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De l'inceste politique !

par Slemnia Bendaoud

Entre l'art du possible et celui du mensonge, il n'y a qu'un pas à franchir pour troquer le discours franc, sincère, conscient et responsable contre celui tendancieux, très dangereux, rétrograde et bien médiocre. Faute de repères ou de culture politique saine et très solide, on y adhère volontiers en marchand de rêves ou de mensonges. Sinon juste par calcul mercantile en suivant la file.

Mais bien souvent ce jeu dangereux prend d'autres allures, formes, virages et clivages, aussi tortueux et scabreux que l'esprit les ayant enfantés pour tout dénaturer dans notre vie et ne plus rien laisser à l'état naturel. Dès lors que l'invective s'y invite en fanfare et en grandes pompes, le fiasco politique, lui, s'installe dans la durée. La morale prend alors un sacré coup.

A commencer par ce plus vieux parti algérien qui s'est arrogé de manière peu orthodoxe ce droit absolu de prendre en otage et dans la durée tout un peuple et sa longue histoire. Appareil de l'état, le FLN reste au service exclusif des apparatchiks. Telle une Estafette, ils l'empruntent comme passerelle de secours juste pour asseoir leur pouvoir à un moment où leur navire chavire en haute mer.

De cela ils en sont vraiment conscients. Et l'autre monde, celui de la basse société, n'y peut rien contre. Il continue à souffrir le martyr, ne trouvant malheureusement la moindre solution à son calvaire du moment, devenu insupportable. L'habitude devenant à la longue une seconde nature, acteurs comme spectateurs ?certains malgré eux- jouent donc depuis très longtemps à ce jeu trouble qui dure encore dans le temps.

Tout conflit latent qui dure démesurément dans le temps ressemblera inévitablement à un volcan en hibernation. Leur point commun : devenir actifs à tout moment. Telle une assassine étincèle de braise enfouie dans ses cendres et restée encore en veille, il se réveille en sursaut et propage à l'horizon de nouveau ses flammes, revenant de loin à son dynamisme ou devenant aussitôt fonctionnel.

« Seule l'attitude pondérée permet au fermier de vendre sa toison de laine », dit la sagesse. Une toute autre et non moins savante culture nous avertit : « baie suivant une autre baie, se mange la grappe de raisin. » Tout voyage utile est à en profiter à satiété, celui inutile à plutôt éviter. Manger utile vous épargne la bouchée de trop. Celle susceptible de vous provoquer le fâcheux hoquet ou la très méchante quinte pour vous contraindre à vomir tout ce que vous avez si vite ingurgité.

Arrivé à un certain âge, tout être humain qui se respecte fait son bilan, et entrevoit déjà sa probable chute, son inéluctable fin. Son prochain déclin et son inévitable départ pour l'au-delà. Chez les gens sensés, on s'y prépare ou s'y affaire dès le premier soupçon de la moindre absence du reflexe instantané de nos muscles, désormais considérés comme trop lourds à la détente.

Depuis la toute bénigne fuite d'une mémoire désormais peu assidue, trop confuse ou très diffuse, devenue à la longue bien poreuse, vraiment traitre ou tout juste paresseuse. A partir du moment où on n'est plus maitre de ses mouvements et parfois importantes décisions.

On cherche donc à définitivement se caser dans ce tout dernier wagon des vieux objets ou très anciens meubles de la masure dont la locomotive le promène en véritable sentinelle dans le seul pourtour de la maison. Tout juste pour leur faire changer d'air, d'image de la vie et de soi, leur montrant l'impact indélébile du temps sur leur santé et la distance qui les sépare du cimetière où ils doivent un jour atterrir.

Aussi, afin de nous préoccuper avant tout de notre santé, limite-on au maximum nos mouvements et surveille-t-on de très près notre alimentation et hygiène de vie. Sont donc abolis à jamais de notre programme journalier : le voyage inutile et la bouchée de trop, manière à nous de nous préserver de tout éventuel compromis mettant en danger notre santé. Les plus chanceux parmi ces personnes du troisième âge se consacrent au sport, s'adonnent aux loisirs, s'investissent dans les voyages instructifs ou dans la belle littérature et la magnifique poésie. Tandis que le reste de ce monde, devenu subitement si fragile et inactif, lorgnent du côté des jardins publics et des espaces verts ou encore en direction des places mitoyennes des ensembles d'immeubles urbains.

A cet âge-là, ils trainent presque tous sur leurs frêles épaules et arqué dos le poids considérable du lourd fardeau de leur vie ou les séquelles d'une grave ou endémique maladie. Ils marchent comme s'ils le faisaient sur des œufs et parlent autour d'eux comme s'ils susurraient des mots doux ou demandaient gentiment un précieux concours aux âmes charitables.

Faute de repères sérieux et d'occupation durable, nombreux parmi eux ont le regard perdu dans les décors ou accroché à des horizons bouchés pour ne vraiment bien se retrouver que dans des souvenirs qui ne leur renvoient que les images des beaux moments de leur jeunesse dont ils nous semblent ne pas avoir suffisamment profités.

Ceux qui ont encore l'ouïe fine et les pupilles toujours si utiles jouissent de beaucoup de privilèges, comparés à leurs semblables qui en sont plutôt démunis et qui éprouvent, eux, toutes ces pires difficultés et peines du monde à se frayer du chemin ou autres contraintes à reconnaitre des voix pourtant très familières, en l'absence d'un quelconque guide improvisé ou d'un interprète volontaire et commis d'office ou à titre gratuit.

Toutefois, de ces voyages plus haut cités et de ces nourritures-là, faisant intentionnellement dans l'excès, il existe manifestement ceux qui exigent des personnes âgées de tenter encore l'aventure comme s'ils croquaient encore la vie à pleines dents ou qu'ils jouissaient toujours de leur force physique et mentale d'antan.

C'est donc à un exercice des plus ardus et des plus fastidieux qu'ils seront soumis et tout le temps mis à l'épreuve dans leur devoir de vaquer ?sans bien souvent réussir- à leurs toutes nouvelles occupations. Au manque de reflexe plus que flagrant s'ajoutera cette très difficile faculté à toujours se projeter vers l'avant, gymnastique qui les hante si souvent, car tous persuadés que l'effort à entreprendre n'est plus dans leurs cordes ou à leur portée. Cette longue parenthèse du détour ci-dessus opéré dont nous venons tracer les vrais contours devrait en principe dissuader cette vieille garde qui ose encore mettre en défi les règles de la biologie à l'effet de perpétuer une situation de léthargie qui n'aura fait qu'hypothéquer les chances de développement du pays.

Se donner si souvent en spectacle politique et show médiatique de cette piètre façon très chère à Amar Saâdani ne peut que traduire le sentiment d'une grave situation de blocage au sommet de la pyramide de l'état algérien. D'ailleurs, son tout dernier show en donne un très net aperçu. Son habile interprétation par les hommes du métier laisse entrevoir des jours encore plus difficiles pour l'équipe de la gouvernance encore en place.

Aussi, le langage qui y était utilisé ne fut que des plus orduriers. Comparable à bien des égards à de l'inceste politique, il n'aura produit qu'un malaise plutôt généralisé devant une situation économique du pays des plus explosives, eu égard au manque d'argent frais consécutivement à la baisse drastique des cours du brut et de l'absence d'un produit de substitution aux hydrocarbures.

La parade n'a cette fois-ci pu être très rapidement et facilement trouvée dans ce cliché arboré en étendard de « nationalisme, trompeur vicieux et opportuniste » dans ces expressions de phraséologies longtemps ressassées que sont ces « ennemis extérieurs et intérieurs de l'Algérie » auxquels recourt la langue de bois d'une si médiocre gouvernance qui se trouve à présent aux abois.

A l'opposé, les Algériens sont tous dans l'attente?de quelque chose ou de quelque sursaut salvateur. Dans leur salle d'attente, de cette gare de transit, de correspondance, de départ imminent ou d'arrivée impromptuelois-ci pu etre très x hydrocarbures.tique des cours du brut et l'rs encore plus difficiles pour la gouvernance encore e, ils attendent tous, les mains liées ou croisées, des jours meilleurs. Les uns visent bien droit tête de la locomotive ; les autres juste le dernier des wagons. Mais tout le monde a le regard braqué vers la même direction, en quête d'une probable lueur d'espoir.

Mais tous, lassés d'attendre longtemps cet avenir radieux se manifester à l'horizon, veulent maintenant partir vers l'ailleurs, cet ailleurs susceptible de leur permettre de réaliser leur légitime rêve. En perte d'espoir, le monde tenté par d'autre horizon ou celui désintéressé fuient le pays et sa misère de vie. La toute dernière montée au créneau de ceux à qui est confiée la destinée du pays via ces manœuvres sournoises du parti FLN accentue de jour en jour le malaise d'une société prise en tenaille entre ce dégoût de tourner le dos à ces apprentis-politiciens et celui qui pousse ses citoyens à prendre la clef des champs et ne plus jamais regarder derrière eux. Elle est porteuse d'un danger plus que certain pour le pays et son peuple dans la mesure où le ras-le-bol généralisé est désormais atteint. Il constitue cette autre amère réalité qui tue dans l'œuf toute tentative de venir au secours du pays. Tant les limites de la correction et la déontologie de la pratique politique auront été foulées au pied.

La dernière sortie médiatique de Amar Saâdani est à qualifier de caractère virulent et tonitruant. Il s'y est attaqué de manière frontale et plutôt brutale à d'anciens hauts responsables du régime politique algérien. Le général à la retraite Toufik ainsi que Abdelaziz Belkhadem y ont cités les premiers et été traités de tous les noms d'oiseaux.

Déjà évoqués de par le passé comme étant des moins que rien, ils auront été, cette fois-ci, trainés dans la boue pour leur porter ensuite le chapeau de responsables du malheur de l'Algérie. Plus grave encore, ils sont désignés du doigt pour avoir comploté avec l'ennemi d'hier et couvert ses intérêts au sein de l'Algérie. Avec grande assurance, osée condescendance, zèle de fidélité à ceux qui tiennent les destinées du pays et surtout inflexible fermeté, il leur a asséné, sur un ton, tantôt moqueur, tantôt revanchard, des coups meurtriers, susceptibles de les envoyer au purgatoire pour tout le restant de leur vie. Faire la guerre à des retraités qui n'ont pratiquement aucune influence sur le cours de l'histoire politique du moment dévoile le manque de vision et de programme politique du plus vieux parti algérien.

S'accrocher à ressasser des paroles sans influence sur les masses en est déjà une preuve irréfutable. Et mieux encore, ni les grands maquisards, ni même les Braves Héros de la révolution algérienne n'ont eux aussi échappé à son lynchage public médiatique tout azimut pour s'attaquer sans distinction et sans la moindre retenue à tous ces grands symboles de la lutte pour l'indépendance du pays.

Nous eûmes donc droit à de la violence verbale comme modèle de discours politique convainquant sans aucune commune mesure avec les règles de la déontologie politique enveloppé dans des paroles creuses ayant ?cerise sur le gâteau !- requis les applaudissements nourris de près de la moitié de l'équipe gouvernementale (14 ministres) ! Une première dans la vie politique du pays. Mais la question que tout un chacun se pose à présent tourne autour : de qui Amar Saâdani tient-il toute cette extraordinaire force, surprenante assurance et surtout grande impunité pour agir si délibérément de la sorte, sans jamais au passage outre mesure se soucier des probables retombées quant à son action très osée, jugée pour le moins trop risquée et sur plusieurs plans ? Comment se permet-t-il d'envoyer aux gémonies de l'enfer si facilement et aussi brutalement ceux à qui hier encore il leur faisait ces mesquines courbettes. Beaucoup plus par ruse de maquignon et manœuvres hypocrites que par une quelconque fidélité de servitude aux tous puissants du régime de l'époque ?

Qu'y a-t-il de changé à la tête du sommet de l'état algérien depuis lors pour que Si Toufik soit si bassement considéré et si inélégamment vilipendé par un aussi sombre personnage que celui qui arrive emporté à grands flots et puissants vents par cette nouvelle vague de la médiocrité politique qui sévit dans le pays ?

Et comment le tout puissant Général d'hier garde encore si étrangement le silence devant de tels dépassements qui le visent tout personnellement et si dangereusement, dans sa propre chair et sans la moindre réplique ou démenti possible au sujet de ces accusations de poids dont il fait publiquement l'objet ?

Pour de nombreux observateurs, de grosses manœuvres s'opèrent au sommet de la hiérarchie du pouvoir. Et la toute dernière intervention médiatique de celui à qui échoit la sale besogne de mettre en application les « recettes politiques du laboratoire du régime » en constitue déjà une première ébauche afin de lui préparer le terrain propice ou celui bien favorable.

En ces moments de grande disette politique ?pour paraphraser le Docteur Arezki Ferrad*-, le déjà triste sort de l'Algérie nous inquiète et préoccupe au plus haut point. Car la médiocrité a vraiment atteint son point de non retour. L'État algérien n'est-il pas pris, à son propre piège, de tout banaliser dans la vie politique et institutionnelle du pays ?

Autrement dit : d'où nous sort-on ou nous viennent ces intrus de la politique? Qui est derrière leur ascension fulgurante ? A quoi répondent finalement toutes ces bruyantes sorties médiatiques ? Et surtout pour quel intérêt ?

Connu pour être ces pompiers de service au profit du régime, il leur arrive si souvent de se comparer à un tonnerre en colère ou à prendre les allures d'un ouragan en fureur. Ceux qui les ont laissé faire subissent, à présent, les dégâts collatéraux commis en leur nom.

A vouloir se comparer à un tigre, le vaniteux chat fort de sa robe zébrée, fronce ses sourcils, ouvre méchamment les yeux et se gonfle démesurément le thorax sans jamais pourtant parvenir à épouser la réelle forme du fauve imité.

Toute ressemblance entre ces deux carnivores restera circonscrite à son image naturelle et dimension réelle. Car le chat, comparé à son idole le tigre, ne fait pas aussi peur à son monde !

C'est au vu du volume de leur proie chassée que l'on reconnait l'un et l'autre : l'animal domestique de celui vraiment très sauvage. Toute autre comparaison ne relève que de la pure illusion ou vraie fantaisie.

(*) ? L'ère de la disette politique ? Contribution du Docteur Arezki Ferrad, Ecrivain et chercheur en histoire, au Quotidien arabophone El Khabar (page 02) du 08 Octobre 2016.