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LAKHDAR HAMINA SUR UN STRAPONTIN

par M. Abdou BENABBOU

Le tableau est saisissant, cruel, débile, fulgurant, regrettable, et en même temps il a le choc acidifié d'une large allégorie sur l'état d'un pays. On a vu mercredi, lors du coup d'envoi du Festival international du film arabe à Oran, la palme d'or du Festival de Cannes, la seule et unique que le monde arabe ait pu décrocher dans l'Histoire, sommée de s'installer sur un strapontin. Président d'honneur du festival de surcroît, Mohamed Lakhdar Hamina, bardé de sa gloire suprême a dû, la mort dans l'âme, se contenter pour s'asseoir d'une petite chaise posée dans la précipitation sur une allée du magnifique auditorium du Centre des conventions d'Oran.

Ce terrifiant privilège n'était pas l'apanage du seul cinéaste de renom. Cheb Khaled et des invités étrangers dont personne ne peut contester la notoriété internationale s'étaient conciliés avec les pieds de guet pour se satisfaire dépités ensuite de tabourets. Cerise sur le gâteau, toutes les allées de la salle étaient obstruées par des chaises en fer sous l'œil bienveillant des pompiers. Le suc de la soirée a été atteint quand les ambassadeurs d'Egypte et de Turquie s'étaient retrouvés ensemble assis côte à côte alors que la guerre verbale entre leurs deux pays est une donnée avérée. Une finesse diplomatique pointue et laborieusement recherchée n'aurait pas atteint un meilleur résultat !

Les infortunés organisateurs ne doivent pas être mis en cause. La plus parfaite des organisations se serait avouée vaincue car elle aurait flanché devant la monstruosité d'un état d'esprit qui tient plus d'une culture politique que de la mauvaise éducation. L'élite d'aujourd'hui qui s'était accaparée sans retenue et sans vergogne les fauteuils des invités est bien cette faune de pique-assiettes, ogresse et goinfre à toute épreuve qui a la mainmise sur le pays et qui est à l'origine de sa douleur.

On récolte ce qu'on sème et quand on offre avec de petits calculs politiciens une souveraineté à l'opportunisme animal, il est évident qu'une palme d'or de renommée mondiale devient un gadget dérisoire et que la vraie élite soit en quête de strapontins.