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Les nuances de Sellal

par Ghania Oukazi

«Voila bientôt deux années que les cours mondiaux des hydrocarbures enregistrent une chute spectaculaire et brutale, occasionnant des contractions drastiques des revenus avec une perte de plus de la moitié de nos ressources financières,»

 a déclaré, hier, le 1er ministre.

Des propos qu'il a voulu alarmants mais qu'il nuance tout de suite après en soulignant que «certains ont parié sur un vacillement rapide de l'Algérie, d'autres ont abandonné le navire pour ne pas être comptables d'un naufrage qu'ils pensaient inéluctable(?), pourtant dans ce contexte très difficile et à l'évolution improbable, l'Algérie résiste». Sellal confirme son optimisme en notant que «je le dis sans démagogie, la situation est dure et les contraintes sont réelles avec des lendemains incertains, mais économiquement, l'Algérie résiste bien». «Oui, Messieurs, malgré la violence et les impacts du choc pétrolier, les performances de notre économie et notre capacité à améliorer la croissance, demeurent réelles,» persiste-t-il sur un ton convaincu de «la sagesse et de l'intelligence collective de notre peuple qui a toujours rejeté les discours de la panique et de l'aventure politique et qui manifeste à chaque occasion ses choix en faveur de la stabilité et du développement et sa confiance en l'homme à qui il a confié souverainement la direction du pays». Il conforte plus son optimisme en faisant savoir que «les performances de notre économie» se traduisent par «un volume d'importations en baisse de 13,07% par rapport à la même période de 2015, des réserves de changes établies à 136,9 milliards de dollars, un taux d'inflation stabilisé à 4,11%, un niveau de liquidités dans les banques de 1,684 milliards de dinars et des crédits à l'économie en constante progression, +9% par rapport à la même période de 2015». Sellal tient à «corroborer ces données» par ce qui a été avancé dans le rapport annuel du FMI rendu public il y a près d'un mois, à savoir que «le choc pétrolier n'a eu qu'un effet limité sur la croissance, que l'Algérie a la possibilité de mener l'ajustement de manière progressive et de reconfigurer son modèle de croissance, que la progression du taux de change est faible, de 10,6% en 2014 à 11,2% fin 2015 et enfin, le niveau correct des réserves de change et celui très bas de la dette extérieure, 1,8% du PIB».

L'optimisme de Sellal

Se voulant davantage rassurant, le 1er ministre dit que «l'Algérie est parmi les rares producteurs de pétrole qui continuent de faire de la croissance et de créer des activités et de l'emploi, le nombre des investissements déclarés sur les trois dernières années représente 70% des créations d'activités depuis 2002 (24 386 projets lancés entre 2013 et 2016), l' emprunt national pour la croissance engagé le 17 avril 2016, évolue correctement, ce sont des signaux forts de confiance des investisseurs en l'économie algérienne». L'on se demande alors pourquoi faudra-t-il s'inquiéter «des contractions drastiques des revenus avec une perte de plus de la moitié de nos ressources financières» et «ce contexte très difficile et à l'évolution improbable» qu'il a évoqué tout au début de son intervention.

D'autant qu'il affirme encore que «depuis son indépendance, l'Algérie a bâti un modèle politique et social auquel elle tient et ne veut sous aucun prétexte y renoncer». Il nuance encore une fois en soutenant que «préserver ce modèle a un coût qui jusque-là était supporté par l'exploitation des richesses naturelles qui ne pourront plus à l'avenir garantir sa pérennité, il nous faut donc chercher la croissance ailleurs, c'est-à-dire dans la sphère économique réelle là où l'entreprise publique ou privée est la clé de voûte».

Le nouveau modèle économique de croissance que le gouvernement veut faire valoir doit, dit le 1er ministre, «faire aboutir en bout de cycle, à des niveaux soutenables en matière d'équilibres des finances publiques». Il comprend, explique-t-il «des mesures pour consolider la justice sociale sans surcoûts économiques, réformer la fiscalité et mettre le budget au service de la croissance et du développement humain et durable». Le tout doit être orienté, précise Sellal «vers la réunion des conditions d'émergence d'une base productive et industrielle nationale modernes et compétitives à travers l'amélioration de l'environnement de l'entreprise et la promotion de la production nationale, en luttant ensemble contre ce qui bloque son épanouissement et en écartant les bureaucrates et les véreux». Il appelle à allier «vision stratégique, pragmatisme et responsabilité sociale et politique (?), égalité devant la loi, équilibre entre nos territoires, égalité de chances et équité dans l'application des normes et règlements (?).»

Stratégie économique à huis clos

Le 1er ministre fait ainsi de «l'obligation de justice sociale, une ligne directrice intangible dans l'action de l'exécutif» et précise-t-il encore, «c'est dans cet esprit que s'inscriront les aménagements législatifs à engager en matière de droit du travail et de retraite après l'atteinte du consensus au sein de la tripartite». Sellal appelle alors «toute la société à œuvrer de toutes ses forces pour accélérer encore plus cette dynamique vertueuse parce que désormais, le temps nous est compté». Il fera le serment que «votre pays est sûr et stable, il est souverain et maître de sa décision politique et économique (?), il traverse des difficultés économiques mais ne reniera jamais ses engagements envers les citoyens, il est engagé dans une formidable œuvre de renouveau national (?)».

Il a décidé que la présentation du nouveau schéma de croissance économique et le débat autour de son contenu se fassent à huis clos. Dans ce même huis clos, le ministre des Finances devait faire le point sur la situation financière du pays et celui de l'Industrie et des Mines devait faire connaître «les facilitations de l'investissement (défis et perspectives). Le ministre du Travail devait, pour sa part, présenter le nouveau régime de retraite. «Il s'agira de garantir à tous les travailleurs les mêmes droits sociaux sans privilèges indus ni exceptions dérogatoires, afin d'assurer la pérennité du système national de retraite basé, faut-il le rappeler, essentiellement sur la solidarité intergénérationnelle, ce qui nous recommande de mettre en œuvre des réformes justes,» a dit le 1er ministre.