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La tripartite ne produit pas du consensus national

par Kharroubi Habib

C'est à un auditoire acquis par avance, celui de la tripartite étoffé pour la circonstance avec la participation à sa réunion des walis et de membres du Conseil national économique et social (CNES), que le Premier ministre Abdelmalek Sellal a dévoilé son très attendu plan de nouveau modèle de développement appelé à devenir le bréviaire dont l'application devrait permettre à l'Algérie de surmonter les difficultés auxquelles la confronte sa crise financière induite par l'effondrement des cours du pétrole et de se doter d'une économie diversifiée la libérant de sa dépendance à la seule ressource pétrolière.

Cela ne fait aucun doute qu'il y a urgence pour le pays à être doté d'un nouveau modèle de développement, celui qui a guidé l'action de l'Etat en la matière ayant échoué à le mettre à l'abri des aléas de la dépendance au pétrole et à réunir les conditions pour l'émergence d'une économie diversifiée. Sellal n'a fait que prendre conscience qu'un changement de modèle de développement est un impératif s'imposant avec la plus cruciale urgence. Il s'est attelé à en produire un qu'il pense allant répondre à ce que l'Algérie doit entreprendre pour sortir de sa crise économique et financière.

Pour qui place l'intérêt de la nation au-dessus de toute autre considération, il est à espérer que le nouveau modèle de développement qui va être mis en œuvre est véritablement celui grâce auquel l'Algérie sera placée sur la trajectoire du développement durable garant du non retour aux errements qui l'ont conduite à l'impasse où elle se trouve présentement. C'est aux experts économiques qu'il revient d'apprécier la pertinence du nouveau modèle que Sellal et son gouvernement se proposent de mettre en œuvre. Ce que nous nous permettons de déplorer est que Sellal et le pouvoir plus précisément qui prônent pourtant le consensus national comme socle indispensable à toute politique visant à mettre à l'abri l'Algérie de secousses autant sociales que politiques ou sécuritaires n'ont pas élargi la réflexion et la consultation sur le nouveau modèle de développement afin qu'il apparaisse que leur option en l'occurrence émane non d'une démarche unilatérale mais d'un travail ayant privilégié l'écoute des compétences dont dispose le pays en la matière.

C'est probablement pour créer l'illusion d'un consensus national sur ce nouveau modèle de développement que Abdelmalek Sellal a opté de le soumettre à l'examen de la tripartite élargie pour la circonstance aux walis et à des membres du CNES. Les critiques sur l'unilatéralisme de sa démarche ne cesseront pas pour autant. Un sujet aussi crucial et dont dépend l'avenir du pays méritait d'être mis en débat non pas au sein de la seule tripartite mais dans un forum autrement plus représentatif. Ce n'est pas parce que la tripartite réunit le gouvernement avec les partenaires sociaux et économiques que sont l'UGTA et certaines organisations patronales qu'il faut la considérer comme une instance dont les préconisations ou les approbations ont valeur de consensus national.

En réalité et même quand il se pense sincèrement œuvrer dans l'intérêt national, le pouvoir agit de la pire manière qui soit à savoir : qu'il est seul à savoir ce qui est bien pour le pays. Une présomption qui lui fait considérer que ceux qui n'applaudissent pas à ce qu'il fait sont de dangereux trublions qu'il n'a pas à consulter et à l'égard desquels il pratique la politique de la diabolisation. Sa vision et son comportement sont aux antipodes de ceux que requiert une volonté de consolider le consensus national dont l'Algérie a besoin tant pour opérer une mue économique que pour faire face avec efficience à tous les autres grands défis auxquels elle est confrontée.