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Notre situation est critique !

par Kamal Guerroua

C'est plus qu'évident, les Algériens devraient se délivrer au plus vite de ce «défaitisme obsessionnel» qui les gagne et rayer cette mention «impossible» de la carte graphique de leur cerveau. Sinon, ils ne verront, peut-être jamais, le bout du tunnel. Autrement dit, le dégoût et le désespoir ne devraient pas s'installer dans leur esprit en obstacles à toute initiative ou action pour le changement. Plutôt que de pleurnicher à longueur des années sur leur sort, il vaut mieux pour eux d'agir au quotidien et manifester leur existence comme «juges de la performance gouvernementale» afin de ne pas être complètement effacés de la scène. Comme bien des gens de chez nous, je suis très sidéré : je n'aurais jamais cru, ne serait-ce qu'un instant, que notre pays en arriverait là. C'est-à-dire au point de s'enfoncer aveuglément dans cette situation dramatique où il n'y a, semble-t-il, à l'horizon, qu'une seule ligne sinueuse qui part dans tous les sens vers la régression. Parbleu ! On dirait une faillite programmée qui prend au fil des jours l'apparence de la normalité avec ces discours soporifiques de quelques officiels qui s'exonèrent de leur responsabilité quant au blocage actuel, leur penchant pour le mystère, leurs guéguerres claniques larvées puis maintenant déclarées, la misère qui guette l'Algérie profonde suite à la baisse des cours du pétrole et l'oukase de l'austérité préconisé par l'exécutif, la bureaucratie, la corruption, etc. Il suffit de suivre un peu la presse et les réseaux sociaux pour qu'on en prenne mesure. Or, pas plus que cette corruption-là, par exemple, ne connaît guère de trêve, l'urgence de son éradication ne peut connaître de répit. Cela dit, la lutte contre ce fléau ravageur n'est pas une affaire d'une année ou deux ou même de dix ou de vingt ans mais devrait s'inscrire à la fois dans l'urgence, la transparence, le sérieux et la durée. Car, à moins qu'il ne s'agisse d'une profonde méconnaissance des mécanismes régulateurs de la mentalité algérienne, ce phénomène-là n'est pas, à proprement parler, une maladie bénigne facilement guérissable et la société n'en est pas à ses premières contractions. D'une part, c'est une culture ancienne bien enracinée dans les mœurs collectives, laquelle se manifeste et se complique surtout de nos jours sous des formes encore bien plus vicieuses qu'avant, faute de contrôle et d'application rigoureuse des lois. D'autre part, elle sévit partout chez les responsables comme dans la collectivité, les simples citoyens comme les élites, les sociétés publiques comme les promoteurs privés, les hôpitaux, les écoles, les universités, etc. Presque aucun secteur n'en est épargné, hélas ! Du coup, personne n'est en mesure de voir avec précision cette hydre à sept têtes, fût-ce de près, car voilée par un écran de fumée bureaucratique, tacitement acceptée par la société et encouragée par des cadres et des gestionnaires ayant de longs bras. Bref, la corruption en Algérie est comme cette vieille qui, quoique voûtée, racornie par l'âge et au seuil de la mort, garde toujours accrochée à son cœur, cette manie d'experte en magouilles, prête à nuire et à faire partout des dégâts, en ralliant tout le monde à son jeu pervers.