Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Paolo Scaroni, la First Calgary et les «scandales algériens» : Saipem a payé Khelil pour l'entrée d'ENI dans le gisement de Menzel Lejmet

par Salem Ferdi

C'est une sorte de variation autour d'un même thème qui revient dans la presse italienne: Paolo Scaroni, patron du groupe parapétrolier ENI n'est pas étranger aux turpitudes de la Saipem en Algérie.

C'est le sulfureux Pietro Varone, ancien directeur de la division ingénierie et construction de Saipem, filiale d'ENI, qui se trouve en résidence surveillée, qui alimente la chronique. En acculant Paolo Scaroni et le groupe ENI dont la ligne de défense a constamment consisté à dire qu'il est étranger aux pratiques de sa filiale Saipem. Il y a quelques jours,« La Republicca »,a eu accès aux PV d'auditions de Varone qui affirme que les décisions prises au niveau de Saipem, y compris le versement de pots-de-vin aux responsables algériens - c'est-à-dire Chakib Khelil, entre autres - ont été avalisées par ENI. «Nous avons toujours été une société indépendante entre guillemets», a déclaré Varone mais dans la réalité, rien ne se fait sans ENI. Pietro Varone ne doute pas du fait que Paolo Scaroni était au courant et il affirme que le versement d'une commission de 41 millions d'euros dans le cadre du projet MLE (Menzel Ledjmet East Project) a été décidé à la suite de deux réunions tenues à Paris et à Milan entre Chakib Khelil, l'ancien ministre de l'Energie, Farid Bedjaoui, le fameux «ami nécessaire» et Paolo Scaroni.

RENCONTRES SECRETES A PARIS, MILAN ET VIENNE

Accusation reprise jeudi par le journal l'Espresso qui affirme que la commission de 41 millions d'euros matériellement versée par Saipem en Algérie était en fait liée à une transaction «mystérieuse» impliquant directement ENI. Une transaction qui a «permis à un mystérieux groupe d'actionnaires d'empocher un demi-milliard sans laisser de traces». Une affaire internationale qui, écrit le journal, a entrainé une enquête judiciaire à Milan contre le «plus puissant manager italien» depuis fin 2005. Selon l'Espresso, «l'intrigue» se noue à travers une série de rencontres secrètes à Paris, Vienne et Milan et des e-mails et appels téléphoniques codés avec Dubaï. Ainsi, révèle l'Espresso, les derniers éléments de l'enquête sur les 197 millions d'euros de pots-de-vin payés par Saipem «font émerger pour la première fois une image complète d'accusations mettant en cause Scaroni». C'est la transaction qui a permis à ENI d'acheter, fin 2008, des parts de la First Calgary Petroleum (FCP) dans le gisement de gaz humide MLE (Menzel Ledjmet Est) situé dans le périmètre Ledjmet dans le bassin Berkine (bloc 405b) à 220 km au sud-est de Hassi Messaoud.

500 MILLIONS D'EUROS SANS TRACES

L'acquisition a coûté la somme de 609 millions d'euros à ENI. Mais les magistrats italiens ont découvert que 80% de cette somme ont été versés à une société fiduciaire qui, ainsi que l'explique Wikipédia, peut donner lieu à des contrats permettant «via des filiales, l'anonymisation, de faux-nez ou hommes de paille de détourner de l'argent, contribuer au blanchiment d'argent sale (via les opérations de gestion de capitaux)?». Dans la transaction qui a permis à ENI d'entrer dans le gisement de Menzel Lejmet, «personne ne sait qui a empoché les 4/5ème du montant». Selon l'Espresso, les derniers éléments de l'enquête établissent un lien entre les 41 millions d'euros versés par la Saipem et la transaction sur Menzel Lejmet. «Selon les nouvelles charges, ENI aurait soudoyé des responsables algériens, via la Saipem » pour pouvoir acquérir les parts de la First Calgary. A l'appui de ce scénario, les enquêteurs auraient comme éléments plusieurs messages reçus par Scaroni. Parmi eux, un mail daté de 2007 envoyé par un gestionnaire de Saipem à Scaroni: «Cher Paolo, un message a passé du ministre algérien. Il dit qu'il est intéressé pour une rencontre informelle mais il souhaite d'abord un signal positif au sujet «de la question en suspens bien connue». Selon le journal italien, ENI se dit totalement étrangère des «scandales algériens».

 Le flou entoure le mandat international lancé par la justice algérienne à l'encontre de Chakib Khelil, certains affirment qu'il est entouré de vice de forme. Il y a deux jours, Atoui Mustapha, président de l'Association nationale de lutte contre la corruption (ANLC), a affirmé qu'un magistrat américain est en charge d'enquêter sur l'ancien ministre de l'Energie et des Mines». Une révélation qui aurait été faite par des ONG et notamment, Transparency International.