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Prémonitions

par Brahim Chahed

« ...d'autres catégories de prémonitions sont beaucoup plus mystérieuses. Elles semblent faire intervenir la précognition (savoir à l'avance) ou le pressentiment (sentir à l'avance). Elles paraissent indiquer que certaines influences voyagent

« en sens inverse » dans le temps, c'est-à-dire du futur vers le présent. Elles défieraient ainsi toutes nos idées habituelles sur la causalité, qui veulent que la cause précède l'effet ».

Rupert SHELDRAKE - Le Septième Sens-.

Pour la plupart d'entre nous, le temps ne va que dans un seul sens. Le temps serait donc relatif et même s'il peut s'étendre ou encore s'étirer, il ne revient jamais en arrière. Si ce fait est pour nous, ici et maintenant, indiscutable, comment expliquer le sentiment de déjà vu, comment considérer des centaines de prémonitions à travers l'histoire, si ce n'est par notre étroitesse d'esprit, si ce n'est à cause de notre enfermement dans la connaissance du moment.

Dans notre chronique aujourd'hui, il n'est pas question de science pur et dure, où nous devons formuler des hypothèses, suivre un protocole strict et à la fin affirmer ou falsifier quelque chose. Il est question aujourd'hui, de faire un voyage en passant de l'impossible (par étroitesse d'esprit) au possible (par ouverture d'esprit).

Un voyage dans le formidable univers de l'étrangeté, de l'irréalité où le future se confond avec le passé, où l'on peut se souvenir du présent. Un grand voyage qui forme une sorte de vulnérabilité, d'impuissance, de notre univers mais aussi qui confère une sorte de pouvoirs absolue, une toute puissance, à ce même univers. Nous passerons du sentiment d'avoir déjà vécu une situation présente, au sentiment de voir se défiler le future devant nos yeux.

Le sentiment de déjà vu, à différencier de l'impression de revivre une expérience passée, de la réapparition d'un souvenir enfoui ou encore de la sensation de n'être plus soi-même, est une expérience personnelle très intime où étrangement une situation nouvelle nous parait déjà familière même si pour nous c'est inapproprié, impossible ou encore anormale.

La science, même si elle cherche des explications rationnelles à ces phénomènes, ne se risque jamais de les rejeter. Que des théories se fondent sur l'émotion ou sur l'attention. Que d'autres théories, telle que la freudienne, admettent la reviviscence, elles essayent toutes d'expliquer et par conséquent reconnaissent et confirment l'existence.

Nous avons, presque tous, à un moment donné de notre vie, vécu ce sentiment de déjà vu, de déjà ressentie, de déjà vécu, suggérant ainsi l'étalement de notre conscience à la fois dans l'espace et dans le temps et aussi dans le futur et dans le passé. Ainsi beaucoup ont cette capacité, cette habilité, d'entrevoir le futur. Qu'il s'agisse de prémonition ou de précognition, si nous nous libérons de nos préjugés, nous pourrons le reconnaitre.

La science reconnait, là aussi, la capacité de chacun à sentir le futur et donne sens aux raccourcis mentaux qui confirment nos pensées sur l'avenir. Ainsi, le biais de sélection, celui de confirmation et enfin celui de rappel se mettent à l'œuvre pour se souvenir et sélectionner les évènements qui conviennent à notre première pensée et ceux qui la confirment.

Ecrivains et Romanciers, notamment les plus illustres d'entre eux, se sont fait porte-voix de ces phénomènes. Dickens, Copper Field, Tolstoï, Hardy ou encore Dante ont donné des lettres de noblesse au déjà vu, d'autres comme Koontz ou Robertson, jules vernes ou Kafka, plus près de nous Clancy ou Houellebecq, ont prédit des évènements très précis suggérant ainsi la réalité des prémonitions ou précognition. La précognition se distinguerait de la prémonition par la capacité de l'individu à dépasser le purement émotionnel, et,à relier la connaissance anticipée à un évènement précis.

Kafka, dans trois de ces récits, publiés entre 1919 et 1924, « La Colonie Pénitentiaire, Le Procès et Le Château », décrit, avec minutie, les pratiques des régimes totalitaires en Europe durant les années trente. Jules verne, dans son œuvre, parue entre 1865 et 1869, décrit, de façon circonspecte, avec plus de 85 ans d'avance, la mission d'Apollo 11. Clancy, dans son Roman « Dette d'Honneur » de 1994, annonce, dans le détail pour celui qui sait lire, les attentats du World Trade Center du 11 septembre 2001. Enfin, Houellebecq, dans « La plateforme » raconte, une année à l'avance, l'attaque terroriste, survenue à Bali en octobre 2002.

Mais la plus stupéfiante, la plus criante, la plus légendaire de ses prémonitions, est celle où Robertson, en cinq petites pages dans son Roman « Futility » publié en 1898, prédit avec une précisiondéconcertanteles détails du Titan pour Titanic, et les conditions de son naufrage la nuit du 14 au 15 avril 1912. Même si Robertson était connu pour avoir une connaissance très large du monde qu'il décrivait, il n'aurait pas pu penser tous les détails reportés 14 ans auparavant, notamment le manque de canots de sauvetages, la conception en compartiments, les impacts imparables qui ont fait sombrer le Paquebot, si ce n'est reconnaitre que ces télescopages temporels peuvent être le résultat, certes d'une explication rationnelle qui pourrait être la coïncidence, mais aussi une autre explication, moins rationnelle celle-ci, mais assez plausible pour les détails repris, qu'est l'existence d'univers parallèles, notion empruntée à la physique quantique, et les capacités de certains élus clairvoyants de voyager entre ces univers.

Le cinéma, sur les traces de la littérature, propose dans le célèbre film « Déjà Vu », interprété par le non moins célèbre acteur Denzel Washington, la possibilité de défier le temps pour corriger cette espèce d'anachronie temporelle, ce désordre chronologique, qui fait qu'on n'a pas rencontré la bonne personne, au bon moment, au bon endroit, pour changer le cours de sa vie ou, carrément, pour changer le cours de l'histoire.

Là me vient, puisqu'on est dans un mois au sens révolutionnaire, le célèbre discours du Docteur Martin Luther King, intitulé « J'ai fait un rêve », qui fut prononcé devant 250 000 personnes au Lincoln Mémorial, à l'occasion du centenaire de l'abolition de l'esclavage et je voudrais soutenir que le pasteur ne faisait aucunement allusion à un rêve, mais il accédait à une connaissance du futur par des voies autres que la logique et la déduction. Lorsqu'ildécrivait une Amérique fraternelle, libérée des chaines de la discrimination, sortie des vallées du désespoir, le Docteur Martin Luther King, faisait une prémonition, faisait une précognition, même si l'Amérique, cent ans après la proclamation d'émancipation, sombrait toujours dans le ségrégationnisme. Puisqu'on est en novembre, une autre figure de l'histoire, feu Houari Boumediene disait déjà en 1974 « Un jour, des millions d'hommes quitteront l'hémisphère sud pour aller dans l'hémisphère nord.

Et ils n'iront pas là-bas en tant qu'amis. Parce qu'ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront avec leurs fils.... ». Macron, connu pour son intérêt à l'histoire, devrait prêter une meilleure attention à cette précognition, lui permettant d'en tirer les conséquences, la France est en période électorale et, apparemment, le vote des Algériens compte énormément et serait même déterminant.