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TLEMCEN - Brahim Hasnaoui : «Il faut spécialiser les entreprises du bâtiment »

par Khaled Boumediene

S'il y a un point qui taraude Brahim Hasnaoui, PDG du groupe des sociétés Hasnaoui, c'est bien la spécialisation des entreprises algériennes du bâtiment. «Mon souhait est d'aller le plus rapidement possible à la spécialisation des entreprises par corps d'état. Car une entreprise spécialisée va automatiquement spécialiser ses moyens, spécialiser ses hommes, elle va atteindre un niveau de qualification suffisant, parce qu'en terme de gestion c'est beaucoup plus facile, sauf qu'il faut un chef d'orchestre. Les bureaux d'étude spécialisés en organisation, planification et coordination vont faire la coordination entre l'ensemble des intervenants.

Savez-vous qu'aujourd'hui, il n'existe plus d'entreprises de corps d'état secondaires parce que tous les travaux de CES sont réalisés par l'entreprise qui prend le marché, mais qui sous-traite tout au rabais. Donc aujourd'hui, pour régler les problèmes de qualification, il faut absolument passer par la spécialisation des entreprises. C'est indispensable !», a-t-il indiqué jeudi au siège de la chambre d'industrie et de commerce (CCI-Tafna) de Tlemcen, à l'occasion de la présentation de son groupe familial qui regroupe un consortium de 18 entreprises spécialisées dans la promotion immobilière, l'exploitation des carrières, le béton prêt à l'emploi, la chimie de la construction, les mortiers prêts à l'emploi, la réhabilitation du vieux bâti, la menuiserie bois et aluminium, l'extrusion aluminium, les réalisations BTPH, le façonnage des aciers, les travaux spéciaux, le développement agricole et le traitement de l'eau. Il déplore que l'Etat favorise, aujourd'hui, beaucoup plus les entreprises étrangères qu'algériennes. «Vous savez quand le bâtiment va, tout va, mais, à la condition que ce bâtiment soit réalisé par des mains algériennes, avec des matériaux algériens. Il faut que cela puisse constituer une locomotive ! Aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe ? Le gros est réalisé par des entreprises étrangères n'utilisant pas ou peu la main-d'œuvre algérienne et n'assurent aucun transfert de savoir-faire et avec beaucoup de matériaux d'importation, et plus grave encore, le gros du programme est réalisé sur le budget de l'Etat. Les formules actuelles sont complètement contre-productives pour le pays. Aujourd'hui, je considère que l'Etat est tombé dans la facilité. Au lieu de développer l'entreprise algérienne, on a préféré confier les programmes à des entreprises étrangères. Quand on fait une analyse de la situation, bien sûr que les entreprises algériennes manquent d'encadrement, ont un problème de management, ont un gros problème de main-d'œuvre, ça c'est le constat, mais tout le monde sait ce constat. La logique aurait voulu qu'on prenne des mesures nécessaires pour élever le niveau de l'entreprise algérienne. La première problématique qui doit être abordée est pourquoi l'entreprise algérienne est d'une telle faiblesse ? C'est surtout dû à la mauvaise organisation générale du secteur. Lorsqu'on confie des études à des bureaux d'études plus ou moins qualifiés à des coûts très bas, donc la qualité de l'étude influe sur la réalisation, parce que la plupart des litiges sont liés à des problèmes de qualité d'études, et lorsqu'on confie à la même entreprise qui est sous encadrée, qui a un problème de management, l'ensemble des travaux des terrassements jusqu'à la peinture, ça veut dire que là, on a réuni toutes les conditions de l'échec ! Ce que l'Etat devrait faire : premièrement revoir le problème de la maîtrise d'œuvre, c'est extrêmement important ! Mettre en place tout ce qui est OPC, donc les bureaux d'étude spécialisés en organisation, planification, coordination, qui doivent faire la liaison entre le bureau d'étude et l'entreprise. Ensuite, il y a des problèmes de main-d'œuvre, il faudrait qu'on affronte les problèmes de la formation, et pour moi la seule solution c'est que la formation se fasse en entreprise, et là l'Etat a un rôle important à jouer. L'Etat doit mettre au service des entreprises des formateurs qualifiés en fonction de leurs besoins, parce qu'on n'a pas besoin dans le secteur du bâtiment de centres de formation. Les chantiers doivent devenir des centres de formation. Il suffit de mettre à la disposition des entreprises des formateurs qualifiés. La partie théorique prend deux à trois semaines, tout le reste se fait sur chantier. Dans le chantier il y a tout ce qu'il faut. Il faut que les jeunes qui veulent se former puissent travailler dans des conditions réelles depuis le début de leur formation, mais il faut qu'ils soient bien encadrés», a ajouté le PDG du groupe Hasnaoui. Le PDG s'est prêté volontiers au jeu des questions-réponses. «Il est très difficile de parler de soi-même, c'est très gênant. Mais, si j'ai accepté de le faire, c'est surtout pour envoyer un message aux jeunes et moins jeunes. Vous savez qu'il n'y a pas de secret quand on croit à quelque chose et qu'on décide de la faire, on finit toujours par la faire. Si on est convaincu on peut avancer, si on n'est pas, on ne peut pas le faire (?) Les plus jeunes peut-être ne connaissent pas, ou n'ont pas une idée précise des entrepreneurs des années 70. Le système communiste en place avait comme objectif d'éliminer le secteur privé. Sur le plan de la fiscalité, le niveau de fiscalité d'IDS à l'époque était de 90%. Il y avait énormément de charges qu'on ne pouvait pas comptabiliser. A l'époque, une voiture achetée au marché parallèle coûtait 4, voire cinq fois plus chère que la neuve. En terme d'amortissement on ne pouvait pas passer plus de 20.000 DA quelle que soit la voiture achetée. Le secteur privé à l'époque n'avait pas le droit d'acheter du matériel neuf. On se rabattait sur le marché d'occasion, chez les ferrailleurs. Le matériel d'occasion coûtait trois ou quatre fois plus cher que le neuf, mais les ferrailleurs ne facturaient pas, donc des charges non comptabilisées. En termes de frais de publicité, ils étaient plafonnés à 2000 DA/an quelle que soit la taille de l'entreprise. A l'époque, les matériaux de construction étaient rationnés. Le secteur privé ne recevait que des miettes de la part de l'Etat. C'est dans cet environnement que nous avons débuté notre activité. Il fallait donc être très combatif pour pouvoir travailler et lutter contre le système en place. Aujourd'hui, quand on compare la situation actuelle à celle de l'époque, on peut dire que les choses sont beaucoup meilleures aujourd'hui, mais, peut-être que les jeunes n'arrivent pas à comprendre les chances qu'ils ont, en matière d'aides offertes par l'Etat. Alors aujourd'hui, celui qui ne réussit pas, c'est qu'il n'est pas fait pour faire de l'entreprise. S'il y a quelques petits problèmes, c'est quand même surmontable mais, à mon avis, toutes les conditions sont réunies, les aides de l'Etat, la fiscalité, tout? Quand on a la volonté, quand on a les conditions actuelles, on ne peut pas ne pas réussir ! Impossible de ne pas réussir !», a estimé Brahim Hasnaoui.