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![]() ![]() ![]() D'El Hamdania à Boumerdès: Le projet de grand port-centre a-t-il finalement trouvé la bonne voie ?
par M. Belkheïr Ikkache* ![]() « En
cas de conflits armés, les navires et ports marchands sont réquisitionnés. Or,
en l'état où elles se trouvent actuellement, nos infrastructures portuaires, à
l'exception peut-être de celle de Djendjen (Jijel),
pourraient ne pas répondre aux attentes des autorités. L'armement militaire,
naval en particulier, a largement évolué et devient de plus en plus exigeant
par rapport à la logistique allouée. Par conséquent, la réalisation d'un grand
port de dernière génération est plus que souhaitée »
Après l'avoir programmé, mené des études techniques poussées pour pouvoir le peaufiner et de le reporter à la dernière minute alors que le contexte géoéconomique régional exigeait qu'il soit rapidement mis sur pied, l'Algérie vient de reprendre en main le projet d'un grand port-Centre en optant cette fois-ci pour le littoral de Boumerdès, seul endroit, dit-on, présentant les avantages pour accueillir un tel ouvrage. Pourtant, le projet en question tel que prévu initialement - c'est-à-dire à El Hamdania - Cherchell - était sur la bonne voie et tout le monde espérait qu'un jour ce dernier voit enfin le jour au grand bénéfice de notre économie. Une économie, faut-il rappeler, fondamentalement rentière, dépendant en grande partie de ressources énergétiques (pétrole et gaz, notamment) et d'infrastructures portuaires datant d'une ère aujourd'hui consommée et n'arrivant pas, en dépit de tout, à s'adapter aux nouveaux défis que sont les techniques managériales modernes et la numérisation, pour ne citer que ceux-là. Le peu d'autonomie qu'on leur a accordé ne leur a pas suffi Par le passé récent, nos ports ont subi, au prorata du temps, des réformes que d'aucuns qualifient de « cosmétiques », et qui ne les ont finalement conduit qu'à une relative autonomie. Cela n'a pas suffi et les problèmes de fond - ceux d'ordre structurel, particulièrement -, auxquels ils font face sont toujours là et font à chaque fois l'actualité. En d'autres mots, gagnés par l'obsolescence, ils ne peuvent donner au-delà de leurs capacités, au demeurant limitées, bien qu'on les met souvent sous pression, à leur détriment, pour faire mieux. En effet, nos ports marchands sont quasiment tous physiquement contraignants. Les navires et leurs cargaisons ne sont pas traités correctement, et cela aussi bien au niveau de la rade qu'au niveau des quais et des terre-pleins. A titre d'exemple, ils ont, pour la plupart, un tirant d'eau (hauteur de la partie immergée d'un bateau) ne dépassant pas les 10 m au plus et des surfaces commerciales restreintes susceptibles d'être facilement saturées ; ce qui constitue un véritable frein à leur productivité, et par extension à leur croissance. Comme chacun sait, cette situation induit inévitablement un manque à gagner important, notamment en matière de surestaries, que nous compensons, évidemment, avec de l'argent du Trésor public, alors que cet argent inutilement dépensé peut autrement être engagé pour satisfaire d'autres besoins urgents dont a besoin la population. Pour combler le retard, un grand port est projeté à El Hamdania (Cherchell) Initié en 2015 et porté sur la place publique pour information, cet ambitieux projet donnait de l'espoir à tout le monde, en particulier à la communauté portuaire. En effet, depuis son annonce, il n'a cessé de tenir en haleine tout un pan de la société dans le sens où, à travers la réalisation de cette méga-infrastructure, on voyait déjà l'Algérie occuper une place honorée sur la scène portuaire régionale et internationale. Pour rappel, ce port en eau profonde était non seulement destiné au commerce national par voie maritime, mais aussi aux échanges à l'échelle régionale et internationale. Présenté comme un futur important hub portuaire, le port, qualifié pompeusement de « géant », est, selon les données techniques telles qu'initiées, adossé à une zone logistique et trois (03) zones industrielles situées à des distances comprises entre 10 et 30 kilomètres du site et reliées au réseau ferroviaire et routier national. Il devait compter 23 terminaux d'une capacité de traitement de près de 6,5 millions de containers/an et de 25,7 millions de tonnes/an de marchandises générales (general cargo). Pourquoi a-t-on hésité à lancer la construction du projet ? On peut supposer avec risque de nous tromper que l'Algérie possédant aujourd'hui onze (11) ports marchands, s'est contentée de l'existant tout en misant sur celui de Djendjen (Jijel) comme futur hub portuaire. Ce dernier, au départ battant de l'aile et déserté, semble-t-il, pour vices de construction (passe ouverte aux vents, notamment), commence maintenant à avoir de la visibilité grâce aux corrections apportées, au soutien de l'Etat et aux efforts déployés par le collectif des employés en matière de management et de productivité. L'autre raison et non des moindres, est l'opposition ferme et vivace des écolos contre ce projet dont le site est, d'après eux, situé dans un écosystème marin protégé où la biodiversité est des plus riches et des plus variées et qu'il ne faut à tout prix incommoder ni importuner pour que les espèces (faune et flore) puissent se mouvoir librement et se régénérer aisément. Djendjen : une place stratégique Le port de Djendjen se positionne sur une place géographique stratégique. En effet, il se situe à moins de 50 miles de la route maritime reliant le canal de Suez au détroit de Gibraltar. Cette position lui confère un rôle privilégié pour être un hub de trafics transcontinentaux. De même, il est à 10 km du chef-lieu de la wilaya de Jijel, à 2 km du chef-lieu de l'aéroport de la ville éponyme, à 40 km de la zone industrielle de Bellara, à 350 km d'Alger, et se considère comme étant le port le plus proche de Hassi Messaoud (900 km) et des zones pétrolifères. Une infrastructure jouissant d'atouts importants Avec un tirant d'eau allant jusqu'à 18,20 m, le port de Djendjen est parmi les grandes œuvres portuaires en Méditerranée. En plus d'un nouvel appontement minéralier pour l'expédition de milliers de tonnes d'acier, le terminal à conteneurs qui est en phase de parachèvement et doté d'une capacité de 2 millions d'EVP/an, est pressenti à l'avenir comme plateforme destinée au transbordement en Algérie. Sa principale fonction, dit-on, est d'absorber un important volume du trafic conteneurisé à l'échelle nationale et jouera un rôle primordial en Méditerranée. L'avènement imminent de la pénétrante autoroutière reliant directement le port à la capitale des hauts plateaux sur 110 km, permettra également un flux de marchandises plus rapide et le confortera dans sa position de leader national. Conclusion Moteur de l'économie, les ports sont destinés à assurer dans les meilleures conditions économiques et de sécurité, toutes les opérations d'embarquement et de débarquement de personnes, de marchandises et d'animaux vivants transitant du mode maritime au mode terrestre de transport et inversement ainsi que toutes les opérations liées à la navigation maritime. Or, s'agissant dans notre cas de réalisation d'un grand port, l'on est en droit de se demander pourquoi a-t-on perdu tant de temps pour ériger pareil projet, au demeurant essentiel et indispensable pour un développement moins contraignant de l'économie algérienne ; alors que saisissant au vol l'occasion, des pays voisins ont eu leur sien depuis pas mal de temps et ils s'en sortent, tenez-vous bien, aujourd'hui si bien. Et puis, conséquence d'une balance commerciale et celle des paiements virant au vert depuis qu'on s'attèle à remettre le pays sur les bons rails, l'économie algérienne, d'essoufflée, commence maintenant à mieux respirer. Preuve en est, les importations ont, d'une manière générale, fléchi - bien que ces dernières jouent le yoyo selon les conjonctures - et les exportations hors hydrocarbures ont rebondi. Oubliés pendant un temps, le temps est donc venu pour se préoccuper davantage des sous-secteurs maritime et portuaire afin de les doter d'une logistique de qualité pour limiter les frais ; les coûts du transport maritime et des services portuaires devenant de plus en plus onéreux particulièrement pour un pays comme l'Algérie qui en paie chèrement le prix car n'arrivant pas à limiter les dépenses occasionnées à cet effet. En effet, une flotte marchande « toussotante » et des ports trainant depuis la nuit des temps des retards importants en sont, nous semble-t-il, les principales causes de cette situation. D'où l'utilité - pour ne pas dire urgence - de réaliser un HUB PORTUAIRE digne d'un pays-continent, jouant un rôle central dans le transport maritime et favorisant l'émergence d'une logistique apte à répondre aux besoins de l'Algérie afin que les compagnies maritimes étrangères cessent d'exploiter les faiblesses en la matière et d'en tirer largement profit. Dans le même ordre d'idée, contexte géopolitique aidant et en perpétuel mouvement sur fond de crises à répétition, le monde est, en plus, en train de se redessiner, et l'Algérie (pays-continent) devra, dans ce cas, se repositionner via un des leviers que sont ses infrastructures stratégiques dont les ports, et par-delà la plateforme portuaire en perspective, afin de les concevoir et les améliorer par tous les biais et les préparer également à toutes les éventualités. Cela étant, à l'heure où l'on parle de ports connectés, l'Algérie traîne encore le boulet de ports plus ou moins « périmés ». Ce qui n'est pas en soi une fatalité car, avec de la volonté politique conjuguée à la volonté économique, on peut renverser cette situation et faire de nos ports - à leur tête un futur méga-port - des lieux attirant et non subissant le trafic. *Administrateur des Affaires maritimes à la retraite |
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