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L'opposition écartelée entre cohérence et «pragmatisme»

par Kharroubi Habib

Ce n'est pas parce qu'ils considèrent que Abdelouahab Derbal proposé par le chef de l'Etat pour assumer la présidence de l'instance indépendante de surveillance des élections ne répond pas aux critères d'indépendance et de neutralité que requiert la mission que les partis de l'opposition ont pour la plupart réagi négativement à l'annonce. Dans leur déclaration en l'occurrence, ces partis ont pris la précaution d'expliciter que leur prise de position contre la proposition présidentielle n'a pas pour cause la personnalité pressentie, mais qu'elle leur a été dictée par l'obligation d'être en cohérence avec celle pour laquelle ils ont opté concernant l'instance de surveillance des élections que le pouvoir met en place en ayant rejeté toutes les propositions présentées par l'opposition dont la prise en compte aurait permis de garantir son indépendance.

Même les partis islamistes que le pouvoir a vraisemblablement tenté d'amadouer en portant son choix sur Abdelouahab Derbal, une personnalité de leur bord, ont fait savoir qu'ils ne répondront pas à l'invite du président de la République de lui faire part de leur sentiment sur la proposition. Ils ne pouvaient faire autrement sans le risque de se voir taxés d'inconséquence dans leur opposition au pouvoir qu'ils proclament basée sur le refus de ses lois électorales édictées pour perpétuer sa mainmise sur le processus électoral et s'assurer que les urnes ne lui réserveront pas de mauvaises surprises.

Dans son ensemble, l'opposition estime à bon droit que les « garanties » censées avoir été mises en place par le pouvoir devant permettre l'organisation d'élections et la tenue de scrutins réguliers et transparents dont celle d'une instance indépendante en charge de leur surveillance, n'en sont pas. Que de ce fait pour aussi respectable et respectée que sera la personnalité désignée pour assurer la mission de coordination de leur surveillance, elle doute qu'elle puisse l'accomplir tant la règle du jeu est par avance faussée et sont réduits les pouvoirs dévolus à l'instance qu'elle préside.

Cela étant, l'opposition est désormais sommée de se déterminer sur la question de sa participation ou non aux élections à venir qui vont être organisées selon des procédures qu'elle a décriées et dénoncées. Si elle s'en tient au principe de cohérence dans ses prises de position, elle devrait se prononcer pour la non-participation après avoir affirmé que des élections organisées dans ces conditions qu'elle réprouve ne produiront que des résultats frauduleux. Mais contre toute attente, il apparaît toutefois que la notion de cohérence de comportement est élastique chez certains partis composant cette opposition qui ont décidé de participer à ces élections dont ils persistent à dire qu'ils n'attendent rien de bon pour la démocratie et la libre expression de la volonté populaire.

Chez tous, le débat sur la question n'est ni serein ni aisé et tourne chez certains à une confrontation interne qui met à mal l'unité de leurs rangs. Quelle que soit la décision qui conclura ce débat au sein de l'opposition, il s'en produira des dissensions durables pour celle-ci. Ce qui n'est pas pour conforter la dynamique unitaire qu'elle est parvenue à imprimer à sa contestation du pouvoir et aux actions qu'elle a initiées pour l'exprimer.