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Bonne année

par Ahmed Farrah

Une année s'écoule avec ce qu'elle avait charrié de bon et de moins bon pour nous et pour les autres. Les Syriens sortent timidement mais sûrement du bourbier qui leur avait été imposé par les amis de BHL & Co. Le tribut payé est trop lourd à supporter dans un pays décimé par six ans de guerre. Une guerre infligée par ceux qui ont longtemps planifié la naissance d'un nouveau Moyen-Orient dans lequel l'Etat d'Israël sera le maître absolu dans un espace tribal délimité par les deux grands fleuves de la région, le Nil et l'Euphrate.

Les spin doctors connaissent bien les inimitiés et les rivalités presque millénaires entres des ennemis intimes qui se prosternent tous vers la même Qibla et prient le même Dieu dans la même langue, cinq fois par jour. La manipulation des régimes en place est un jeu d'enfant à cause de leur fragilité intérieure qui mine la stabilité de leurs pays. Ni le clanisme ni le clientélisme sur lesquels ils s'appuient ne leur donnent la légitimité indispensable à leurs projets et à leurs engagements. Ces régimes factuels et autoritaires sont devenus des clients très prisés par les marchands d'armes qui leur refilent à coups de milliards de dollars avec quoi s'entretuer et s'autodétruire.

Le Yémen subit les conséquences du conflit irano-saoudien et s'enlise dans la violence quotidienne. Son peuple est plongé dans la famine et le dénuement le plus total. Sans aucun soutien, il végète sous le silence complice de la communauté internationale qui n'a d'yeux que pour le Qatar et les richesses du Golfe. Son Altesse le nouveau maître de Riyad se dit prêt à dépoussiérer l'islam des rites, des tabous et des légendes qui lui ont fait tant de mal. Il donne de petits gages à l'opinion occidentale. Il arrête les milliardaires bling-bling pour avoir les coudées franches. Est-il fini le deal entre les wahhabites et les Saoud ? En tout cas les Saoudiennes peuvent désormais conduire des voitures. Cheb Khaled a chanté «Aicha» lors d'un concert donné à Riyad dans lequel les jeunes Saoudiens ont dansé sur des airs de raï. Le président américain décrète Jérusalem capitale de l'Etat d'Israël et projette de déplacer l'ambassade US dans la ville sainte. Un acte unilatéral dénoncé par la communauté internationale lors d'un vote à l'ONU. En France, Emmanuel Macron ne s'est pas plié aux «vœux» du CRIF- Conseil représentatif des institutions juives de France- allant dans le sens d'appuyer la décision de l'administration américaine, ni à Benjamin Netanyahu auquel il a suggéré de faire un geste pour la paix. Entre Alger et Riyad le torchon brûle à cause d'une banderole de soutien à la Palestine déployée sur les gradins du stade d'Ain Mlila, sur laquelle le roi d'Arabie est assimilé au président américain Donald Trump. Ouyahia fait le ménage à Ain Mlila et présente ses excuses à l'ambassadeur d'Arabie saoudite à Alger. Questionné par des journalistes, il le confirme en ajoutant : «Les Algériens ne sont pas un peuple de bandits?En 1955, les Saoudiens sont entrés dans l'enceinte de l'ONU avec le drapeau algérien». Il est révolu le temps où feu le président Boumediene disait : l'Algérie est avec la Palestine, oppressante ou opprimée ! Comme aussi, le roi Fayçal d'Arabie disait à l'époque qu'il n'accepterait jamais les résolutions des Nations unies proclamant la division de la Palestine et reconnaissant l'Etat d'Israël et qu'il serait lui et sa famille aux premières lignes du combat pour la Palestine?Quelques années après il fut assassiné mais l'Histoire a retenu leurs engagements pour la cause palestinienne.

Aujourd'hui, même des intellectuels algériens ont changé d'angle d'attaque et posent le problème palestinien comme une tragédie humaine sans se référer à l'appartenance raciale ou religieuse du peuple palestinien trahi par des régimes arabes et des régimes musulmans. En Libye, l'Etat national a disparu laissant des chefs de milice faire leur loi en attendant des jours meilleurs. Le pays est devenu la plaque tournante de l'immigration vers l'Europe. Les conditions de vie et de passage des migrants sont des plus inhumaines. Des témoignages bouleversants évoquent des cas de traite négrière et d'esclavage. Au Maroc le Rif contestataire a bougé. En Europe la Grande-Bretagne quitte l'Union européenne et les Catalans votent majoritairement pour les indépendantistes. Comme c'était prévisible, l'Algérie n'ira pas à Moscou contrairement à ses voisins et à l'Egypte qui ont fait mieux qu'elle. Ainsi, le monde qui nous entoure n'est ni plus beau ni plus envié malgré la chienlit et le ressenti éprouvé en Algérie où l'on a tendance à voir toujours le verre à moitié vide.

Rechignant, exigent et nihiliste, l'Algérien triche avec lui-même et oublie qu'il est un élément fondamental de ses propres problèmes. Cette année trois Premiers ministres se sont succédé suite à des élections locales qui ont encore une fois renforcé les partis du pouvoir sous une indifférence remarquée de ceux qui se sont abstenus d'aller aux urnes et de ceux qui n'ont fait aucun choix. Abdelmalek Sellal est parti après plusieurs années de gestion sans que son bilan ne soit évalué. Son successeur, Abdelmadjid Tebboune, n'a pas eu le temps de nous faire rêver, puisqu'il est parti en laissant un pan entier d'Algériens sur leur faim. Il est venu avec un nouveau style, plus posé et plus autoritaire, c'est ce que préfèrent ses compatriotes -apparemment. Avec Ahmed Ouyahia, ils ne découvrent rien de nouveau, puis qu'il a dû faire toutes les «guerres» sans se blesser pour qu'il soit aussi fort -veinard mais surtout un grand dribbleur. Il a installé la planche à billet et tout est rentré dans l'ordre. Les ports sont «inondés» de bananes et de chinoiseries, les pharmacies ont fait le plein de leurs étalages, les supérettes sont garnies de tout. Les guichets de poste et les distributeurs de billets ne sont presque jamais à court de liquidités. Les salariés et les retraités sont heureux. Ils ne vont pas fêter Noël et les enfants ne trouveront pas de cadeaux dans leurs chaussures -ils n'ont pas de cheminée chez-eux mais ils ont du gaz de ville- ils se rattraperont pour fêter Ennayer dans une ambiance familiale et très particulière. Bonne année à tous les lecteurs du Quotidien d' Oran. Restez-lui fidèles !