Dans leur majorité, les Algériens ont une connaissance juste et complète des causes profondes de la crise de leur pays. De ses larges fondements corrodés et corrosifs aussi. Ils maîtrisent parfaitement les motifs démobilisateurs qui ont entraîné la société vers une particulière démission généralisée face à une classe politique isolée, toutes tendances confondues. Désemparés et faute d'un recours programmé, tous ou presque se sont réfugiés dans un fatalisme spartiate et se sont remis esprits, pieds et mains liés à la bénédiction divine. Quand les regards ne sont pas braqués vers le ciel, l'incivisme et la débrouille pour survivre prennent le relais pour aller se confiner aux abords de la haine de l'autre et de soi pour être perçue comme une malédiction.

Tout le monde maîtrise les explications sur la déroute nationale et très nombreux sont ceux qui détiennent l'énoncé des remèdes. Mais pour résoudre les inextricables problèmes de tout genre et de multiples acabits, se défaire du pourquoi pour lier avec le comment est un si lourd exercice qu'il ne peut se suffire de diarrhées verbales ou de déclarations de bonne intention. L'abîme est profond entre le dit et le fait et une feuille de route quelle que soit la volonté qu'elle affirme serait caduque sans sa prise en charge intelligente et bien ordonnée.

C'est là l'immense tâche qui attend le nouveau gouvernement. Il s'agit d'abord de combler la faille titanesque entre un peuple et ses dirigeants. Plus qu'une question de confiance si nécessaire qu'elle soit, il doit être question de recréer une véritable chaîne de commandement pour que chaque Algérien chargé d'une mission, de la plus petite à la plus grande, riche d'une compétence avérée dans son domaine, soit un acteur efficient. Un maréchal sans armée n'est qu'un clown dans un manège n'ayant que ses souliers à cirer avec le seul avantage de soudoyer ou de corrompre par le verbe vide et par le rire forcé. Durant plus d'un demi-siècle la société algérienne s'est frottée à ce genre de spectacle et elle en a une petite expérience. Aujourd'hui elle a démontré qu'elle a l'avidité pour entamer une autre plus utile et plus conséquente. Celle qui donne les meilleures raisons de vivre. Pour ce faire, elle a besoin d'une sérieuse reconfiguration de son être.