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Dialogue interlibyen : en finir avec la tentation hégémonique

par Kharroubi Habib

Le troisième round du dialogue interlibyen sous l'égide des Nations unies qui se déroule à Alger est réellement celui de la dernière chance. Faute à son issue d'un accord entre les parties libyennes qui y prennent part, il y a en effet risque qu'au-delà la situation dans leur pays deviendrait telle qu'elle échappera au peu d'autorité et de contrôle qu'elles prétendent avoir. C'est ce dont l'envoyé spécial des Nations unies Bernardo Léon leur a demandé de prendre conscience et de cesser de « couper » les cheveux en quatre dans leurs discussions sur un accord qui permettrait de mettre fin à leurs divisions qui favorisent sur le terrain l'emprise que l'Etat islamique est en train d'opérer sur une partie de plus en plus grande du territoire libyen.

Sur le papier, toutes les parties libyennes présentes à Alger constituent, si elles s'entendent sur un accord acceptable par toutes, une force pouvant avec l'aide de la communauté internationale faire échec à la progression de l'implantation en Libye de l'organisation djihado-terroriste. Sauf que ce n'est pas parce qu'elles ont consenti au dialogue entre elles qu'elles ont renoncé à se disputer la prépondérance au sein des institutions appelées à être les sources du pouvoir et de l'autorité pour diriger la Libye. Outre que ces parties se revendiquent de courants et d'obédience politiques divergents, elles sont également pour certaines sous influence d'acteurs étrangers qui les poussent à ne pas entrer dans des compromis qui empêcheraient qu'elles fassent mainmise sur les institutions libyennes et se priver ainsi d'être les détenteurs de la réalité du pouvoir.

Abdelkader Messahel qui assiste au côté de l'envoyé spécial des Nations unies aux discussions interlibyennes qui sont en cours a parfaitement conscience que ce lien avec des parties étrangères qu'entretiennent certains partis et groupes politico-militaires participant au dialogue interlibyen est cause d'obstacle et lenteur sur la voie de la concrétisation d'un accord. Il n'a pas fait mystère du point de vue de l'Algérie qui est que les parties libyennes engagées dans le dialogue sous l'égide des Nations unies n'ont à se déterminer que sur la base de leur seule volonté et conviction d'œuvrer à favoriser un retour rapide à la paix et à la stabilité dans leur pays et du refus de l'ingérence étrangère d'où qu'elle proviendrait.

Un accord rapide entre les acteurs libyens réunis à Alger permettrait de mettre fin à leurs confrontations qui ensanglantent la Libye, l'ont plongée dans le chaos, ont en fait un champ de ruines et réduit sa population à un état de misère et de désespérance qui la rend perméable à la propagande de l'Etat islamique et autres groupes djihado-terroristes du même acabit. L'échec du dialogue interlibyen précipitera le phénomène de dislocation de la nation libyenne amorcé par l'interminable guerre fratricide que se livrent les groupes et forces politico-militaires ayant contribué à la chute du régime de Muammar El Kadhafi. La persistance de leurs divisions et la poursuite de leurs affrontements visant à leur assurer la prise du pouvoir favorisent les desseins de l'Etat islamique dont ils ne sont pas sans savoir que cette organisation vise au même but mais à leurs dépens et sans s'embarrasser de ne faire alliance ni avec les uns ni avec les autres.

Il est clair que l'Algérie a beaucoup à redouter de l'échec du processus du dialogue interlibyen pour le lancement duquel ses autorités et sa diplomatie ont consenti de grands et méritoires efforts. Elle fait tout pour que cette perspective ne se réalise pas, ce qui n'est pas l'attitude d'autres puissances qui tout en s'étant déclarées officiellement en faveur du dialogue interlibyen n'en jettent pas moins de l'huile sur le feu du brasier libyen.