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Crise européenne: Fin de crédit

par Notre Bureau De Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med

Après avoir annoncé, le 21 juillet dernier à Bruxelles, une solidarité financière euro-européenne sans faille, voilà les dirigeants de l'UE revenir sur leurs engagements. Quand l'idée d'une Europe généreuse se meurt, il est difficile aux marchés financiers de faire dans l'optimisme.

L'Europe nous ment. Du moins ses premiers dirigeants n'hésitent plus à affirmer, dans le même mois, une chose et son contraire. Plus grave, ils en arrivent à jeter le doute sur les engagements et principes sur lesquels ils se sont entendus. Difficile après de convaincre les détenteurs des fonds d'investissements et autres créanciers à faire, aveuglement, confiance aux gouvernements et à éviter, par conséquent, la surenchère et jeu de «yoyo» des places boursières internationales. En effet, cette semaine a vu un certain nombre de premiers responsables européens, y compris des chefs d'Etats répéter qu'il n'est pas question d'aider financièrement un autre Etat de l'UE, y compris ceux de la zone euro, s'il lui arrive de sombrer dans la crise de l'endettement. L'Italie et l'Espagne ont été averties de cette «désolidarisation» du reste de l'Europe à leurs endroits. Ce soudain rappel à la fin du «crédit bancaire aux Etats» sonne comme un désaveu des engagements pris précédemment, lors de différents Sommets européens. Parce qu'il faut bien expliquer à quoi sert la création du Mécanisme de stabilité financière ; du Fonds européen de solidarité, etc. Rappelons que c'est en mai 2010 que les chefs d'Etats et de gouvernements de l'UE, réunis à Bruxelles, ont décidé la création du Fonds européen de solidarité financière (FESF), dont la capacité financière a été portée, lors du Sommet du printemps 2011 (mars), à 440 milliards d'euros. En plus, ce Fonds spécial crise est appuyé par l'autre Mécanisme européen de solidarité financière (MESF) alimenté, lui, sur les fonds propres de la Commission européenne et qui peut soutenir (prêter) jusqu'à hauteur de 60 milliards d'euros, un Etat membre en difficulté de paiement. Ces deux fonds seront regroupés ou remplacés, à partir de janvier 2013, par un seul mécanisme, dit Mécanisme de stabilité européenne (MSE). Enfin, pas plus loin que le 21 juillet dernier, les chefs d'Etats et de gouvernements des 17 pays de la zone euro, réunis à Bruxelles avec les dirigeants du FMI, de la Banque centrale européenne et un nombre de dirigeants de banques privées ont annoncé, à la suite du sauvetage grec, le renforcement du rôle du FESF. Ce dernier aura la possibilité d'acheter des obligations d'Etats, leur prêter en cas de besoin et, peut même financer des banques en difficultés. En contrepartie, les Banques privées participeront à hauteur de 37 milliards d'euros à la cagnotte du FESF et étendront la durée des prêts aux Etats jusqu'à?30 ans ! Ce sont là, résumés les engagements solennels des Etats de l'UE pour dépasser la crise et éviter sa contagion sur l'Europe et ailleurs. Mais que s'est-il passé depuis ce 21 juillet, donc depuis deux semaines, pour que chefs d'Etats et président de la Commission européenne déclarent la fin de la solidarité euro-européenne ? A quoi servent les 440 milliards encore dans les caisses du FESF, en plus des 250 milliards d'appui du FMI ? Il est vrai que depuis, les USA ont décidé (le 2 août) de relever le plafond de leur dette à plus de 2.200 milliards de dollars. En faisant appel à la «planche à billets», les USA relancent, en fait, la consommation et soutiennent leur taux de croissance. Face à un dollar faible, il est difficile pour les Européens, avec un euro fort, de contenir la concurrence américaine. En clair, les Européens tablent sur des programmes économiques d'austérité au moment où les Américains ouvrent (rouvrent) les mannes du crédit. Cependant, il serait trop simple de réduire la crise européenne et occidentale actuelle au seul fait de la «guerre des monnaies». La réalité est que depuis la crise des «subprimes», apparue fin 2007 et 2008 aux USA, ce sont les banques privées et détenteurs de dettes qui mènent le jeu boursier international. Les nombreux forums, sommets et rencontres internationales n'ont, jusqu'à maintenant, pu prendre le dessus ou infléchir sur la logique du capitalisme financier mondial, celle du profit, et uniquement cela. Dans de telles circonstances, faut-il s'étonner du développement du discours et sentiment eurosceptiques chez les peuples européens ?