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Jeu dangereux

par Ali Babès

Le Caire a fini par montrer, après plus de 1.200 Palestiniens tués par l'armée israélienne, ses véritables motivations dans le conflit israélo- arabe: s'autoproclamer tuteur du peuple palestinien. Mieux, prendre en main les destinées du monde arabe et servir d'interlocuteur de l'Occident et d'Israël dans les conflits régionaux.

Sinon, comment interpréter l'appel du président égyptien Hosni Moubarak à un sommet extraordinaire sur Ghaza, alors que doit se tenir un sommet des pays de la Ligue arabe à Koweït, dimanche soir ou lundi. Assurément, le président égyptien fait tout pour devenir un nouveau «zaïm», mais en prenant en otage autant les Palestiniens que la cause palestinienne. Le moment est particulièrement choisi par le président égyptien, comme pour signifier que les jeux sont déjà faits et que l'Egypte détient dès lors les clés de la solution du conflit israélo-palestinien.

Apparemment, l'Egypte veut tout faire, sauf se ranger à l'avis de la majorité des pays arabes concernant une position commune et unifiée face à l'ennemi commun, Israël. Car le plan égyptien donne la part belle à l'envahisseur israélien qui, après 22 jours de massacre et de tueries, semble se diriger vers un arrêt des hostilités contre les Palestiniens à Ghaza.

Vendredi à Doha, les Arabes ont montré leurs divergences à coordonner leurs points de vue quant à une prise en charge efficace et rapide des besoins urgents à Ghaza, soumise depuis le 27 décembre à un déluge de feu et de fer. Mais ce sont les Egyptiens qui se sont illustrés dans cette partie en sabordant d'abord le sommet arabe prévu à Doha, devenu une réunion consultative faute de quorum, puis le sommet de Koweït prévu lundi et mardi, en appelant à un sommet international à Charm el-Cheikh, avec la présence du chef de l'OLP et des chefs de gouvernement des pays européens.

Un jeu dangereux auquel se livre Le Caire, qui veut grenouiller toutes les tentatives arabes de faire front uni contre l'ennemi sioniste et de s'intercaler comme le seul interlocuteur crédible dans la question palestinienne.

Entre-temps, les Palestiniens, qui luttent pour recouvrer leurs droits et notamment pour un Etat viable, sont court-circuités par l'Egypte qui veut, comme le souhaitent les Etats-Unis et Israël, installer un régime palestinien plutôt favorable à l'isolement du mouvement Hamas, et présenter un autre gouvernement à Ghaza qui soit à la solde des Israéliens et de Washington. Et de vivre dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh, passant le temps en sirotant du thé et en discutant du plan de paix avec Israël, après l'élimination physique des combattants palestiniens. Ceux qu'Israël voudrait éliminer. Ceux que l'armée d'occupation israélienne a tenté d'atteindre dans son agression contre Ghaza, tuant plus de 1.200 personnes et faisant plus de 5.300 blessés.

Au fait, pourquoi le président égyptien saborde les initiatives arabes, tient en otage Mahmoud Abbas, devenu un véritable pantin que l'on exhibe dans les sommets sur la Palestine, et s'agite quelques heures après avoir su qu'Israël est sur le point de suspendre son agression ? Pourquoi y a-t-il ce goût de traîtrise qui nous taraude ?