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Le système éducatif est-il victime de son échec ?

par Yazid Haddar *

«?L'importance, pour l'homme et la société? de donner toute liberté à la nature humaine de se déployer suivant toutes les directions, si opposées qu'elles soient les unes aux autres. » J.S.Mille, Mes mémoires.

L'ensemble des débats sur les réformes du système éducatif tourne souvent en rond ! A ce jour, aucune réforme n'a pu apporter une valeur ajoutée réelle ! Les débats se sont réduits à l'idéologie, entre les questions identitaires qui s'expriment par la guéguerre linguistique (arabe/français), l'histoire et la religion (valeurs authentiques (croyant) / les valeurs civiques (citoyennes)), les statistiques sur le nombre de scolarisations (quantitative/ qualitative), les modèles éducatifs (Français/Allemand (fondamental)), école privée/école d'Etat, etc. Résultat des courses, rien n'est fait à ce jour ! Qu'en est-il de la pédagogie ? Des rythmes scolaires ? Du niveau de maîtrise des enfants en langues, en mathématique, en sciences, etc. ? De l'échec scolaire ! Comment expliquent-ils l'échec scolaire ? Comment pallient-ils la violence dans les écoles ? Où sont les centres qui forment des instituteurs, des professeurs ? Quel est le niveau des formateurs ? Quelle est la politique suivie à ce jour pour former des formateurs ? Y a-t-il des instituts de recherches en pédagogie ? Si oui, où sont leurs recherches ? Existe-t-il des revues pédagogiques ? Existe-t-il des centres de statistiques pour évaluer les compétences des enfants dans des domaines précis et selon des normes scientifiquement reconnues ? Selon quelles statistiques ?

Certes, chaque semaine en moyenne, en particulier dans la presse nationale francophone , il y a un article sur le système éducatif en Algérie. Cependant, ces débats restent lettre morte ! Car, d'une part, la grande partie des enseignants dans le pays sont jeunes, qui ne maîtrisent pas la langue française pour profiter de ces débats, mais aussi la culture du débat en elle-même est piégée par les questions dogmatiques (l'identité, la religion, etc.), ainsi l'esprit critique ou le libre arbitre s'est vidé de sa substance dans la pensée de certains de nos jeunes enseignants, où les avantages financiers dominent sur la mission fondamentale de l'enseignement ! Et, d'autre part, les autorités politiques réagissent régulièrement en urgence, souvent accompagnées par un discours populiste, sans objectif, ni anticipation! Nous sommes devant une situation accablante et qui tire de plus en plus le système éducatif vers le bas ! 85% des enseignants n'ont pas été formés à le devenir ! Ainsi, la psychologie de l'enfant ou la psychologie de développement ne sont pas respectées, de même pour la pédagogie appropriée qui n'est pas adaptée. Sans parler de l'enseignement spécialisé, qui nécessite une réforme plus approfondie ! Ces lacunes ne devraient pas être un sujet d'un débat spéculatif, sans aucune statistique effective, mais un débat constructif avec une projection sur le long terme et des objectifs précis ! Un centre de recherche devrait répondre à toutes ces questions et, de ce fait, les politiques éducatives seraient plus bénéfiques pour tous et les résultats seront plus palpables. Cependant, la gratuité d'enseignement n'est pas un cadeau de l'Etat algérien, il est un droit pour tous, et tous les citoyens ont le droit de demander des résultats, car il s'agit bel est bien d'un secteur où des sommes faramineuses lui sont allouées, mais sans résultat probant !

La dernière publication du classement de Programme International pour le suivi des acquis des élèves (PISA) des performances scolaires en mathématiques a suscité des débats en France et il a fait la une de plusieurs titres de presse et de journaux télés, toute cette médiatisation de s'interroger sur : doit-on s'alarmer ou pas ? Car il s'agit de l'avenir de la nation. Dans le même rapport, le pays comme le Brésil qui a réussi à avancer dans le classement et récolte le fruit de sa politique de réforme éducative. Ceci dit, faire des belles phrases dans les discours officiels c'est beau, mais le plus important c'est l'état d'avancement de ses réformes ! Depuis les années soixante-dix et nous sommes en train de parler des réformes éducatives, mais malheureusement chaque année qui passe on la déplore. Que faire devant ce spectre ! Y a-t-il une volonté de sauver l'avenir de l'Algérie ?

* Neuropsychologue