«Le jeu,
c'est quelque chose de sérieux», aurait écrit un jour l'écrivain argentin Julio
Cortázar. D'autant que, peu importe la valeur de la mise à rafler, il y a
toujours, d'un côté, un gagnant et de l'autre, un perdant. Et le pire, c'est
que, parfois, on peut même y risquer gros : sa tête. Aussi, une énorme
difficulté surgira quand ce jeu-là est fermé. C'est-à-dire lorsque l'une des
parties en transgresse ou verrouille les règles en sa faveur, s'arrogeant
indûment le droit d'imposer sa loi et sa logique à l'autre et contre tous. Ce
que nombre de gens de chez nous décrivent d'ailleurs avec une pointe d'ironie
par le fameux proverbe ancestral : «la'âb H'mida, r'cham H'mida» (celui qui joue, c'est H'mida,
celui qui édicte les règles et marque les points, c'est H'mida).
Et sûrement entre ces deux H'mida (le joueur et le
magouilleur), l'adversaire d'en face n'est qu'un «double-blanc». Autrement dit,
un pion manipulable, juste utile pour la poursuite du jeu car il ne compte
pratiquement pour rien, hélas! Cela résume, il est vrai aujourd'hui, le triste
sort des Algériens face à ces hauts responsables qui s'écharpent et se jettent
à corps perdus dans l'arène des bisbilles claniques pour le pouvoir alors
qu'eux, les grands concernés, y sont absents, sinon des «double-blancs». Plus
est, gagnés par de multiples craintes quant à des lendemains qui peuvent
déchanter ; atrophiés par toutes ces maladies qui gangrènent leur société ;
dégoûtés ; épuisés, en galère et ne sachant guère de quoi l'avenir sera fait.
Or, certains roulent encore à contresens, pensant naïvement que notre jeunesse
va s'en sortir facilement dans de pareilles circonstances sans qu'ils l'y
aident. Comment pardi? Par quels moyens?
Par quel miracle? Sûrement, on ne le saura jamais de
sitôt. Bref, ce qui se passe en Algérie à l'heure présente est très grave! Profitant de la faiblesse des institutions étatiques,
d'aucuns sortent leur linge sale dans la buanderie publique au lieu de se
hisser au rôle d'initiateurs de débats contradictoires constructifs. Alors que
la grande muette semble s'isoler dans l'ombre, Saâdani
joue au tribun attitré de la nomenklatura. Il n'hésite pas à distribuer les
cartons jaune et rouge à sa guise. Il tacle et moleste les amis qui le
détestent, nargue et fustige les adversaires qui veulent sa peau. Et, en
protecteur des intérêts du clan présidentiel, il décoche maintenant à tout va
des propos violents ; incongrus ; révélateurs de bien des fissures existant en
haut lieu. Plus astucieux et retors, Ouyahia, lui,
atermoie et apaise la tension, renvoyant «tactiquement» le patron du F.L.N dans
ses cordes sans qu'il ose le blesser ni défendre ceux que ce dernier accuse.
C'est comme s'il essaie de concilier les intérêts des uns et des autres, en se
mettant au-dessus de la mêlée avec, en ligne de mire, la perspective des
présidentielles de 2019. En gros, l'orchestre étant bien installé et la musique
se fait tantôt douce, tantôt bruyante et souvent un karaoké au solfège
désordonné. Ce qui ajoute de l'inquiétude dans la maison alors que le maître à
bord est un grand malade. Autant de données qui font planer un doute pernicieux
chez la majeure partie du peuple.