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FLN: les redresseurs ont toujours tort

par El Yazid Dib

L'observateur aurait bien voulu voir un militant, jeune et compétent, diriger le mouvement du redressement. On aurait tous cru. Avoir un besoin utilitaire et un esprit unicitaire ne peut concourir à l'émergence d'une sève reformulatoire et régénérante. Redressement dites-vous, mais par qui ?

On tient nonobstant le changement vécu depuis 1989 à le confiner, ce front au rôle de pourvoyeur de gens de système. C'est grâce à lui; à ce FLN encore une fois que de simples noms patronymiques sont devenus des noms médiatiques.

 Plus qu'un parti, moins qu'un Etat, il ne semble pas prêt à mourir de si tôt. Il était un mythe, il est une difficile équation politique. Il a créé des noms lourds pour ceux qui n'en avaient qu'une appellation usuelle et banale. Il a fait des élus incontournables, juste à partir de personnes simples et insoupçonnées. En fait l'urne, la liste et l'élection dans ce parti produisent les pires miracles.

«La stratégie de rénovation» «l'adaptation du parti au contexte international et à la récente situation interne» et autres concepts enrobés sciemment d'une terminologie managériale réveillant de l'intérêt auprès de ceux à qui elle est censée être postée ; débutent à constituer l'armature du discours politique à tenir face aux multiples défis qui s'annoncent sur la place politique, notamment le temps post-révolte. Il va y avoir beaucoup de référendums, d'élections et de recomposition gouvernementale. De l'amendement législatif politique à la révision constitutionnelle, le FLN devra s'atteler à mener à bien le desideratum présidentiel. Ce sera un axe immanquable pour toute ligue.

«Les vieux réflexes» «les caciques» «les apparatchiks» et autres images avilissant leurs porteurs n'auront pas disparu avec la tenue de cette session du comité central censé être réunificateur. Alors qu'en pratique l'on aurait voulu assister à un inversement de rôles, un changement de personnes et un renforcement de neurones. La réunification présumée et toujours claironnée à l'ordre du jour ne suffit plus pour un corps déjà moribond. Il faudrait un traitement de choc. Un renouvellement révolutionnaire. Il aura à emporter dans son élan rénovateur l'exclusivité, le régionalisme, la micro-famille, et la jalousie de voir venir des gens, tout aussi rompus qu'eux aux pratiques des coulisses, de l'ombre, de béni amiss et autres vices politiciens. Ceux qui connaissent le mode de fonctionnement intestinal, le broyage des petits boyaux, la domination des gros intestins, la bile qu'éjecte le diaphragme à force de faire l'équilibrisme entre ceux?ci et ceux-là ; ne seront jamais embarqués dans ce train en éternelle rénovation sans garantie aux arrêts quinquennaux, aux bivouacs électoraux et qui somme toute manque d'une légère dignité face et une moindre force que la locomotive, la draisine et le front précurseur et libérateur. Cette session en fait n'avait pas apporté plus qu'auraient fait ses précédentes. Elle s'est limitée à renforcer les rangs d'un clan, accentuer le bannissement de l'autre.

Il subsiste au sein de la corporation la plus ancienne dans la pratique politique de la gérance des rapports de la vie publique, un certain mépris d'admettre en toute sérénité le passage avec bonté naturelle d'une chose à l'autre. D'une station temporelle à une dimension donnée pour impérative par les fortunes du temps que nous vivons. Le tumulte des séances et le bruit des couloirs semblent avoir fait des plis indélébiles dans le front du Front nouvelle version. Car en fait, chez ce Front; la politique fut une affaire dorée pour quelques traînards, oisifs ou d'illusoires pensionnés; en revanche elle fut chez d'autres un dynamisme qui ne cessa de mouvoir par effet de dynamique de groupe, toute une génération, qui malgré; ceci et cela; assemblait en son sein non sans rechigner; des esprits, des âmes, des idées et pas seulement des personnes, et des postérieures à la recherche de sièges capitonnés parmi les bancs des assemblées nationales, de wilaya ou communales. Le mirage de la haute fonction politique provoque des vertiges. L'ambition devient une lâcheté pouvant aller jusqu'à franchir l'indignité. La guéguerre qui se fait entre personnes, ne porte pas, au malheur de l'activité partisane, sur une différence idéologique ou sur un écart de trajectoire de programme. C'est une simple affaire de personnes. Une affaire de liste, de membres du comité central. De noms à inscrire dans les privilèges. Et c'est tout. Ce chef auto-intonisé chef de file dite des «redresseurs» que bien d'autres, à leur âge, auraient à bien faire en ce mois sacré de ramadhan s'ils se redressaient pour aller s'inscrire sur une liste du Touring Club à destination du mont Arafat ou Moazdalifa pour jeûner de délit verbal et concocter un plan de sauvetage pour le jour ?du jugement final. On n'a pas idée, lorsqu'on est député d'une ville, de ne pas lui rendre visite même dans les dates historiques les plus vivaces. Le 08 mai 45. On n'ose pas imaginer le revoir en 2012. Ni lui, ni l'autre professeur du RND. Belkhadem aurait à son tour à bien faire de prendre des vacances ramadhanesques et sabbatiques dans la quiétude qu'offre sereinement l'une de ses zaouïas préférées. Il n'aurait pas à prendre, là, le chapelet des incuries mais celles de la résipiscence et de la foi, qui somme toute semblent profondément l'animer.

Dans le temps le «projet» de «rajeunissement» du personnel d'encadrement au niveau de la députation avait fait appel à tout un éventail d'individus souvent neufs et fortement compétents, intègres et sûrs mais dans les domaines techniques ou professionnels qui les animaient. La politique est une autre chose. Lorsqu'on est l'un des rares «érudits du siècle» et l'on se voit guider «politiquement» par un sans-niveau, un homme d'appareil de koursi, de bancs et même de strapontins, pourvu que l'on ait la cote et non loin de l'à coté, pur produit de système; l'on ne peut parler là aussi de rajeunissement. Le rajeunissement implique un combat d'abord au plan idéologique. Puis au plan de la démarche politique. Etre porteur d'idée à même d'accepter dans un même conciliabule l'avis contraire, friser la contradiction ne s'applique pas seulement à un niveau d'âge ou de durée chronologique. Parfois pas même de génération. De conflits d'intérêts ? D'instincts de conservation ? Le mouvement dit de redressement serait en fait une façon pour un clan de récupérer l'appareil. Les autres, anti-redresseurs seraient des soldats en perte de maintien de privilèges. C'est çà entre autres, ce qui a mis le feu aux poudres. C'est lorsqu'on aurait vu un député indépendant s'introduire dans le comité central que l'on avait crié à l'entrisme et l'usurpation de militantisme. Mais où est donc le problème qu'un député non FLN, puisse rejoindre les rangs, de surcroît s'il se trouve compétent, jeune, bien branché et efficace ? Le jeune par qui tout ce scandale est arrivé serait un Big boss dans la production électronique. Ils craignent ces redresseurs et leur prétendu chef de voir le parti s'embourgeoiser. Pourquoi, ne l'est-il pas encore ? La base militante de Mezloug, d'Ain Yagout, de Mehria aimerait bien connaitre les logis, les demeures primaires et secondaires, le carnet d'adresses, l'agenda téléphonique et relationnel de leurs leaders.

Aux dépens de principe sacro-saint de l'élection au suffrage du centralisme démocratique, on a toujours les mêmes, candidats constants et éternels dans toutes les listes. A-t-on mené, comme il se doit et tel qu'il se fait au sein des états majors des grands partis du monde ; une analyse post-électorale pour la détermination des écarts dans la justesse du choix «de la décision centralement dictée» du risque pris pour cela en rapport avec les supputations et scores pronostiqués et la catastrophe réalisée dans certaines communes. Le FLN restera constamment malade du virus qui ronge la formulation de ses listes électorales. Son programme, outre une phraséologie de façade, n'est constitué que de bousculade pour des postes et avantages.

«Nous sommes dans une position confortable et nous tenons à le rester» disait Benflis ex-secrétaire général. Mais c'était sans compter sur la trahison et la vilenie qui le guettait en ce début d'année 2004. Il croyait, le pauvre qu'être président de la République est une affaire de simple vote, de suffrage universel ou de démocratie. Il en a pris pour son compte. Au congrès invalidé rien ne semblait sûr, sur « la position confortable ». En ce moment là, se triturait tout un scenarii. Du renversement de l'homme aux changements de ses hommes. Il est des situations où l'homme militant n'arrive point à reconnaître la charte des droits et des obligations qui pèsent sur sa conscience d'homme ou de citoyen. Il ne saura admettre sans coup férir les blessures que causent l'interventionnisme et l'entrisme politique dans une corporation qui ne cesse de requérir un rajeunissement. Mais cette option juvénile s'est désenchantée aussi vite. Quand on voit un redressement censé apporter une fraîcheur, dirigé par ceux-là même qui ont participé sinon réalisé les actions d?avachir toute nouvelle force dans ce parti, c'est diabolique.

Ce parti-mythe supporte mal l'humeur de ses hommes. Ils lui ont causé d'innombrables malaises autant que ses créateurs lui avaient fait les signes de noblesse. Il pâtit aux aléas de ces apprentis qui devenus maîtres sorciers auraient terni sans nul état d'âme la figure emblématique d'un éminent symbole rattaché aux grandes luttes qu'avait connu le dernier siècle. Le FLN a été mis par ses propres tenanciers dans l'inconfort politique et le tourbillon de l'incertitude. Tout ceci, pour des positions personnelles et par un acharnement paternaliste à ne plus lâcher les rênes. Entre le désir envoûtant de vouloir aussi longtemps que possible continuer à gérer, en maître les affaires, les hommes et les affaires des hommes du pays et le vœu de paraître en bonne santé; Il est aux prises de mains qui ne servent qu'à réguler, en fonction des conjonctures, les faveurs des uns et les préférences des autres. Conforté par son histoire, une histoire de tout un peuple faite d'affliction et de lourdes épreuves, il se voit encore mené vers les feintes des règlements de comptes entre personnes dites « historiques ». L'insidieux serait dans la négation de soi avant que le ridicule ne s'installe dans celle d'autrui. L'histoire retiendra contre fous et flots fallacieux, un FLN d'hommes, baroudeurs, combatifs et martyrs.

« Aujourd'hui, il s'agit de fournir des pistes pour repenser les actions et les méthodes du FLN » ainsi s'exprimait maître Benflis le 20 septembre 2001 face à un auditoire constitué de membres du comité central. En fait le maître disait vrai et juste. Toute la problématique est un ensemble d'actions à mener intelligemment selon une méthode à repenser démocratiquement. Rien ne se fit. Le leurre, le grand leurre avait déjà commencé. Le maître leur a déjà montré le chemin du redressement.

Le FLN, si l'on parle ainsi avec souvent moins de contrariété et plus d'écœurement; c'est qu'il n'est pas n'importe quel parti. Mais par mésaventure il entreprend à contenir en son sein n'importe qui. L'élite étant à la base ou en knock-out, la masse s'individualise et s'accroche pêle-mêle aux sommets.

Quand une énième échéance électorale n'arrive pas à transcender les us ni couper la nostalgie pour des règnes dévolus, des personnes aigries de se revoir rejetées par la masse à force d'avoir vu leurs effigies lézarder tous les murs de la cité; ne s'empêchent de piocher le maintien dans les accointances d'un comité central ou d'un bureau politique en mal de renouvellement.

Toujours les mêmes noms, toujours les mêmes personnes, toujours les mêmes méthodes, toujours les mêmes clans, finira toujours par remettre à une date ou une autre, la grogne et la fuite du bon dynamisme.

 Malgré la crise qui secoue l'équilibre des institutions élues et la détermination organique des partis à vouloir changer à peine d'extinction le mode de fonctionnement, le FLN ou à vrai dire certains hommes du FLN, caciques par mémoires, amputés d'esprit d'éthique souillaient le souffle nouveau que tentait d'insuffler maître Benflis dans les veines de ses rangs encore en dispersion. Ces membres locaux d'une pièce centrale perturbaient l'enfantement du renouveau salutaire en voulant garder à jamais la propriété de tête de liste, de la liste et des annexes à la liste. Le parti était ainsi devenu pour ces gens un sérail et la qualité de membre d'une instance, une audience à l'égard d'un conflit, par principe enterré, mais que les têtus cafardeux de l'idée unique entretiennent. Le conflit de génération.

Le poids du pouvoir partisan n'a pas à s'apprécier encore loin de s'investir dans une bataille de candidatures, mais bel et bien dans l'environnement qui entoure l'espace des urnes. La rue, le quartier les citoyens ne veulent plus du même nom. Et puis est-il marqué dans les tables du FLN que la prospérité d'une ville devait passer par le seul nom, consommé, épuisé et éteint ? L'avenir est dans un futur radieux et sans encombrement idéologique. Il est dans cette jeunesse qui déserte, à voir ce qui se trame dedans, tous les partis. Elle fuit, yeux fermés le monde de la politique. Que l'on veuille paraître tel un parrain, n'émeut nulle personne avertie, pourvu que l'on ait le tact, la corpulence et le gabarit pour l'être ou le paraître. Et tout cela est loin, comme dans les années 70, de mesurer cette force uniquement par les accointances ou le cursus national de l'un ou de l'autre. Maintenant, il n'y a plus de place pour les héros. Leur temps est définitivement révolu. Peu importe ton histoire, ta participation à la guerre de libération, ton sacrifice, ton abnégation, ton expérience, tes services rendus, ton palmarès, tes fonctions ou postes occupés etc. le monde actuel de ceux sont électeurs majoritaires s'en fout. Que tu ais été un jour fellaga, chef de daïra, commissaire du parti, ministre, membre à toutes les instances, puis député, rien ne justifie à leur entendement une quelconque faveur à octroyer encore. Basta !

Belkhadem a une lourde responsabilité. S'il arrive à arrimer cette lourde machine politique, cette longue histoire, cette haute valeur révolutionnaire; à qui de droit, et l'on ne peut penser qu'aux jeunes algériens pétris de nationalisme et de nouvelles visions, il aura fait un miracle. Ces jeunes ont une autre façon, la leur d'aimer le pays. Ils peuvent avoir du gel sur les cheveux, ne pas porter de cravates ni de costumes scintillants. S'éviter les communiqués aux stencils en préférant le facebook, le twiter et le bluetooth. Le combat est certes dur. La lutte implacable. Il doit s'aviser, tel un joueur de dominos que le double-six ne puisse mourir dans sa main. A défaut de pouvoir assurer cette transmission paisible et fraternelle, il devra opter pour une solution de sauvetage, de secours et de salut public: accorder la postérité au FLN. Non pas l'enterrer ou le faire oublier, mais le garder sain et sauf des appétits goinfres et malsains en le remettant dans les mains sûres d'un musée moral et éternel. Aussi devra-t-il méditer durant ses prières subrogatoires et ses tarawihs cette confiance indéniable d'un vieil enfant loyal et désemparé du parti avouant publiquement et avec déception «oui nous accepterons difficilement qu'il aille au musée» et de continuer « le musée est une mise en valeur pour qui connaît le sens profond de cette retraite» *

«Heureusement pour tous que le FLN demeure moralement un patrimoine national collectif. C'est un bien d'héritage que l'histoire de la lutte armée a greffé sans distinction aucune dans les parois de chaque cœur algérien »**.

*Kamel Bouchama. « Le FLN, la refondation ou le musée » Editions El maarifa. Alger 2008

** Cette rédaction qui ressemble beaucoup plus à un constat courant et partagé qu'une profession de foi ; est prise par Kamel Bouchama dans son livre cité ci-dessous, comme citation d'entame à tout son travail. Elle est de l'auteur de la présente, qui d'ailleurs s'en inspire profondément et se trouve dans la conclusion de l'une de ses chroniques « le front et le parti du front » publiée le 08 juin 2006 et reprise dans le son livre «le témoin obscur » Edit.co.2011.