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Le contrat de travail aidé: Un levier sous-exploité pour l'insertion des jeunes diplômés

par M. T. Hamiani

Mis en place pour favoriser l'insertion des jeunes diplômés, actuellement gelé, le contrat de travail aidé (CTA) en Algérie a connu des limites significatives qui ont freiné son impact. Parmi les raisons de son échec initial figurent une lourdeur administrative, un manque d'incitations réelles pour les entreprises et l'absence de perspectives d'emploi durable à la fin du contrat.

De nombreuses entreprises ont utilisé le dispositif pour bénéficier de maind'œuvre à coût réduit sans engagement d'embauche à long terme, laissant les bénéficiaires sans réelle expérience valorisable sur le marché de l'emploi. De plus, l'inadéquation entre les profils formés et les besoins du marché a rendu difficile une intégration durable. Enfin, la cogestion du CTA par la Direction de l'emploi de wilaya et l'Agence de wilaya de l'Emploi a asphyxié le dispositif en multipliant les procédures bureaucratiques et en diluant les responsabilités, rendant l'accès au programme plus complexe et moins efficace. Une réforme en profondeur pourrait faire du CTA un véritable tremplin vers l'emploi durable.

Les entreprises notamment privées hésitaient à recruter via le CTA, jugeant les avantages insuffisants. Une solution consisterait à accorder des exonérations fiscales partielles et des subventions conditionnées à l'embauche durable. Une prime de conversion du CTA en CDI pourrait inciter davantage d'entreprises à stabiliser leurs employés. Toutefois, pour éviter un effet d'aubaine, ces incitations devraient être conditionnées à des engagements concrets en matière de formation et de maintien dans l'emploi. Une analyse sectorielle approfondie permettrait aussi d'identifier les branches professionnelles où ces mesures seraient les plus efficaces.

Si le CTA bénéficie surtout aux diplômés universitaires, il reste sous-exploité pour les jeunes issus de la formation professionnelle. Créer un «CTA métiers techniques», couplé à un programme de formation en entreprise, pourrait renforcer leur insertion. En parallèle, des dispositifs de formation pratique impliquant des professionnels expérimentés garantiraient une transmission de savoir-faire. En encourageant les partenariats entre centres de formation et entreprises, on assurerait une meilleure adéquation entre compétences acquises et besoins du marché.

Un des freins majeurs du CTA est l'absence de formation durant la période d'emploi. Une obligation de formation qualifiante pour les bénéficiaires du CTA, assortie d'une certification reconnue, permettrait une meilleure employabilité post-contrat. La mise en place d'une plateforme nationale de formation en ligne, gratuite pour les CTA, garantirait un accès facile aux savoirs complémentaires. Cette mesure serait d'autant plus pertinente si elle était couplée à un suivi post-CTA, permettant aux jeunes de capitaliser sur leurs acquis et d'accéder à de nouvelles opportunités.

Plutôt que de limiter le CTA à un emploi temporaire, il pourrait devenir une porte d'entrée vers l'auto-emploi. Un accompagnement post-CTA avec des modules sur la gestion d'entreprise et l'accès facilité aux dispositifs de financement tels que l'ANADE (pour les diplômés universitaires) ou l'ANGEM (pour les sortants des CFPA) permettrait de transformer certains jeunes en entrepreneurs. Un «Pack CTA-Entrepreneur», incluant des crédits et un coaching, pourrait encourager cette dynamique. Une collaboration entre les chambres de commerce et les structures existantes d'accompagnement à l'entrepreneuriat renforcerait cet axe en fournissant un soutien adapté aux jeunes porteurs de projets.

La modernisation du CTA passe par une simplification administrative. Une plateforme numérique permettant aux entreprises et aux candidats de suivre leur dossier en temps réel améliorerait la transparence du dispositif. Un suivi évaluatif des contrats permettrait également d'ajuster les mesures en fonction des besoins réels du marché. La digitalisation pourrait aussi inclure un système de notation des entreprises et des bénéficiaires, garantissant une meilleure régulation du dispositif et incitant les employeurs à s'impliquer davantage dans la formation des jeunes.

Un plan de réforme pourrait être appliqué progressivement : une première phase de modernisation administrative, suivie d'accords sectoriels pour favoriser l'emploi des diplômés, puis une évaluation des résultats avant d'envisager un déploiement plus large. Par ailleurs, une approche expérimentale dans certaines wilayas pilotes permettrait d'analyser l'impact des mesures proposées avant une généralisation.

Avec ces ajustements, le CTA pourrait devenir un instrument clé de l'insertion professionnelle en Algérie, en réconciliant formation, emploi et entrepreneuriat. Une refonte stratégique basée sur des évaluations régulières et un dialogue constant entre acteurs économiques, éducatifs et institutionnels assurerait la réussite de cette réforme.

Le contrat de travail aidé est un mécanisme qui vise à faciliter l'insertion professionnelle en accordant des aides aux employeurs. Toutefois, l'adhésion des entreprises surtout privées à ce dispositif reste limitée, principalement en raison de la perception d'avantages insuffisants par rapport aux contraintes administratives et aux exigences de maintien dans l'emploi. Pour rendre ce dispositif plus attractif et efficace, plusieurs leviers peuvent être envisagés.

1. Renforcement des incitations financières

Actuellement, les entreprises considèrent que les aides accordées dans le cadre du CTA ne compensent pas suffisamment les coûts salariaux et les charges sociales. Pour y remédier, plusieurs pistes peuvent être explorées :

- Exonérations fiscales partielles : réduire les charges fiscales pour les employeurs qui recrutent via le CTA, notamment en allégeant les cotisations sociales pendant une période donnée (12 à 18 mois au maximum).

- Subventions conditionnées à l'embauche durable : accorder une prime progressive aux entreprises qui transforment les CTA en contrats à durée indéterminée (CDI), afin d'encourager la stabilisation des employés.

- Prime de conversion CTA en CDI : mettre en place une prime financière pour chaque conversion réalisée, avec un montant dégressif sur plusieurs années, lié à l'ancienneté de l'employé.

2. Adapter le CTA aux réalités de la formation professionnelle

Si le CTA bénéficie surtout aux diplômés universitaires, il reste sous-exploité pour les jeunes issus de la formation professionnelle. Créer un «CTA métiers techniques», couplé à un programme d'encadrement en entreprise, pourrait renforcer leur insertion. En parallèle, des dispositifs d'appui technique impliquant des professionnels expérimentés garantiraient une transmission de savoir-faire. En encourageant les partenariats entre centres de formation et entreprises, on assurerait une meilleure adéquation entre compétences acquises et besoins du marché.

3. Associer le CTA à une formation continue et à la certification

Un des freins majeurs du CTA était l'absence de formation durant la période d'emploi. Une obligation de formation qualifiante pour les bénéficiaires du CTA, assortie d'une certification reconnue, permettrait une meilleure employabilité post-contrat.

- Plateforme nationale de formation en ligne : elle garantirait un accès facile aux savoirs complémentaires.

- Suivi post-CTA : permettre aux jeunes de capitaliser sur leurs acquis et d'accéder à de nouvelles opportunités professionnelles.

4. Vers un CTA tremplin pour l'entrepreneuriat

Plutôt que de limiter le CTA à un emploi temporaire, il pourrait devenir une porte d'entrée vers l'auto-emploi. Un accompagnement post-CTA avec des modules sur la gestion d'entreprise et un accès facilité aux dispositifs de financement tels que l'ANSEJ ou l'ANGEM permettrait de transformer certains jeunes en entrepreneurs.

- Pack CTA-Entrepreneur : incluant des crédits et un coaching.

- Collaboration avec les chambres de commerce : fournir un soutien adapté aux jeunes porteurs de projets.

5. Digitaliser et simplifier l'accès au CTA

La modernisation du CTA passe par une simplification administrative.

- Plateforme numérique : permettre aux entreprises et aux candidats de suivre leur dossier en temps réel pour améliorer la transparence.

- Suivi évaluatif des contrats : ajuster les mesures en fonction des besoins réels du marché.

- Système de notation : notation des entreprises et des bénéficiaires pour garantir une meilleure régulation et inciter à un engagement actif dans la formation des jeunes.

6. Une mise en œuvre par étapes

Un plan de réforme pourrait être appliqué progressivement :

1. Phase 1 : modernisation administrative (digitalisation et simplification des procédures).

2. Phase 2 : accords sectoriels pour favoriser l'emploi des jeunes.

3. Phase 3 : évaluation des résultats avant d'envisager un déploiement plus large.

4. Expérimentation dans certaines wilayas pilotes pour analyser l'impact des mesures proposées avant une généralisation.



7. Centralisation du suivi administratif par l'ANEM

- Création d'un guichet unique numérique : une plateforme nationale gérée par l'ANEM où les entreprises et les bénéficiaires pourraient suivre en temps réel l'état d'avancement des dossiers (validation des contrats, attestations, suivi de la durée du contrat, etc.).

- Numérisation des démarches : permettre aux employeurs de déposer les contrats en ligne et aux jeunes de suivre leur dossier, réduisant ainsi les délais de traitement.

- Vérification et contrôle des contrats : l'ANEM s'assurerait de la conformité des contrats avant validation (respect des conditions d'éligibilité, déclaration CNAS, respect du SMIG, etc.).

- Evaluation périodique des bénéficiaires : l'ANEM pourrait instaurer un suivi trimestriel pour s'assurer que le bénéficiaire travaille effectivement et bénéficie d'une formation en entreprise.

Gestion du paiement des bénéficiaires par l'ANEM

- Versement direct sur compte bancaire : l'ANEM pourrait verser directement la part de l'indemnité due aux bénéficiaires via des comptes bancaires, garantissant ainsi la transparence et la rapidité.

- Automatisation du paiement : un système de validation automatique à partir des déclarations mensuelles des employeurs permettrait d'éviter les retards de paiement.

- Mise en place d'un système de réclamation : un espace dédié sur la plateforme permettrait aux bénéficiaires de signaler d'éventuels retards ou irrégularités dans le paiement de leur indemnité.

Renforcement du contrôle et de l'évaluation

- Contrôles aléatoires en entreprise : l'ANEM et l'inspection du travail pourraient effectuer des visites ponctuelles pour s'assurer que le CTA est bien respecté et éviter les abus.

- Système de notation des employeurs : une évaluation des entreprises en fonction du respect des engagements et du taux de conversion CTA-CDI permettrait d'orienter les incitations vers les employeurs les plus engagés.

- Suivi post-CTA : un dispositif de suivi des jeunes après la fin du contrat permettrait d'analyser l'impact du CTA sur leur insertion (accès à un CDI, poursuite en formation, entrepreneuriat, etc.).

Avec ces ajustements, le CTA gagnerait en efficacité et en attractivité, tout en assurant une meilleure gestion des fonds publics et une insertion professionnelle plus durable.

- La modification du décret exécutif n° 08-126 du 19 avril 2008 relatif au dispositif d'aide à l'insertion professionnelle (DAIP) est essentielle pour adapter le contrat de travail aidé (CTA) aux réalités actuelles du marché de l'emploi en Algérie.

- Création d'un chapitre spécifique dédié au CTA, précisant ses objectifs, son champ d'application et ses conditions d'éligibilité.

- Définition des catégories de bénéficiaires (jeunes diplômés, issus de la formation professionnelle et de l'université).

- Précision des obligations des employeurs en matière d'encadrement et de formation des bénéficiaires du CTA.

Conclusion

Grâce à ces ajustements, le CTA pourrait jouer un rôle central dans l'insertion professionnelle en Algérie, en favorisant une meilleure synergie entre formation, emploi et entrepreneuriat. Une réforme progressive, appuyée sur des évaluations régulières et un dialogue permanent entre les acteurs économiques, institutionnels et de formation, garantirait son efficacité et sa pérennité, tout en répondant aux évolutions du marché du travail.

Secteur de l'emploi

- Référence : décret exécutif n° 08-126 du 19 avril 2008 relatif au dispositif d'aide à l'insertion professionnelle.