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Du barbier de Mido au raki de Hossam !

par Slemnia Bendaoud

Entre l'Egypte et l'Algérie, il a toujours été question de suprématie. Ou de leadership à ostentatoirement afficher dans la folie de l'euphorie du vainqueur du moment. En Sport, tout particulièrement.

L'Egypte, ce don du Nil, a tout le temps été jalouse de ses Pyramides et ivre de sa légendaire et très vieille Histoire. L'Algérie, sa sœur cadette, l'est tout autant pour sa Grande résistance et remarquable Révolution contre le colonisateur d'antan.

Et chaque pays tient encore et toujours à sa chasse-gardée, se gardant de ne point empiéter sur ce terrain propre à l'autre. Ici et là, on se pavane et se vante aussi de sa propre Histoire. A cette Oum Dounia chantée avec grand bonheur et beaux décibels sur les berges du Nil ou celles de la Méditerranée répond cet écho des honneurs lui parvenant du haut du maquis du Djurdjura et des Aurès.

Ce pays-ci comme celui-là restent donc intraitables lorsqu'ils jouent chez eux et à leur propre jeu. Mais dès qu'une quelconque compétition lie l'un à l'autre, les choses changent complètement de philosophie pour tomber dans la spirale de l'excès de cette rivalité, débordant du cadre sportif approprié, frôlant parfois le spectre de l'irréparable.

Ainsi se présentaient toujours les très cycliques confrontations sportives entre ces deux pays frères. La tension qui les caractérisait faisant très souvent monter de plusieurs crans une émotion exagérée ou surfaite qui gâchait immanquablement la fête de football attendue. La fièvre de ces rendez-vous footballistiques tournaient rapidement à la raillerie, à la moquerie, si ce n'est parfois carrément au vinaigre.

A chaque nouvelle cérémonie d'un tirage au sort d'une compétition internationale ou même continentale, les gouvernants, bien avant les spectateurs, prient tous les Saints et le Bon Dieu pour que les confrontations directes ou de groupe ne les y opposent de nouveau, voulant d'un côté comme de l'autre en faire à jamais l'économie, et à tout prix.

Par trois fois l'Egypte a rencontré sur son chemin des éliminatoires de la coupe du monde la sélection Algérienne. Elle aura pris le dessus en 1986, privant l'Algérie d'une troisième qualification consécutive. En novembre 2009, l'Algérie prendra sa revanche sur ce même adversaire, tandis qu'en 2001, ce fut le Sénégal qui leur ravira la vedette pour l'édition de 2002.

Aussi, toute victoire -fut-elle des plus étriquées- sur ce voisin éloigné laisse indubitablement les traces d'un succès longtemps célébré. Très haut vanté ! Et toute défaite contre ce même adversaire met énormément de temps à pouvoir être finalement digérée. En tous cas, de mémoire, jamais effacée ! Dans un cas comme dans l'autre, le match continue dans l'absolu? ! Même en dehors de son temps réglementaire et bien au-delà de l'arène.

Déjà, bien avant le jour du match, les supporters des deux sélections jouaient, eux aussi, " le leur " -à couteaux tirés- en pleine rue, en famille restreinte ou même sur les lieux de travail et sur les plateaux de télévision qui couvrent l'avant-évènement au regard de ce qu'il suscite comme engouement et spectacle divertissant, susceptible de générer l'intox et de sérieusement perturber et influencer l'adversaire du jour. Quant aux commentaires d'après-match, leur tournure prend immédiatement la tangente du résultat chiffré dûment enregistré sur le terrain de vérité. C'est de là d'ailleurs qu'est engagée la posture ultra-défensive ou quasiment offensive adoptée, selon toute éventualité, par l'une ou l'autre formation. Bien souvent, cet après-match n'est que la copie presque conforme de l'avant-match ou tout juste un remake de celui précédemment joué.

Car autour de la rencontre " très sportive " se jouent également d'autres enjeux non moins importants sur d'autres terrains de jeu moins sportifs, plus permissifs, peu attractifs et bien souvent très agressifs. Leurs acteurs se recrutent parmi les très chauvins des chérubins, les oisifs, les impulsifs, les désœuvrés, les acharnés, les attardés, les laissés pour compte, les névrosés, les aventuriers?

Mais aussi à l'intérieur même du cercle de ceux qui jouent au foot, au sein du staff technique ainsi qu'à la périphérie sinon au cœur même de la plus haute sphère des hommes politiques du pays.

A mesure que le ton monte sur le terrain de jeu, celui-ci quitte le rectangle vert pour immédiatement atteindre les tribunes et les gradins. Il trouvera ensuite refuge au sein de ces cafés bondés de monde à longueur de journée, grandes places de la ville toutes prêtes à colporter la rumeur ou à faire l'évènement de la semaine et autres très peuplés quartiers aspirant à sortir de leur torpeur et durable léthargie.

Selon l'écho que l'on en fait ou celui astucieusement ressassé, il gravira d'autres échelons pour atteindre en coup de vent le perron d'El Mouradia, ces grands et huppés palais du Nil. Et telles ces eaux d'une pluie diluvienne ou prise de folie, le foot amplifié par la rumeur ou la revanche à prendre sur l'adversaire et sur l'histoire déborde souvent de son propre lit pour atteindre de plein fouet le plus haut sommet de la sphère politique nationale.

Le plus grave encore dans cette façon de faire, pour le moins peu honnête et inattendue, est que d'anciens grands artistes de la balle ronde -aussitôt reconvertis en spécialistes du commentaire du foot- alimentent dans le quotidien des deux peuples considérés cette polémique qui tient en haleine les cœurs serrés et éprouvés des nombreux fans de deux sélections, les poussant à faire toutes ces dangereuses projections, osées comparaisons, farfelues propositions, très risqués pronostics et surtout superficiels diagnostics, de nature à " refaire le match " selon leur propre logique ou à prolonger dans le temps et l'espace sa durée légale.

Ainsi, toute nouveauté footballistique enregistrée tout récemment chez ce voisin nord Africain est aussitôt à la volée diagnostiquée, à la loupe revisitée, à la va-vite décortiquée, avec toute l'attention voulue commentée, longtemps tournée et retournée pour être de tous les côtés analysée et sur tous ses aspects sérieusement considérée. On y expurgera le volet intéressant sur le champ traiter de manière à indirectement faire prévaloir nos valeurs et titres engrangés face à ceux détenus ou collectionnés par ce potentiel concurrent.

Des artistes de la sémantique de la grande et très savante communication se chargeront, eux, de monter la pièce et de faire basculer le message concocté sur les réseaux sociaux qui s'occuperont de la propagande à, plus tard, transposer et la faire voyager dans les coins les plus reculés de la planète terre.

Bien souvent, l'esprit peu objectif, trop critique ou empreint de sa légendaire jalousie y est pour l'occasion convoqué pour annoncer un défi ou accompagner le " méfait " ou l'effet superlatif d'un jugement hâtif ou impartial.

L'étoile Riadh Mahrez qui monte en scintillant de son éclatante beauté et toute naturelle pureté est, à présent, au cœur de cette comique et plutôt très stérile polémique qui suscite débat. Elle en fait, le plus logiquement du monde au sein de la grande vallée du Nil comme partout ailleurs dans le monde, des envieux, des jaloux, des prétentieux, des anxieux puisque se sentant légitimement exclus aux côtés de ceux plutôt comblés, satisfaits et heureux car, très respectueux des valeurs indéniables de l'artiste-né et de son gène de Grand Champion.

L'occasion était justement très propice pour désormais engager les paris les plus fous ou générer des pronostics superflus ou même les plus farfelus. Et comme de tradition, des vedettes de l'Empire footballistique des Pharaons, en mal de sensation ou gagnés par la nostalgie d'antan, se sont fait inviter sur ces plateaux de télés pour faire les leurs sous forme de " fleurs à jeter à leurs supporters " et pour certains -fort heureusement- bien tenir parole et leur engagement. Sauvant par-là même leur honneur et l'éthique des paris du foot, même si la contrepartie à verser à l'opinion publique et à l'heureux gagnant ne valait pas plus que cette virée en privé à faire chez son propre coiffeur !

Mido a donc rendu visite à son barbier du coin pour se débarrasser de sa " toison de la guigne ", lavant ainsi son honneur en guise d'acquittement de sa dette à payer vis-à-vis du public pour un pari perdu, en se lançant dans ce défi de " se raser à la boule à zéro " si jamais Mahrez serait sacré " Meilleur joueur " de l'année 2016 de la " Premier League " et que Leicester serait le champion du football Anglais. Au final : les deux titres ont été engrangés et remportés haut la main par le joueur en question et son équipe.

En bon perdant, il s'est volontairement plié à cette règle drastique du grand vainqueur qui consiste à " casquer le prix " dû à sa " seule coiffure ", désormais pas très ordinaire, laquelle mettra cependant beaucoup de temps à pouvoir complètement recouvrer sa tête de ses longs tifs. L'orphelin de son " toupet mis à ras le cuir chevelu " aura donc tenu parole ! Ce ne fut, par contre, guère chèrement payé ! Même si ce pari fut tout de même bel et bien perdu !

C'est ainsi que se ferme donc cette trop longue parenthèse au moment où s'ouvre si étrangement cette autre plutôt inattendue, mettant aux prises son aîné et non moins compatriote, en l'occurrence Hossam Hassen, avec le même joueur Algérien de Leicester City du championnat anglais.

Plus culotté, il contestera à ce dernier-cité à la fois son talent et même le tout prestigieux titre acquis à la force des jarrets, lui préférant tout simplement cet autre égyptien Mohamed Salah évoluant, lui, au sein de la " Roma " du championnat italien.

Cette " osée rebelote " si savamment concoctée, à peine dissimulée, et dont le timing aura été minutieusement choisi préfigure-t-elle d'un plutôt interminable jeu d'enfants qu'on trouve ce malin plaisir à faire si démesurément durer dans le temps, dans la perspective d'en user comme une véritable farce de nature à diminuer le mérite des autres, faute justement de ne pouvoir nous hisser à leur niveau ?

Les propos de Houssam Hassen sont-ils à ce point vraiment innocents ou dénués de tout chauvinisme lorsque l'on sait que ce sont ses " pairs " de la " Premier League " qui ont élu Riadh Mahrez à ce très distingué et non moins très relevé Panthéon footballistique britannique où n'a, à ce jour, pu accéder aucun joueur Africain ou même Asiatique ?

Il aura fallu faire appel au barbier pour éliminer Mido. Faut-il consulter un raki pour faire taire Hossam Hassen ? Si le rasoir du premier est catégorique, parce que tranchant, la potion magique du second peut ne pas convenir au récalcitrant. A moins que le raki ne lui double la dose !