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Santé du Président: Un officiel français décrit Bouteflika

par Mahdi Boukhalfa

De plus en plus de politiques et d'observateurs étrangers, après l'épisode malheureux de la photo twittée par Manuel Valls, Premier ministre français, se posent la question de savoir si le président Abdelaziz Bouteflika est vraiment en état de gouverner et d'accomplir le plus normalement ses tâches présidentielles quotidiennes.

De diriger le pays ! La dernière en date vient de l'ancien président du Conseil constitutionnel français et ex-ministre de l'Intérieur, Jean-Louis Debré. Dans un livre qui vient de paraître (Ce que je ne pouvais pas dire), l'ex-premier policier de France rapporte le contenu de son entretien avec le président Bouteflika, lors d'une visite qu'il a effectuée en Algérie, le 9 décembre 2015. Et dans son livre, il se pose des questions, en particulier sur la santé du président et sa capacité à diriger le pays. «Il m'accueille dans son palais, situé un peu en dehors du centre d'Alger, très fortement et visiblement protégé. Une résidence médicalisée, me dit-on. Il est tassé dans son fauteuil, très essoufflé, la voix faible. Un petit micro collé contre sa bouche permet de mieux entendre ce qu'il dit. Il a bien des difficultés pour s'exprimer», écrit Debré, qui ajoute qu'«à plusieurs reprises, il doit s'interrompre pour boire une gorgée d'eau. Il me faut être particulièrement attentif pour réussir à le comprendre». J-L Debré poursuit : «Tandis que notre entretien se termine, je constate qu'il a de plus en plus de mal à parler. Sa respiration est hachée, il est fatigué». Et puis, il se pose la question : «Bouteflika est-il encore en capacité de diriger l'Algérie? C'est la question que je me pose tout au long de cette soirée». Il relève que si le Président Bouteflika «est à l'évidence bien informé des affaires internationales», il s'interroge néanmoins que «cet homme épuisé après moins d'une heure d'entretien, à l'élocution difficile, n'est-il qu'un paravent derrière lequel se cachent des hommes ou des clans soucieux de garder le pouvoir le plus longtemps possible ?» Il va plus loin en écrivant qu'«en le maintenant à la tête du pays, ne cherchent-ils pas à différer une guerre de succession qui achèverait de fragiliser une Algérie déjà promise, avec l'effondrement des prix du pétrole, à de grandes difficultés économiques et sociales.

Un pays où la montée de l'islamisme radical est manifeste». Jean-Louis Debré fait-il dans la surenchère politique après l'épisode de Valls, qui a twitté une photo de Bouteflika lors de sa dernière visite à Alger, en avril dernier ?

Car en fait, Debré était en fonction à la tête du Conseil constitutionnel français lorsque le président Bouteflika avait été évacué d'urgence à l'hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce, pour subir des examens approfondis à la suite d'un accident vasculaire cérébral dont il a été victime samedi 28 avril 2013. Et également lors de la convalescence du président aux Invalides, puis une année après pour des contrôles médicaux à l'hôpital de Grenoble, et le 25 avril dernier en Suisse.

La santé du président Bouteflika semble ainsi accaparer l'attention des plus hauts dirigeants européens notamment, car le cas de la photo du Premier ministre français qui montre un président affaibli et parlant grâce à un micro n'est pas la première du genre.

Les Russes sont passés par là, et l'entrevue qu'il a accordée au chef de la diplomatie russe le 29 février dernier, montre Bouteflika également très faible. C'est le ministère russe des Affaires étrangères qui avait posté sur son compte Youtube la vidéo de la rencontre entre Sergueï Lavrov et le président algérien. Cette vidéo montre notamment un Bouteflika qui s'exprime difficilement, incapable de faire le moindre geste. Cette vidéo n'a pas provoqué de réaction officielle, mais avait la première ouvert une brèche sur l'état de santé réel du chef de l'Etat.

Entre le retour du président au pays après son accident cérébro-vasculaire en avril 2013, et la visite trois ans après à Alger du Premier ministre français, qui a le plus médiatisé cette santé fragile du chef de l'Etat, plusieurs hauts responsables, des chefs de la diplomatie et des ministres, dont le secrétaire d'Etat US John Kerry, ont rencontré le chef de l'Etat. Aucun, hormis Valls et la Russie, n'a rendu publiques ses impressions sur l'état de santé de Bouteflika. Pourquoi ? D'autant que la médiatisation du passage du livre de Debré sur sa dernière entrevue en décembre 2015 avec le chef de l'Etat intervient en plein milieu d'une brouille politique provoquée par des photos pas innocentes de Valls.

Jean-Louis Debré évoque aussi dans son livre que Bouteflika lui aurait dit que « sans l'intervention de la France, il n'y aurait sans doute plus de Mali ». Le chef de l'Etat aurait même affirmé que «cette intervention est salutaire, non seulement pour le Mali, mais pour tous les pays voisins dont l'Algérie».

Autre sujet international abordé, le conflit syrien pour lequel, selon Bouteflika, il ne peut y avoir de solution militaire et que la France ne doit pas prendre le risque de s'y enliser et d'envoyer des troupes au sol.

Concernant les rapports entre l'Algérie et le Maroc, Bouteflika les a qualifiés de déplorables, selon Debré. Le président se serait même demandé « pourquoi les responsables marocains ne cessent pas d'insulter l'Algérie et son chef ».