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Révolution ou guerre ?

par M'hammedi Bouzina Med *

La question syrienne oppose, aujourd'hui, partisans du pouvoir d'El -Assad et ceux des insurgés révolutionnaires. Que valent les arguments des uns et des autres face au martyre du peuple syrien ?

Au départ, de ce 15 mars 2011, la révolte du peuple syrien était considérée comme le prolongement (inévitable ?) des révoltes citoyennes qui avaient balayéles dictateurs dans les autres pays arabes et maghrébins (Tunisie, Egypte, Yémen, Libye ?) Aujourd'hui, éditorialistes de presse et analystes politiques sont dans l'impasse de la démonstration qui a prévalue jusque là pour le « printemps arabe » : la crise politique syrienne s'est mue en une guerre civile avec l'implication d'acteurs extérieurs à la Syrie. La question syrienne est devenue un puzzle où s'affrontent des intérêts stratégiques locaux et internationaux. Qui a intérêt à ce que le pouvoir central de la famille El Assad disparaisse, et pour être remplacé par qui et par quoi ? Le peuple syrien vous diront les « promoteurs » du Printemps arabe, et pour que la démocratie s'installe dans ce pays. C'est l'avis des occidentaux, des arabes (Ligue arabe) et de la majorité des pays de ce monde (AG de l'Onu). Pourtant il se trouve encore des défenseurs du pouvoir syrien actuel qui voit en lui la stabilité et l'équilibre des multiples intérêts internationaux dans la région moyen orientale. En particulier la Russie et dans une moindre mesure la Chine, tous deux membre du Conseil de sécurité de l'Onu. Vu de près, la Russie tente de desserrer l'étau qui la presse dans ses frontières, comme ce fût le cas lors de la crise de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie en 2008. Ces deux régions sécessionnistes de l'Ukraine gardent à ce jour leur indépendance, et sont reconnues par la Russie qui les assiste en armes lourdes et aviation. Vu de loin, la Russie s'emploie à démanteler tout le projet occidental, plus particulièrement américain d'un « Grand moyen Orient » (GMO) dont le point de départ à été l'Afghanistan, puis l'Irak et le Yémen, suivi de l'axe sud méditerranéen (Tunisie, Libye, Egypte, Algérie, Maroc). Reste la boucle à boucler dont le maillon centrale est la Syrie.

Comme dans toute compétition, c'est la dernière ligne droite qui est décisive. La question syrienne ne finira ni comme celle d'Irak par un envahissement étranger, ni comme celle, plus douce, de la Tunisie. La solution de la question syrienne dépendra du « compromis » obtenu entre Moscou et Washington, comme au temps de la guerre froide. L'avis des autres, comme celui de la Ligue arabe, ne sera que facultatif. Le fond du problème ce sont les « routes stratégiques de l'énorme réservoir énergétique » que contient le Moyen Orient et le Maghreb (le fameux GMO).

Cependant, faut-il voir la guerre en Syrie et les bouleversements dans les pays arabes sous le seul angle de « l'intérêt étranger, l'intérêt occidental ? » et, s'opposer à toute tentative de changement de régime politique dans les pays arabes ? Face au martyre du peuple syrien et à la dictature que vivent les peuples dans le reste des pays arabes du Moyen Orient (Arabie Saoudite ; Bahreïn ; Iran?) et dans une moindre mesure au Maroc, en Algérie, Mauritanie etc.

la conscience humaine ne saurait se parer et se dédouaner par le seul prétexte du « Danger extérieur ; de la Main de l'étranger !» La conscience ordonne à la raison humaine d'agir pour que cesse la guerre, la violence et la dictature. « Sans moi, ce sera le chaos », semble dire Bachar El Assad. Est-il possible de croire que la vie d'un peuple, d'une nation dépendent de la seule volonté d'un seul homme et de sa famille ? La logique de Bachar El Assad est démentie par les exemples tunisien, égyptien, yéménite et surtout libyen. Avec des remous et des luttes internes, ces pays ont, en moins d'une année, des projets politiques et de sociétés qui s'inscrivent, malgré les avatars des anciens régimes, dans une meilleure perspective historique, en phase avec ce début de 3ème millénaire: la marche vers la démocratie, la liberté et la justice.

Ainsi, la volonté de Bacha El Assad de demeurer, au prix de milliers de morts, de disparus et de réfugiés, maître de la Syrie est absurde, suicidaire pour lui et son pays et relève d'un égoïsme politique qui frise avec la folie. Si El Assad et sa famille aiment leur pays comme ils le prétendent, ils auraient depuis longtemps sacrifié leur avidité du pouvoir aux aspirations de liberté de leur peuple. Et qu'importe les divergences de l'opposition syrienne, de l'Armé de libération syrienne etc. Ce sont des données objectives (certes non justifiées) de toute révolution en marche. Les exemples dans l'histoire sont nombreux et, pratiquement, aucun mouvement révolutionnaire n'a aboutit sans faire de victime dans son propre camp.

* Bureau de Bruxelles