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Santé : Les mises en garde du ministre

par Houari Saaïdia

« Cela fait deux ans qu'on fait de la pédagogie. Aujourd'-hui, l'heure est aux comptes-rendus. En cas de non-prise en charge de malade, le gestionnaire de l'établissement hospitalier est le premier responsable ». « Révolue l'ère où la Santé était la lanterne rouge du système ». « Nous sommes d'accord avec les 19 syndicats, excepté un qui fait la sourde oreille à nos messages ». « Les revendications corporatistes sont, pour une bonne part, légitimes. Mais à ceux qui veulent faire de la cogestion, je dis : niet. Il n'y a qu'un seul maître à bord : moi, le ministre de la Santé ». « Le public est l'épine dorsale du système de santé. N'est-ce pas à l'hôpital qu'on va en dernier recours, en catastrophe souvent, après un acte chirurgical raté chez le privé (?) Il y aura une révision, de fond en comble, concernant les cliniques privées avec la nouvelle loi sur la santé ». Ce sont là entre autres points forts de l'intervention de Boudiaf Abdelmalek, avant-hier, jeudi, à l'Institut Pasteur d'Alger, où se tenait une rencontre nationale d'évaluation du bilan du 1er semestre 2015, en présence des directeurs centraux du ministère de la Santé, des DSP de wilaya et des gestionnaires de CHU et EPH. Retenu en début de matinée par des engagements de gouvernement, le ministre a rejoint la réunion vers 11h30. Les inextricables bouchons d'Alger, notamment côté Dely Brahim, affectent la ponctualité, même quand on se fraye un chemin par cortège officiel. Mais le temps qu'il a perdu au début, Boudiaf l'a bien récupéré ensuite, ne levant l'audience qu'à une heure tardive.

La question du ministre qui retournait en boucle, après chaque passage au pupitre d'un gestionnaire local (DSP, directeur de CHU ou EPH), c'était de savoir quel était l'impact de l'externalisation des consultations spécialisées. En clair, M. Boudiaf voulait savoir, si après avoir « délocalisé » des actes de consultation, d'une partie ou de toutes les 54 spécialités de l'hôpital, vers des structures sanitaires de proximité, une baisse d'afflux de malades vers l'hôpital était enregistré ou non ? Les réponses étaient à l'affirmatif, à quelques rares exceptions près. « Ce processus n'en est qu'à son début et il nous permettra, à terme de rapprocher le spécialiste du citoyen et, partant, de désengorger nos hôpitaux », a observé le ministre, entre deux points de situation. En fait, l'accessibilité -plus facile- de la population aux soins spécialisés, tout comme d'autres axes de la feuille de route du ministère de la Santé, comme le renforcement de soins de proximité et de la cartographie des UMC et l'hospitalisation à domicile, sont des « détails » pour en atteindre un objectif plus global : mettre en place un « nouveau circuit du malade », qui est la finalité, selon M. Boudiaf. Les DSP de wilayas débriefés, à tour de rôle, par le ministre devaient donner un bilan sur, entre autres actions, les points de garde instaurés, ainsi que les polycliniques programmées au passage au régime de H/24, d'ici à fin 2015. Les chiffres officiels sont plutôt satisfaisants. Mais encore faut-il vérifier si la garde des médecins spécialistes est vraiment assurée. Le ministre n'est pas dupe et c'est en guise de double message (la défiance et la circonspection de son département, à l'égard de ces statistiques régionales, ainsi que sa tolérance zéro, vis-à-vis des infractions) qu'il a cité le cas très récent d'un médecin spécialiste ayant failli à ses obligations de service de garde et n'ayant pas daigné répondre au téléphone, pour un cas d'urgence, a été tenu pour responsable dans le décès d'un malade, ce qui lui a valu un limogeage et une interdiction de toute activité professionnelle, en relation avec la médecine.

Toujours dans le registre des pratiques à bannir dans le secteur de la Santé, le ministre a mis en garde les gestionnaires contre toute forme de collaboration ou de complaisance avec le privé, au détriment du patient (activité complémentaire, usage du matériel ou même du service hospitalier en soi, au profit du médecin privé, aiguillage du malade vers les labos d'analyses privés, etc.), non sans citer des faits avérés dont les auteurs ont été sévèrement punis. Dans le même ordre d'idée, M. Boudiaf a donné instruction d'interdiction de toute transaction d'acquisition de matériel dont le cahier de charges du contrat ne comporte pas une clause imposant au fournisseur d'assurer le service après-vente et la formation spécifique au profit du contractant. Mieux, aucun marché ne sera plus possible avec un fournisseur qui n'a pas un emplacement et siège social en Algérie, a fait savoir le ministre de la Santé. « Il n'est un secret pour personne que des transactions d'achats du matériel d'hôpital en porte-à-faux avec la réglementation, ont été conclues. On fait fi, délibérément, de la condition élémentaire du service après-vente et les garanties qui vont avec. Pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour en deviner le but : faire des missions cycliques à l'étranger pour ramener la pièce de rechange pour dépanner une machine qui ne marchera jamais », a-t-il dénoncé, insistant sur les conditions d'homologation du matériel médical importé.