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Coups d'Etat

par K. Selim

L'Union africaine (UA) a averti l'opposition malgache et l'armée qu'elle condamnera toute prise de pouvoir qui ne remplit pas les obligations constitutionnelles. Le président du Conseil de paix et de sécurité (CPS), Edouardo Aho-Glélé, a rappelé, à l'issue d'une réunion d'urgence à Addis-Abeba, le principe de non-reconnaissance des gouvernements issus d'un coup d'Etat.

Ce qui vaut pour Madagascar, qui connaît une crise politique aiguë, vaut davantage pour la Mauritanie où un coup d'Etat avait été mené le 6 août 2008 par l'armée et dont le chef, le général Mohamed Ould Abdelaziz, s'apprête à être candidat pour des élections présidentielles fixées pour le 6 juin prochain. Autant dire que la boucle du coup d'Etat sera bouclée.

Le CPS devra l'expliquer très clairement au colonel Mouammar Kadhafi, président en exercice de l'UA, qui s'est permis récemment à Nouakchott d'accorder l'absolution au général Abdelaziz en décrétant qu'il est le «dirigeant de la Mauritanie de facto» et «ceux qui l'ont précédé sont de respectables anciens présidents». «Le chapitre des sanctions est clos», avait-il ajouté.

Kadhafi n'est pas un chantre de la démocratie, bien au contraire. Ses idées sont connues. Sauf qu'il a parlé en qualité de président de l'UA et cela pose problème. L'absolution qu'il a accordée aux putschistes a suscité sans surprise la révulsion de l'opposition mauritanienne. Le président élu, victime du coup d'Etat, Ould Cheikh Abdallahi, n'a pas apprécié que le colonel veuille imposer une reconnaissance du «fait accompli putschiste» en demandant, «sans autre forme de procès, le départ du président démocratiquement élu et l'application intégrale de l'agenda unilatéral de la junte militaire».

Le Front national de défense de la démocratie (FNDD) a dénoncé le fait que le président de l'UA, «censé faire respecter et veiller à la mise en oeuvre des décisions de celle-ci, puisse prendre le contre-pied des décisions de l'Union et soutenir, en particulier, la candidature d'un général putschiste, entrant ainsi en contradiction flagrante avec l'esprit des textes qui la régissent». Le constat est d'une implacable justesse.

Les exégèses du colonel posent un sérieux problème de respect du principe énoncé par l'UA. A Nouakchott, il a tout simplement rouvert, au grand bonheur des putschistes, la boîte de Pandore des coups d'Etat. «S'il faut juger des gens pour les coups d'Etat, il ne faut pas seulement s'en prendre à Mohamed Ould Abdelaziz. Il faut également le faire pour tous les responsables de coups d'Etat durant toute la période, depuis le putsch contre Mokhtar Ould Daddah jusqu'à ce jour».

L'argument est mauvais. En énonçant ce principe, l'UA ne cherchait pas à refaire l'histoire, cela aurait été irréaliste, mais à stopper la tendance ancrée au recours au coup d'Etat. Elle ne pouvait décider pour le passé, elle prenait date pour l'avenir. Ce n'était pas parfait car parmi ceux qui ont édicté ce principe, figuraient d'authentiques putschistes. Mais cela avait l'avantage de dire que c'est fini, que les coups d'Etat du passé ne peuvent servir à justifier de nouveaux coups d'Etat. C'est cette limite que Kadhafi a enfreinte en Mauritanie. En parlant pour Madagascar, le Conseil de paix et de sécurité a rappelé qu'elle est toujours valable. Il faudra en convaincre Kadhafi.