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Après le scandale du bac: L'école, notre tragédie

par M'hammedi Bouzina Med

Le scandale qui a entaché l'examen du baccalauréat n'est pas un simple accident de parcours, une tricherie de circonstances. Il révèle un visage hideux qui ronge la société et érige la ruse et la triche comme valeur et moyen de réussite sociale. Terrible.

Voilà donc la ministre de l'Education nationale prise, malgré elle, dans une tempête médiatique et politique qui frappe de honte ce qu'il y a de plus sacré dans l'honneur d'une nation: son école. Tout le monde s'accorde à dire que l'école, cette deuxième maternité de laquelle dépend le présent, l'avenir, le destin des peuples, est malade, handicapée, sinistrée depuis l'âge des ténèbres qui a enseveli le pays, remplaçant la raison par le charlatanisme, le rationnel par l'irrationnel, le savoir par l'ignorance. Et tout le monde se tourne vers une «Dame» , lui faisant reposer sur ses épaules de femme la très lourde mission de libérer l'école algérienne de sa descente aux enfers. Comme si l'école est un espace vivant en vase-clos, hors de tout contexte social, politique, idéologique. Autrement dit, peut-on sérieusement espérer bâtir une école saine, compétitive, pourvoyeuse de générations avides de conquêtes dans ce vaste monde de la modernité et de la connaissance avec un «Système politique» grippé, dépassé qui peine à trouver un minimum de consensus national sur la cellule «souche» de l'Etat nation qu'est l'école et qui devrait être, dans son essence, à l'abri des convoitises politiques et des dessins de tous les partis politiques ? L'école ne peut être un parti politique, un supplétif de quelque régime ou pouvoir politique, hormis celui de la citoyenneté, de la curiosité et du savoir, dans son acception la plus universelle du terme. Est-il trop tard pour sauver l'école de la lente et pernicieuse régression qui la dévore aujourd'hui ? Deux hypothèses s'affrontent sur la question: celle qui estime que la mise sur l'orbite de la modernité du pays dépend, d'abord, du sauvetage de l'école et celle qui croit que l'école algérienne ne peut être sauvée de sa médiocrité que par un bouleversement de tout le système politique et institutionnel actuel du pays. Nous voilà, encore une fois coincés, face à un dilemme d'ordre stratégique: par où commencer? Comment faire? Quels moyens utiliser? Dans le large spectre du champ politique national, le courant islamo-conservateur semble avoir bien compris le rôle de l'école et la trajectoire dans laquelle il veut projeter le pays. Il a usé de patience et occupé, progressivement, l'espace scolaire depuis la fin des années quatre-vingts et récolte, aujourd'hui, le fruit de sa stratégie, celle d'une école fermée à la modernité, tournée vers la passé, dogmatique et souvent intolérante. L'école est à l'image du climat social, politique, idéologique qui domine dans le pays. Ce n'est point le savoir, la compétence, l'excellence qui sont le moteur de la réussite, mais la ruse, la triche et la fourberie. Pauvre de nos enfants ! Otages d'une école pervertie par des programmes et une pédagogie hors le temps présent, elle conditionne nos enfants à la reproduction d'un système sclérosé et ils deviennent mécaniquement victimes et coupables de cette «régression profonde» qui ronge lentement et dangereusement le pays. La crise de l'école est si complexe et si grave que le débat qui la concerne, en particulier celui né à la faveur du scandale qui a entaché l'examen du baccalauréat, s'enfonce, à de rares exceptions, dans des procès surréalistes jusqu'à rendre responsable de la catastrophe scolaire, telle ou telle personne, et dans le cas de ce malheureux et honteux épisode du baccalauréat, une femme qui cristallise autour d'elle l'affrontement entre les «kidnappeurs» de l'école d'aujourd'hui et ceux qui se battent pour la libérer de leurs griffes. Immense responsabilité pour une femme laissée seule face au défi, autant par le pouvoir qu'elle sert de bonne foi que par les nombreux partis politiques de l'opposition qui se contentent, parfois, de communiqués de circonstances.

Le sauvetage de l'école algérienne ne dépend pas du seul ministère de l'Education, malgré la bonne volonté de sa ministre de tutelle. L'avenir de l'école est de la responsabilité de tous: peuple, acteurs politiques, acteurs associatifs, parents, jeunes, monde de la culture, médias, etc. Parce que l'école est notre seconde maman qu'il ne faut pas abandonner.