes mercuriales durant le mois de ramadhan qui arrive.

 Comme à chaque fois que pointe cette période, les pouvoirs publics font des effets d'annonce sur leur détermination à contrer la spirale inflationniste qui se manifeste à cette occasion. Ce qui ne dissuade nullement les opérateurs à tous les niveaux de la chaîne de commercialisation pour fixer les prix selon leurs propres normes. Des normes qui ne traduisent en rien le rapport entre la disponibilité des produits et la loi de l'offre et de la demande. Ce que les autorités savent pertinemment. Au point que le Premier ministre Ahmed Ouyahia n'a pas hésité à voir dans les augmentations des prix du sucre et de l'huile ayant provoqué les émeutes de janvier, un «complot» tramé pour plonger l'Algérie dans la révolte.

 Alors, s'il y a effectivement «complot» pour déstabiliser le pays par le biais d'une inflation organisée, nous sommes en plein dans ce scénario à l'approche du ramadhan. Pourtant, le même Premier ministre a affirmé à maintes reprises que l'Etat sait qui est derrière la machination. Pour autant, il ne nous parvient pas que les pouvoirs publics fassent grand-chose pour neutraliser les délinquants identifiés selon eux.

 Pour ce qui est de l'épisode de l'augmentation des prix du sucre et de l'huile ayant entraîné les évènements que l'on sait, l'Assemblée populaire nationale (APN) a constitué une commission d'enquête parlementaire, dont les membres seraient bien inspirés de demander au Premier ministre de leur révéler l'identité des opérateurs qu'il a accusés d'être à l'origine de ces évènements.

 Il n'est en fait nullement dans la volonté des pouvoirs publics de s'attaquer aux lobbys qui ont mis en coupe réglée le marché national. Pour la simple raison qu'ils sont constitués d'intouchables, dont certains sont des décideurs dans les hautes sphères du pouvoir. Alors, tous les effets d'annonce que feront les autorités d'ici à l'entame du mois de ramadhan en matière de dispositions pour soi-disant réguler le marché et traquer la fausse inflation provoquée par la spéculation prédatrice, ne seront que poudre aux yeux.

 Avec toutefois que la récidive d'émeutes du genre de celles de janvier dernier n'est pas à exclure, tant la surchauffe des esprits est grande dans le pays. Comme le démontrent les explosions de colère qui ponctuent le quotidien de l'Algérie ces derniers mois.

 Et le pouvoir se trompe lourdement s'il s'est convaincu que les «largesses financières» octroyées par lui tous azimuts ont anesthésié le sentiment de frustration générale que provoque chez les citoyens la dégringolade exponentielle de leurs pouvoirs d'achat.