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L'affaire Khelil ne fait que commencer

par Kharroubi Habib

La victoire peut enivrer celui qui la remporte au point qu'il en arrive à croire qu'il peut tout se permettre. C'est à l'évidence ce qui est arrivé au clan présidentiel après être parvenu à se débarrasser de l'ex-DRS et de son ci-devant puissant patron le général à la retraite Mohamed Mediene alias Toufik. La griserie de sa victoire lui a en effet fait perdre toute mesure et convaincu qu'il peut réhabiliter sans autre forme de procès l'ex-ministre de l'Energie et des Mines Chakib Khelil que les enquêtes menées par l'ex-DRS sur les affaires de corruption ayant pour cadre des marchés passés par Sonatrach ont pointé comme impliqué dans celles-ci. Ce que le clan présidentiel a fait mais en choquant profondément et durablement l'opinion publique qui a vu en l'opération blanchiment de l'ex-ministre de l'Energie la confirmation qu'il bénéficie d'une protection dont ceux qui la lui prodiguent font fi des lourds soupçons qui pèsent sur sa probité et que conforte un faisceau de révélations probantes.

Le même clan ne s'est pas contenté d'offrir à Chakib Khelil la possibilité de revenir en toute sécurité et impunité au pays qu'il a quitté exfiltré par ses protecteurs lui évitant ainsi d'être contraint de s'expliquer sur les présomptions de culpabilité pesant sur lui. Il envisage également de lui faire jouer un rôle de premier plan dans la redistribution de cartes qui se mijote en son sein en prévision des échéances politiques inhérentes à la course à la succession qu'ouvre l'inéluctabilité du retrait politique de Bouteflika avant ou au terme de son mandat présent.

Ce que le clan présidentiel si aveuglé par son apparente toute-puissance ne semble pas avoir mesuré est que l'affaire Khelil soude contre lui tous ses opposants et leur offre matière à trouver écoute et répondant auprès d'une opinion citoyenne outrée par les scandales de corruption inouïe dont le pays est le théâtre et dont les principaux impliqués tel l'ex-ministre de l'Energie et des Mines sont non seulement protégés et absous mais maintenus à des postes dirigeants et pressentis pour monter plus haut. L'opposition politique et les partis qui la composent ont peiné jusque-là à faire apparaître le vrai visage du pouvoir qu'incarne le clan qui a lavé propre Chakib Khelil et s'échine à lui fabriquer une stature politique l'autorisant à prétendre à un destin national. Ils peuvent désormais compter sur une redoutable assistance. Celle de la nébuleuse des frustrés par la dissolution de l'ex-DRS.

Ce monde en effet ne pardonne pas le sort fait à l'institution sécuritaire et à ceux qui en sont les responsables. Il a par l'étendue des extraordinaires réseaux que ces membres ont tissé la capacité d'avoir accès aux secrets compromettants pour les corrompus protégés par les liquidateurs de l'ex-DRS. Il en diffusera par de multiples canaux les tenants et les aboutissants. Cette opération commence à transparaître à travers des révélations devenant de plus en plus accablantes concernant Chakib Khelil et son entourage proche. De quoi réarmer la contestation de l'opposition au régime et attiser contre lui le mécontentement populaire pour qu'il se transforme en révolte. Non, l'affaire Khelil n'est pas close par la réhabilitation de l'ex-ministre par le fait du prince. La façon dont ses protecteurs pensent l'avoir réussi sera à coup sûr le déclencheur de développements qu'ils risquent de ne plus pouvoir contrôler et neutraliser. Même la « baraka » des zaouïas sera inopérante.