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AU FIL DES JOURS - COMMUNICATION POLITIQUE: NOUVELLES DU FRONT !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Lundi 20 juin 2016:

Installation de l'ARAV... «pour mettre de l'ordre dans la jungle de l'audiovisuel»... pour que «les actes de diffamation, de chantage et d'appel à la violence et à la ?fitna' soient fermement combattus et sanctionnés»... Un plan de charge lourd, très lourd pour les neuf (9) «sages» désignés et dont j'apprécie la maturité, l'expérience... et le caractère (pour ceux que je connais assez bien). Mission difficile mais pas impossible à mener à son terme face à deux «jungles». Celle d'un paysage trop longtemps laissé se développer (volontairement, ce qui a, hélas, développé des accointances douteuses, des arrogances et des suffisances aux dépens de la compétence et du «bien» public) de façon anarchique. Et, face à des domaines d'intervention, encore mal définis et dominés par une Administration qui, quelles soient ses déclarations publiques de bonne intention, ne se «laissera pas faire» (le cahier des charges est déjà prêt !)

Mardi 21 juin 2016:

Alain Peyrefitte, ancien ministre français, rapporte, dans son dernier livre «C'était de Gaulle», des déclarations du chef de l'Etat, en 1963, lors de «la Guerre des sables»: «Ce sont des histoires d'Arabes»... «Il faut qu'ils se chamaillent»... «Il ne faut proclamer aucune position de neutralité... Par ce fait, nous les aidons à s 'entretuer»... «Pourtant, il faut faire comme si nous étions neutres».

Des déclarations qui ne surprennent que ceux qui veulent bien être surpris, De Gaulle était connu pour son réalisme politique, ne tenant compte que du rôle et des intérêts de son pays face aux autres «Grands». Tout en ne se désengageant jamais des zones traditionnelles d'influence et/ou de présence (néo-) coloniale. Il est, d'ailleurs, devenu, une icône de la vie politique française que la gauche et la droite se disputent, le copiant dans leurs stratégies internationales et nationales de communication et d'action. Aujourd'hui plus qu'hier !

Les réseaux sociaux sont tout de même très utiles. C'est, grâce à eux, que nous avons su (rapidement) et vu l'accueil populaire triomphal réservé par les habitants de Médéa aux éléments de l'ANP de retour d'une opération antiterroriste ayant permis l'élimination de plusieurs criminels (18) et la capture de quatre autres, dans la région de Rouakeche. Gloire au net !

Mercredi 22 juin 2016:

Amine Malouf, l'écrivain et historien libano-français, membre de l'Académie française, est «descendu en flammes» par la presse arabe (certains titres, surtout libanais) et par tous les anti-sionistes, parce qu'il a accepté d'être l'invité (durant 34 mn) de la chaîne israélo-française I24 (appartenant au milliardaire franco-israélien Patrick Drahi). Pour la presse libanaise, il a, en quelque sorte, contrevenu à des lois libanaises cadrant les relations spécifiques avec Israël et, d'autre part, à celui de «l'anéantissement moral»... avec, comme boulet, une «trahison politique affichée». Les Arabes étaient fiers de lui, écrit Al Akhbar... mais «le seront-ils encore ?». Tout de suite les «fetwas médiatiques» ! Comme si les populations arabes - et peut-être même une partie des Palestiniens - s'intéressaient encore aux spectacles périphériques autour d'une cause mille et une fois violée (et trahie par des dirigeants arabes eux-mêmes). Comme si la communication de presse peut faire et défaire les notoriétés... alors que le combat est ailleurs.

Pauvre (sic !) Chakib ! Il n'est vraiment pas «sorti de l'auberge», puisqu'une nouvelle affaire (la dernière ?) de détournement (avec une enquête diligentée par la justice iltalienne) vient d'être rapportée par plusieurs médias italiens. Une affaire qui date avec, à la clé, le versement de 41 millions d'euros de pots-de-vin de la part de l'Eni, en échange d'un «feu vert» au rachat par le groupe italien d'une firme gazière canadienne activant en Algérie pour un montant d'une valeur de 923 millions de dollars.

Que de «casseroles» et il est, dans ce cas-là (même si certaines «affaires» sont, peut-être - tout est devenu possible - montées de toutes pièces pour détruire le concerné et/ou pour nuire à sa «tribu») très difficile pour les stratégies de com' d'arriver à «gommer» les trop nombreuses aspérités... en tout cas pas avec des «visites» aux zaouïate dont certaines sont connues pour ne jamais «cracher» au bassinet.

Jeudi 23 juin 2016:

Dernière du «Petit journal» de Yann Barthès sur Canal Plus (France). ...Résultat d'une «reprise en main» commerciale de la chaîne par son propriétaire. Bien sûr, cela va faire énormément d'heureux, c'est-à-dire tous ceux (pays ou hommes et femmes politiques, dont des Algériens) dont les faits et gestes publics ont été «décryptés» par l'émission qui a presque détrôné les «Guignols de l'Info». Bien sûr, «cela ne nous regarde pas», mais le cas est à étudier car il pose le problème (récurrent) des limites de la liberté d'expression journalistique. Ou, comment la liberté d'expression impertinente, teintée d'humour, peut-elle ne pas être vécue, par la «victime», comme une attaque ? Un problème que nous avons d'abord rencontré avec l'émergence, à partir du début des années 90, de la caricature de presse (écrite) puis, avec l'apparition des chaînes satellitaires (privées) de télévision qui ont produit des émissions satiriques... De très bonnes, de bonnes, de moins bonnes et de très mauvaises. Bien que toutes visant juste... et toutes bien prisées par un ou plusieurs publics !

Vendredi 24 juin 2016:

Récent atelier tenu à Accra réunissant des journalistes pour débattre sur le pourquoi du désintéressement des médias africains pour l'Union africaine. Première réponse: les journaux et les journalistes africains ne se connaissent pas et se méfient les uns des autres. Ensuite, le manque de com' de l'UA, avec l'impression que l'Organisation «cherche plus à se débarrasser de la presse africaine qu'à l'intégrer dans ses stratégies de com?». Enfin, il y a la tendance des dirigeants africains à mépriser la presse du continent et à ne chercher à faire les «yeux doux» qu'aux médias et journalistes occidentaux. Conséquence: les journalistes africains «méprisent à leur tour les dirigeants africains... qui, selon eux, pour bon nombre, forment un syndicat de dictateurs ne méritant aucun intérêt».

Solution proposée: la transparence, le contact permanent avec les journalistes, la facilitation du travail...

Samedi 25 juin 2016:

Paris... la ville - (des) lumières: Conférence-débat animée par trois «opposants» (Samy Oussedik, Sofiane Djilali et Ali Benouari) qui, bien sûr, ont décrit la «situation désastreuse du pays» et alerté sur un «probable chaos». Chacun y est allé de son analyse, un peu beaucoup du déjà entendu ! Mais, ce qui frappe le plus, c'est le nouveau haut niveau d'«intelligence - ou de créativité - langagière» (ce qui nous change du niveau d'inintelligence langagière relevé soit dans les Assemblées élues soit sur les plateaux de télévisions satellitaires) qui «accroche» le plus: «L'ascenseur dont les câbles ont été sciés»... «Une prison dont il faut casser les barreaux»... «Le mur face auquel l'Algérie se trouve»... «Remettre l'intelligence au sein de l'Etat»... «Le Président hologramme»...: flèches assassines et images «frappantes» destinées surtout, à mon humble avis, à l'élite d'outre-Méditerranée toujours friande de «bons mots».

Dimanche 26 juin 2016:

Les «boulettes» politiques sont monnaie courante, tout particulièrement chez les politiciens opportunistes, pressés par le temps et les événements (exemples: promesses électorales, d'approche des fins de mandat, peur du désordre social, contractions économiques, baisse dans des sondages...). On l'a vu, chez nous, avec la précipitation dans l'agrément quasi concomitant du FIS (et aussi du RCD): un parti franchement déclaré religieux et un autre, à l'époque étiqueté culturaliste... mouvances alors rejetées par la Constitution. Précipitation de gouvernants, qui nous a conduits là où l'on sait. C'est ce qui vient d'arriver au Premier ministre britannique Cameron contre la vague souverainiste et droitière (fascisante) du Brexit. Un petit nombre de voix dans une élection «démocratique» et tout bascule... jusqu'à l'impensable, l'impensé... et l'horreur. Durant la campagne, une députée anti-Brexit, Anglaise de souche, est assassinée par un Anglais de souche xénophobe... et après, des risques de «partition» de régions pro-UE.

Conférence-débat (à la librairie Chaib Dzair de l'ANEP/Alger), de Ahmed Bensaâda (un Algérien installé au Canada qui a, entre autres idoles, Amine Malouf), auteur d'un récent ouvrage au titre «accrocheur»: «Kamel Daoud: Cologne, contre-enquête», sorti aux éditions Frantz Fanon (après une première sortie... à l'étranger). Un livre (que je n'ai pas encore lu, mais que je présenterai prochainement dans «Médiatic») qui, les propos tenus le disent, «descend en flammes» Kamel Daoud et ses écrits de presse sur les événements de Cologne (Allemagne, fêtes de fin d'année... plusieurs femmes ayant été agressées et violées, entre autres, par des émigrés).

En résumé, à partir d'une grille d'analyse d'Albert Memmi «datant» de 1973 assez prisée (encore) chez les «anciens» de la gauche-couscous merguez..., il traite le journaliste-écrivain de «néocolonisé qui s'évertue à diaboliser sa communauté», de quelqu'un d'«aliéné», «plein de ressentiment et de dégoût envers ses propres cultures et ses semblables», de faiseur de «fetwas journalistiques». De quoi faire jublier Hamadache. Pas moins !

Kamel Daoud, un journaliste qui a toujours signé de son nom, assumant pleinement ses écrits et ses propos et qui n'a jamais quitté le pays. Il en a vu de toutes les couleurs et il est passé par pas mal d'épreuves... et il n'a pas, «le pôvre !», de «doctorat de physique». Il a, cependant, une plume (et une parole) libre et libérée, appréciée et enviée, et respectée même par ceux qui ne sont pas d'accord avec lui. Je me souviens de Rachid Boudjedra lorsqu'il avait publié en France, au milieu des années 60, «La Répudiation»: que de «critiques» de la part de ses propres «camarades». On a eu d'autres procès et attaques de ce genre. Contre M. Mammeri, contre M. Dib, contre F. M'rabet, contre B. Sansal, contre Y. Khadra, contre A. Djebbar, contre K. Yacine et d'autres, et d'autres... La «haine de nous», jusqu'à quand ?

Lundi 27 juin 2016:

Un site électronique d'informations générales s'en prend au quotidien El Moudjahid, en raison d'un éditorial «ostensiblement hostile à toute voie opposée au régime actuel»... en l'occurrence la «dernière sortie du général K. Nezzar qui a exhorté les députés à ne pas voter le projet de loi concernant l'obligation de réserve aux officiers de réserve».

Mon problème n'est pas là. Il est au niveau de cette confusion historique importante, sinon grave, qui continue à confondre le quotidien El Moudjahid paraissant seulement après le coup d'Etat du 19 juin 1965 (suite à un projet de fusion des quotidiens Alger Républicain-Le Peuple, imposée par A. Ben Bella au Parti communiste algérien) avec le périodique El Moudjahid (-historique), créé en 56 par Abane Ramdane et ses compagnons (toujours existant sous la forme d'hebdomadaire au niveau du parti du FLN, mais à l'état décrépi). Une confusion historique autour d'une appellation (en principe à «déposer»). Quant au contenu, on oublie le fait qu'El Moudjahid (quotidien) - qui, pour la petite histoire de la presse nationale, a été, malgré tout, avec l'APS, une très grande école de journalistes - est un titre gouvernemental, au service des pouvoirs en place et en force du moment, chacun d'eux l'exploitant en fonction de ses intérêts et de ses objectifs: d'abord boumedièniste, puis chadliste, puis kafiste, puis boudiafiste, puis zeroualiste, puis bouteflikiste, puis... Parfois, hélas, au service d'un ministre, parfois, hélas, au service de la Di/Présidence... Pourquoi donc continuer à s'en étonner ?

L'ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Alger envoie, «par erreur», aux mauvais destinataires, une revue de presse interne. Il y a un tableau censé servir de guide des médias algériens offrant un aperçu de la perception qu'a la diplomatie américaine (en poste à Alger) des journaux en Algérie. On a, donc, des classements en «pro-gouvernement», en «gouvernementaux», en «conservateurs», en «critiques du gouvernement», en «pro-berbères», en «éclectiques»... Seul le Quotidien d'Oran échappe au classement, aucune «étiquette» ne lui ayant été collée. Merci ! On ne sait comment prendre cet étiquetage qui ne fait que mettre «noir sur blanc» une évidence que personne, en Algérie, n'ose pour le moment, dire ou écrire, laissant ainsi la voie (x) aux autres afin qu'ils nous jaugent et nous jugent. Diffusion par erreur d'une production interne normale et banale ? Ou, alors un ballon-sonde: «On vous a à l'œil !»

Jeudi 30 juin 2016:

Le guide spirituel des Frères musulmans, Youssef Al Qaradaoui, se lâche dans une de ses confessions récentes à la chaîne Al Jazeera. Il dévoile son penchant pour le sexe faible (et son aventure maritale avec une jeune demoiselle algérienne), ainsi que son caractère de jouisseur. Derrière un air de dévôt et de mystique, de la simple comédie humaine ? De l'hypocrisie ? De la goujaterie, c'est sûr ! C'est vrai qu'en amour, puis en mariage, on dit «trompe qui peut». L'aventure amoureuse n'a pas trop duré... pour «différence de cultures et de visions sur certaines choses», dit-il. Pas de précisions supplémentaires. Peut-être aussi, la différence d'âge et de forme physique, la petite pilule bleue n'ayant pas une efficacité permanente.

Vendredi 1er juillet 2016:

Journée sans journaux et sans information à Madagascar... suite à l'impossibilité de discuter avec les députés sur le nouveau code de la communication (déjà adopté... à l'unanimité et en secret !) ... le ministère ayant, dit-on, fait «preuve de mauvaise foi manifeste» en affirmant qu'il s'agit d'un texte déjà convenu et adopté par les journalistes eux-mêmes... ainsi que par la communauté internationale (sic !), alors que la version adoptée par le Sénat n'est pas celle convenue.

A noter que le nouveau code est bourré d'articles répressifs, alors que la corruption, l'incompétence et les autres mauvaises gouvernances du régime sont continuellement dénoncées par la presse... une presse (privée) qui n'est pas indemne de reproches, avec ses corrompus et ses corrupteurs, même si elle n'abuse pas des deniers de l'Etat.

Bien sûr, l'audiovisuel étatique et les médias pro-régime ne suivent pas les consignes de boycott... alors que tous les autres misent sur un régime «qui ne va pas rester éternellement en place». L'espoir fait (sur-) vivre car l'Histoire guette toujours aux portes.

Dimanche 3 juillet 2016:

Emouvante lettre de Slimane Benaïssa, le dramaturge, acteur et écrivain, adressée au président de la République, ayant trait au cas de son fils (directeur de NessProd, gérante de Kbc): «Je suis un père inquiet et en colère. Inquiet parce que mon fils, Mehdi Benaïssa, est en prison, en colère parce que je ne sais pas exactement pourquoi...» ...Tout en précisant que «notre société ne comprend pas sa jeunesse», il ajoute que? son fils est «le fils de ?la chute du mur' et des idées. Il n'a pas grandi dans les idéologies, il a grandi dans la construction de valeurs. La génération de mon fils a des aspirations éthiques, elle ne revendique et ne défend que les valeurs qui lui permettront de s'épanouir et de se réaliser dans la société... Mon fils fait partie de la deuxième génération post-indépendance. Cette génération a la mémoire lourde d'une histoire complexe: celle du colonialisme et de la lutte de Libération que nous n'avons pas clarifiée pour eux et qui leur fut mal enseignée. Ils la subissent beaucoup plus qu'ils ne s'en nourrissent. Ils s'embourbent dans le reste des conflits historiques de leurs grands-pères, tout en essayant de résoudre les problèmes de leur avenir, de leur devenir.

Quand on dit que mon fils fait de la politique (au sens où ceux qui l'accusent l'entendent, à savoir qu'il fait le jeu de tel clan par rapport à tel autre), on ne s'imagine pas qu'il faut le mettre dans une machine à reculer le temps pour qu'il en soit capable. Nous sommes à 70 ans de la guerre de Libération pour ceux qu'ils l'ont faite, mais pour nos enfants, cette guerre c'est du passé, c'était il y a un siècle. Non parce qu'ils la méprisent, mais parce qu'ils sont inscrits dans une autre notion de temps. Nous n'avons pas les mêmes horloges dans nos têtes. Ils sont les enfants des réseaux sociaux et du numérique, ils parlent une autre langue que nous et nous devons apprendre à la parler si nous voulons continuer à communiquer avec eux. Nous devons être attentifs à leur humour, à leur rire, à leur manière de porter la dérision pour mesurer leur niveau de douleur et non de méchanceté. On ne peut pas les juger de manière décalée, dépassée. Cette façon de faire est en tout état de cause injuste, simplement par le fait qu'elle est historiquement anachronique...».