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Fraude, tromperie sur la nature et la qualité?: Après le café, le vinaigre

par Abdelkrim Zerzouri



C'est à croire que certains, aidés par une absence (ou complicité) des contrôleurs, nous feraient avaler n'importe quoi, sans cligner des yeux, pour assouvir leur cupidité. Après l'affaire des producteurs de café qui se «sucraient» sur le dos des consommateurs, selon une enquête rendue publique récemment par le ministère du Commerce, voilà d'autres producteurs locaux de vinaigre qui versent allègrement dans la fraude. Plusieurs infractions ont été constatées dans la production nationale du vinaigre telles la tromperie sur la nature du produit et la fraude sur sa composition, selon un responsable de la direction du contrôle économique et de la répression des fraudes du ministère du Commerce. Un constat tiré d'une enquête de vérification de la conformité du vinaigre menée cette année à travers près de 700 interventions opérées à tous les stades de la mise à la consommation du vinaigre et des condiments acidifiants pour assaisonnement (produits à base d'une dilution de l'acide acétique chimique dans l'eau potable). Les résultats des analyses effectuées ont relevé la non conformité de 44% d'échantillons de vinaigre examiné, soit 62 sur 140 échantillons, et la non conformité de 56% d'échantillons de condiments acidifiants analysés (31 sur 55 échantillons).

Les principales infractions relevées sont liées particulièrement à la tromperie sur la nature du produit qui consiste en l'utilisation de la dénomination «vinaigre» pour un produit fabriqué à base d'acide acétique chimique dilué. Il s'agit aussi de la fraude sur la composition du vinaigre dont la teneur en acide acétique chimique est inférieure à 50 grammes/litre, et la fraude dans la composition du condiment dont la teneur en acide acétique chimique est inférieure à ce qui est mentionné sur l'étiquetage.

En outre, il a été constaté la propagation du produit dénommé «condiment acidifiant pour assaisonnement» sur le marché national, un produit méconnu par la majeure partie des consommateurs, créant une confusion dans les esprits, en prenant ce produit comme étant du vinaigre du fait que son mode de présentation se confond avec celui du vinaigre (forme de la bouteille, couleur du liquide..). Les opérations de contrôle se sont soldées par l'établissement de 58 procès-verbaux de poursuites judiciaires à l'encontre des contrevenants et la saisie d'une quantité de 23.701 litres de vinaigre d'une valeur de 231.392 DA. On voit là que, mis à part la saisie du «faux» vinaigre, d'une valeur dérisoire relativement aux risques qu'il fait peser sur la santé des consommateurs, c'est à la justice de condamner les contrevenants, et pas seulement en leur collant des amendes qu'ils règleront avec le sourire tellement ils se font beaucoup d'argent avec ces pratiques illicites.

L'enquête note aussi que l'acide acétique chimique du produit dénommé «condiment acidifiant pour assaisonnement» est un additif alimentaire «E260» et que, par conséquent, ne doit en aucun cas être utilisé comme ingrédient principal d'une denrée alimentaire conformément à la réglementation en vigueur. Cette enquête a été lancée suite aux multiples requêtes parvenues au ministère du Commerce faisant état de la commercialisation d'un produit présenté comme du vinaigre mais qui est fabriqué à base d'acide acétique chimique dilué dans de l'eau potable. Ce qui est contraire aux conditions de mise à la consommation des vinaigres. Pourtant, le Centre algérien du contrôle de la qualité et d'emballage (Cacqe) définit le vinaigre comme étant un liquide préparé à partir d'une matière contenant de l'amidon ou des sucres (raisin, pomme ou blé). Ces matières, explique-t-il, subissent une double fermentation: alcoolique où les sucres sont transformés en alcool, et la fermentation acétique où tout l'alcool est transformé en acide acétique naturel qui est le composant essentiel du vinaigre. «Contrairement à ce que l'on peut croire, le degré indiqué sur chaque bouteille de vinaigre ne mesure pas la proportion d'alcool contenu dans ce breuvage mais le taux d'acidité dudit vinaigre. La mention 0% d'alcool qu'on trouve parfois sur les emballages ne veut donc rien dire», relève le même responsable. Selon le Cacqe, l'ajout d'acide acétique de synthèse dans le vinaigre est interdit par la réglementation. L'utilisation exclusive d'acide acétique de synthèse ne peut faire l'objet de la dénomination «vinaigre» mais de la dénomination «Condiment alimentaire ou acidifiant pour assaisonnement» qui n'a rien à voir avec le vinaigre.

On craint sérieusement qu'à ce rythme des révélations de résultats d'enquêtes du ministère du Commerce, on déboucherait sur d'autres produits dangereux mis à la disponibilité des consommateurs dans les supérettes.