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ACCABLANT !

par M. Saadoune

Sur le cas Chakib Khelil, la communication officielle, déjà à la peine, a cessé complètement d'émettre. La procédure judiciaire engagée contre l'ancien ministre serait frappée de nullité pour vice de forme. Un député en a fait publiquement le constat en soulignant qu'en raison de ce vice de forme, le mandat d'arrêt lancé contre lui est inapplicable car les faits qui lui sont reprochés sont liés à l'exercice de ses fonctions, ce qui impose une procédure particulière.

Dans un pays où la suspicion est de mise, ce cafouillis judiciaire fait l'objet de toutes les lectures. Une chose est sûre, la procédure n'avance pas en Algérie, elle avance à l'étranger. Des ONG américaines auraient affirmé qu'un juge américain s'intéresse à Chakib Khelil mais on n'a rien de précis. Mais une indication avait été donnée en octobre dernier par la très controversée Saipem. Le département de la justice américain lui a demandé les résultats de sa propre «enquête interne» sur les affaires de pots-de-vin versés en Algérie. Le rapport en question « blanchit» la Saipem, ce qui ne veut pas dire qu'il est considéré comme la vérité. Il est difficile de savoir s'il s'agit de la part des Américains d'une collecte routinière d'information ou s'ils comptent engager une procédure contre le «citizen Khelil».

Pour des raisons diverses, dont celle de sa nationalité américaine présumée, Chakib Khelil n'est pas susceptible d'être extradé vers l'Algérie. La seule possibilité, vague, serait des poursuites en vertu du «Foreign Corrupt Practice Act» (FCPA) ou loi sur les pratiques de corruption à l'étranger. Mais des juristes ont fait valoir que cette loi qui permet à la justice américaine de poursuive les Américains responsables de corruption de fonctionnaires étrangers serait difficilement applicable. On se retrouverait, observent-ils, dans la situation incongrue d'un citoyen américain jugé pour des actes présumés qu'il a commis en tant que ministre algérien.

En réalité, c'est surtout la procédure judiciaire italienne qui risque de rattraper l'ancien ministre algérien. Elle ne le cible pas en particulier, mais les enquêteurs du parquet de Milan sont engagés dans un travail patient du démontage du système de corruption de la Saipem en direction de l'Algérie. Et de révélations en révélations distillées par la justice italienne, l'image de la Saipem est en train de changer. Elle n'est plus seulement la «mauvaise filiale» qui n'en fait qu'à sa tête alors que la maison-mère ENI serait un modèle de probité. La presse italienne, qui s'informe auprès de la justice, est en train de chambouler cette vision et casse le système de défense du groupe ENI et de son patron Paolo Scaroni.

En un mot, ces révélations montrent qu'ENI savait. Et que Saipem agissait en tant qu'instrument de corruption pour l'intérêt d'ENI. Les révélations de l'Espresso sur le versement de 41 millions d'euros pour favoriser l'achat de parts de la First Calgary Petroleum dans un gisement gazier algérien sont dévastatrices pour le système de défense de Scaroni. Elles accablent Chakib Khelil qui apparaît sous les apparences sinistres d'un voyou de haut vol. La procédure italienne est probablement le seul vrai risque pour l'ancien ministre algérien. L'Italian Job pourrait le rattraper.