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Les Palestiniens exclus de la distinction du Time

par Kharroubi Habib

« Le manifestant» a été désigné «personne de l'année» par l'hebdomadaire américain Time. Distinction au singulier pluriel qui, pour ce magazine, rend hommage aux protestataires qui en 2011 sont descendus dans la rues de nombreux pays du Proche-Orient, au Maghreb, en passant par l'Europe et les Etats-Unis, pour ici exiger la fin de dictatures corrompues et s'opposer à la toute-puissance des oligarchies financières.

L'on ne peut a priori qu'approuver le choix fait par le magazine, car il est vrai que ces gens honorés par lui «ont déjà changé l'histoire et ils changeront l'histoire à l'avenir». Sauf que l'on s'oblige à imposer un «bémol» à notre adhésion, au constat que de son singulier pluriel, le Time exclut les manifestants palestiniens qui, en Cisjordanie, à Ghaza et à Jérusalem, font de même contre l'occupation sioniste. Cette exclusion est révélatrice des ambiguïtés de la notion de «manifestant» que cultive ce magazine et, d'une manière générale, toute la presse occidentale.

En ne mentionnant pas expressément les manifestants palestiniens comme faisant partie de ces gens qui ont mérité sa distinction, le Time donne l'impression de partager le point de vue exprimé par un candidat à la candidature républicaine à l'élection présidentielle des Etats-Unis pour qui «les Palestiniens sont un peuple inventé et composé de terroristes». Voilà, le mot est lâché, qui fâche entre nous et nos confrères du Time et d'autres médias occidentaux. Les jeunes Palestiniens qui affrontent à mains nues l'appareil répressif israélien sont aussi ce «manifestant» désigné par le magazine «pour avoir capté et souligné un sentiment mondial d'espoir de changement, renversé les gouvernements et les idées toutes faites, combiné les techniques les plus anciennes avec les technologies les plus modernes pour mettre en lumière la dignité humaine et guider la planète sur la voie d'un 21e siècle plus démocratique, bien que parfois plus dangereux».

Eux plus que tous les autres méritent d'être comptés parmi ces anonymes auxquels le Time a attribué la distinction «d'homme de l'année». En les ayant ignorés, le magazine américain feint de ne pas voir que la revendication palestinienne pour laquelle ils combattent dans un rapport de force asymétrique effroyable, est présente dans le combat de ce «manifestant» du Proche-Orient, du Maghreb ou d'Occident dont il approuve la lutte et les idéaux qu'il cherche à faire triompher.

Pour ces protestataires qui, en 2011, ont envahi les rues de par le monde et dont le Time a fait «l'homme de l'année», les jeunes Palestiniens qui manifestent dans les territoires occupés sont un exemple et leur cause l'une des plus symboliques pour leur détermination à vouloir changer le monde. Le magazine Time a quelque peu bousculé les certitudes des establishments américains et européens en attribuant cette année sa célèbre distinction aux manifestants qui remettent en cause l'ordre politique établi à travers le monde, y compris chez eux. Mais il est resté politiquement correct en ne bousculant pas le consensus antipalestinien qui a cours au sein de ces «establishments». Même le plus prestigieux des magazines américains est tenu à des lignes rouges qu'il ne peut transgresser sans risque.