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Ramadhan, canicule Oran se «vide»

par Moncef Wafi

Les premiers jours du ramadhan ont été éprouvants pour les organismes, coïncidant avec la montée en puissance du mercure. Un ramadhan, en plein août, cela faisait longtemps que les Algériens n'avaient pas vécu cela et cela se ressent. Coïncidant avec la période de congé par excellence, la ville offre ce visage d'une cité dépeuplée ce qui a fait dire à beaucoup d'Oranais qu'en réalité, ceux qui congestionnent leur ville viennent d'ailleurs. Une réflexion, somme toute, égoïste mais qui traduit, on ne peut mieux, l'ambiance générale qui caractérise Oran, en ce début de carême. Moussa, sexagénaire renfrogné, s'interroge sur tous ces commerces qui n'ouvrent qu'à partir de midi et ces boulangeries qui ont préféré baisser rideau pendant cette période. « On n'a pas idée de laisser les clients comme ça, prenant son propre exemple, pour étayer ses dires ». Il en veut surtout à ces commerces du centre-ville fermés le matin. Les rues sont plutôt calmes, les premières heures de la matinée avant de s'animer en tout début d'après-midi et entrer en effervescence à quelques heures de la rupture du jeûne. Une activité, allant crescendo, expliquée par le fait que beaucoup de fonctionnaires et de travailleurs ont décidé de prendre leur congé pendant ce mois.

Autres images fortes de ce ramadhan, les nerfs, à fleur de peau, des gens qui ne cherchent que la moindre des excuses pour se bagarrer. Et les bagarres sont légion à chaque coin de rue. Exemple vécu au quartier d'Essedikia, un chauffeur de bus aux prises avec certainement son receveur alors que le véhicule était encore en marche. Deux mendiantes prêtes à se crêper le chignon pour une place de luxe devant une boucherie à la rue Nancy. Autant d'exemples d'une agressivité gratuite mise sur le dos du jeûne. Les agressions, les vols et les accidents de voiture font également parti du décor de circonstance. Pour échapper à la fournaise et tromper le temps, des inconditionnels de la grande bleue ne désertent pas les plages et il n'est pas rare de les croiser faire trempette à la Grande plage ou à Bomo, en compagnie d'enfants tout heureux de ne pas faire le carême. Mais gare à la promiscuité des corps en ce mois de suspicion puisque les exemples de tentatives de lynchage de couple surpris dans la mer ont été enregistrées l'année dernière. Sinon, la nuit, les familles investissent la ville à la recherche d'un coin de fraîcheur. Le traditionnel Front de mer avec ses terrasses indémodables, le lèche-vitrine au niveau des rues marchandes du centre-ville ou de Choupot ou encore la nouvelle destination branchée des Oranais, « Dubaï », le boulevard reliant Akid Lotfi au Centre des conventions de Sonatrach. Pris d'assaut depuis quelques mois déjà, le boulevard ne désemplit pas de visiteurs, familles, couples ou en groupes, venus, l'espace d'un moment, changer d'ambiance. Et en termes d'ambiance, elle est assurée par des jeunes qui improvisent des concerts de karkabou et de derbouka pour chauffer la galerie.

Mais cette invasion nocturne est mal vécue par certains riverains, jaloux de leur espace, jadis tranquille. «On n'a plus d'intimité», suggère Mahmoud, la quarantaine, commerçant de son état. «Auparavant, ce boulevard était le lieu de rendez-vous des voisins ou des familles venues rendre visite aux leurs mais maintenant c'est au tout venant», se désole-t-il. A propos des commerces implantés sur ce boulevard, il dira que la mairie aurait été plus inspirée si les élus avaient cherché à innover en dotant l'espace d'infrastructures de loisirs et d'accueil au lieu des vendeurs de cacahuètes ou de glaces. Pour les inconditionnels, il y a toujours les cafés et les interminables parties de cartes ou de dominos autour de cafés parfois à la qualité douteuse.