Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Vivre, un lourd Fardeau

par Kamal Guerroua

Il arrive qu'on s'acharne sur soi-même, et qu'on se culpabilise à force d'être la proie du mal des autres. Faut-il changer les autres ou se changer soi-même pour que le regard des autres change de lui-même à notre égard ? C'est une question quasiment philosophique qui en appelle bien d'autres ! En principe, il vaut mieux se changer d'abord soi-même pour ne pas contaminer les autres de sa maladie. La contagion du mal est beaucoup plus mauvaise que le mal que l'on se fait déjà à soi-même! Quand on oublie qu'on avait mal agi et qu'on s'était mal comporté avec les autres, l'on se ferait des tas d'illusions sur le parcours qui nous reste à faire! Les Espagnols disent «Borron y cuenta nueva !» lorsqu'ils veulent insinuer ce compte à rebours vers le zéro, et puis le redémarrage, presque impossible, avec un «plan» sans fautes, sans remords, sans dettes, sans charges, sans comptes à rendre à personne ! Vivre sera une dure expérience, sinon un lourd fardeau, quand on ne sait plus ce qu'est vraiment «Vivre», cette fois-ci écrit avec la majuscule !

Un jour, un vieil homme en Kabylie est allé faire un contrôle routinier de ses ruches, installées au flanc d'une montagne. Et comme il était un bleu dans le métier, un essaim d'abeilles l'avait poursuivi et le gars, complètement étourdi, n'avait trouvé rien de mieux que de se jeter dans un bassin d'eau pour semer l'essaim ! Or, une fois dehors, l'essaim éparpillé en petites nuées commença à le piquer de toutes parts.

Épuisé, le paysan se tapait les joues, le visage, le dos avec ses mains toutes calleuses. Un vieux cheikh l'avait surpris, sans qu'il ne comprenne de quoi il s'agissait et lui dit à brûle-pourpoint : «mais tu es devenu fou?», «non!» «Non !» rétorqua l'autre ! «Et pourquoi tu fais ça alors ?» Et l'homme répondit, à peine inconscient, tellement les piqûres d'abeilles étaient fortes : «C'est ma faute !», «c'est ma faute!», «c'est ma faute!». Le cheikh n'ayant rien compris encore à ce qui se passait, s'en approchait pour en savoir plus, avant d'être piqué à son tour, en criant : «maintenant, c'est deux fautes!», «deux fautes !», «deux fautes !», en se tapant les joues, le visage, les bras! Mais c'était déjà trop tard!