L'arrière-goût de la pomme de terre est évidemment très âcre et la persistance qu'il inflige au consommateur a une allure déroutante où point qu'il est devenu un problème politique national. La désolation est d'autant grande qu'il s'agit d'un référent de popote rendu essentiel pourtant non indispensable même si sa consommation a une petite importance dans le menu quotidien des ménages jusqu'à être présenté comme un produit de première nécessité. Mais à ce que l'on sache, il ne s'agit pas là d'un sérum vital duquel dépend la survie de la population et son importance n'a rien de comparable avec celles de la farine et du pain.

On a suffisamment tourné autour du pot, à défaut de tournoyer autour de la marmite pour ne pas comprendre que la symbolique que dégage avec instance ce légume, à bien des égards quelconque, donnant lieu à des colères et des accusations jusqu'à atteindre le gouvernement et le ministre du Commerce, est le rendu d'un large état des lieux et d'une générale situation économique. Bien qu'elles soient fondées, la récrimination populaire et la pestilence des commentaires ne devraient pas s'arrêter à des histoires de semences, de la spéculation et à la fixation de l'esprit sur le jeu de yoyo des prix qui tanguent entre 100 et 150 dinars. L'incommodante flambée du coût de la vie est généralisée et n'importe quel produit nécessaire aux moindres besoins journaliers tire sa langue à la face du consommateur offusqué. La panoplie des revendications à propos des revalorisations des salaires, si elle est au demeurant justifiée, ne pourrait être qu'une solution palliative, mais ne constituera pas la solution.

Pourtant le grand message étalé est aussi simple que clair. Les Algériens ne pourront plus vivre comme avant. Ils auront beau s'abreuver d'approximatives explications très éparses, ils devront convenir que le monde a totalement changé et que les différentes secousses des crises économiques incessantes sont autant de rappels pour les alerter sur l'obligation qui leur est faite de bouleverser leur culture de consommation et leur mode de vie. Faute de ne pas se soumettre à cette obligation inévitable et incontournable, ils devront s'y plier dans la douleur.