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«Pas pour longtemps»... Jusqu'à quand ?

par K. Selim

Un projet de résolution à soumettre aux chefs d'Etat réunis lundi pour le sommet de la Ligue arabe stipule que le plan de paix arabe de 2002 était toujours sur la table, «mais pas pour longtemps».

«L'engagement arabe à maintenir cette initiative est tributaire de son acceptation par Israël». «Il n'est pas possible de parvenir à la paix tant qu'Israël persiste dans son obstination à refuser l'initiative de paix arabe». Les variations sur le thème sont censées représenter un avertissement à l'Etat hébreu. Soit. C'est quand même préférable au discours inconsistant et veule sur la menace iranienne. Mais les dirigeants arabes savent qu'en Israël, ni le plan de paix, ni l'option des deux Etats, n'est agréé, quelle que soit la coloration politique du gouvernement. L'arrivée de Netanyahu au pouvoir contribue à décanter la situation et à ôter aux Etats «modérés» et au groupe des éternels négociateurs - pour rien - de l'Autorité palestinienne un argument spécieux.

Le «pas pour longtemps» annoncé par la résolution mérite d'être clarifié : quelle pourrait être l'échéance ? Un mois, deux ans, cinquante ans... ? Qu'attendent donc ces dirigeants pour fixer la date où ce plan de paix - minimaliste en termes de recouvrement des droits nationaux palestiniens - ne sera plus «sur la table»?

A qui au fond une telle mise en garde, si tant est que cela en soit une, s'adresse-t-elle ? A Israël ? Gageons que les auteurs du projet de résolution n'y croient pas eux-mêmes. Et c'est normal. Un tel avertissement n'a de sens que s'il est adressé aux Etats-Unis, «amis» de la majeure partie des Etats arabes et surtout bouclier permanent d'Israël. Il suffit de faire un recensement des vetos des Etats-Unis au Conseil de sécurité pour constater qu'ils ont été utilisés systématiquement pour empêcher l'application des résolutions de l'ONU sur la Palestine. L'illustration de cette ligne a été amplement fournie durant les mandats de George Bush.

Les Etats arabes, qui escomptent un changement d'attitude des Etats-Unis sous Obama, ne tarderont pas à déchanter. Le nouveau chef d'Etat américain évolue dans un système qui lui offre toute latitude pour essayer d'agir contre la crise économique, de changer de politique en Afghanistan ou au Pakistan..., mais qui ne lui accorde aucune marge sur la question palestinienne. L'opposition décisive du lobby israélien à Washington à la nomination de Charles Freeman, un diplomate chevronné, à des fonctions de conseiller pour le renseignement américain, l'a clairement démontré. Obama, même s'il défend l'option d'un Etat palestinien, ne fera rien - sinon les aimables discours circonstanciels - si les Etats arabes continuent à cultiver l'idée qu'il n'y a rien à faire, sinon de s'en remettre aux Américains.

Cette non-stratégie, suivie obstinément depuis des années, n'a produit aucun résultat. L'Autorité palestinienne, soutenue par les «modérés», négocie pour négocier - pour aboutir à des prérogatives de commune mixte -, tandis qu'Israël colonise. La démarche est vaine et absurde. Elle devient grotesque quand ses promoteurs reprochent à ceux qui défendent l'option de résistance d'entraver une solution qui n'existe pas.

Les Etats arabes, contrairement au discours d'impuissance qu'ils cultivent, ne sont pas démunis de moyens d'action. Peuvent-ils éternellement répéter que le plan de paix ne sera pas éternellement sur la table ? Une échéance devra finalement être décidée. Et il leur appartiendra de tirer la conclusion logique, en cas de rejet, que l'option de résistance est bien la seule qui s'offre aux Palestiniens et qu'ils ne peuvent que la soutenir. Les responsables arabes découvriront à ce moment qu'ils sont proches de leurs opinions publiques et qu'ils ne sont pas très éloignés de «l'ennemi» iranien.