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Libye: fragile avancée démocratique

par Kharroubi Habib

Il s'est passé jeudi à Tripoli en Libye une transmission pacifique de pouvoir entre l'Assemblée nationale issue des premières élections post-El-Gueddafi et le Conseil national de transition (CNT) qui a été l'instance dirigeante de la rébellion contre le régime déchu et en charge de la transition qu'a connue le pays.

L'événement a été salué en tant qu'avancée contribuant à l'instauration en Libye d'un régime démocratique et au retour de l'ordre et de la paix dans le pays. Le président élu de la nouvelle Assemblée nationale libyenne Mohamed El-Magaryef, opposant historique à Muamar El-Gueddafi et à son régime déchu et à ce titre très respecté par ses compatriotes, a promis que dans l'exercice de sa fonction il sera «à l'écart de toutes les considérations politiques régionales et tribales» et appellera au dialogue «entre toutes les forces politiques et les composantes de la société civile y compris celles qui ne sont pas représentées dans le Congrès général national (CGN)» ainsi qu'est dénommée la nouvelle Assemblée libyenne.

Apparemment le processus de mise en place d'un nouveau pouvoir en Libye se déroule de façon satisfaisante et sans la violence qui était à craindre du fait de l'existence dans le pays de milices armées aux ambitions de pouvoir antagonistes. Il n'en demeure pas moins que la situation en Libye est loin d'avoir été stabilisée et il n'est pas certain que l'assemblée élue et le gouvernement qu'elle va désigner seront capables de la maîtriser. Il faudra d'abord qu'au sein de la nouvelle institution se dégage une majorité qui puisse s'entendre sur ce que seront les bases des nouvelles institutions de l'Etat libyen post-El-Gueddafi. Ce qui n'apparaît pas aisé au vu de l'extrême disparité d'appartenance des élus qui y siègent

S'il est vrai que l'Alliance des forces nationales (AFN), une coalition de quarante petits partis libéraux menés par des architectes de la révolte de 2011 contre l'ex-colonel El-Gueddafi, a remporté la «victoire» électorale en ayant été créditée de 39 sièges sur les 80 réservés aux partis politiques, il lui sera néanmoins ardu sinon impossible de constituer une majorité parlementaire acquise à son projet politique, sachant que le Parti de la justice et de la construction (PJC) d'obédience islamiste détient 17 sièges et surtout que 120 ont été attribués à des candidats «indépendants» aux convictions et allégeances floues quand elles ne sont pas tribales simplement. Or les donnes tribales et régionalistes s'expriment avec force dans la Libye post-El-Gueddafi et pèseront sur les choix institutionnels sur lesquels la nouvelle Assemblée est appelée à trancher.

Les premiers pas pacifiques faits par la Libye vers l'instauration d'un régime démocratique sont de ce fait très fragiles à cause de la situation sécuritaire du pays encore volatile et des agissements de forces politiques cherchant à accéder au pouvoir par la violence et les contraintes. Mohamed El-Magaryef qui bien que considéré comme proche des islamistes a été porté à la présidence de la nouvelle Assemblée va devoir faire preuve d'un grand sens politique et de la qualité de «rassembleur» pour convaincre les forces et groupes encore réfractaires au processus démocratique d'accepter de s'y intégrer et d'en respecter les objectifs.