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Dans tous les camps, cool

par Abdou B.

«Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux». Voltaire.

« On n'a pas le temps d'y croire, il fait grand jour et c'est demain», chantait le grand Léo Ferré. La dernière ligne droite se termine très bientôt avant le début d'une nouvelle mandature.

Celle-ci n'aura pas permis, des mois et des mois à l'avance, de grands débats clarificateurs pour l'avenir. Dans son rôle, le Président Bouteflika aura jusqu'au bout décliné des réalisations, des infrastructures, des décisions, des augmentations de bourses et de salaires qui témoignent d'un bilan qui n'est pas négatif, loin s'en faut. Ses adversaires, de moins en moins organisés, de plus en plus opposés entre eux, se contentant de communiqués ou de ce qu'ils croient être de grands coups médiatiques aux plans interne et externe, rejouent la même pièce depuis 1999. D'anciens candidats à la présidence, de leur côté, observent une réserve pleine de dignité. Du côté de la majorité auto-proclamée devant un candidat qui a pris son indépendance, le même logiciel est reconduit avec quelques nuances de pure forme. Le chef du MSP justifie son soutien à M. Bouteflika par le fait que ce dernier a... «prouvé son soutien à la Palestine (...) et qu'il ne normalisera jamais ses relations avec Israël». A ce «programme» économique, culturel et social d'où est évacuée «l'entité sioniste, M. Soltani aura de la peine à trouver un candidat algérien fan du régime de Tel Aviv qui ne consentira à un Etat palestinien que sous la pression de son premier bailleur de fonds et son puissant protecteur, les Etats-Unis. La Palestine est sûrement le seul grand consensus national à nul autre pareil. Par ailleurs, la pression médiatique, l'appui aux Palestiniens par des formations politiques, des ONG et des syndicats, d'éminentes personnalités au sein desquelles de nombreux juifs en Occident, sont autrement plus efficaces que tous les partis dans les pays arabes. Ces nombreux et crédibles soutiens occupent de larges franges dans les opinions, les universités, les médias, de larges secteurs de la justice aux USA, en Europe, dans les pays scandinaves etc... La «c'est du lourd» comme dirait Grand Corps Malade. Parenthèse fermée pour ce qui est du génocide du peuple de Palestine et des partis algériens. Ici, faut-il vraiment chercher des programmes, des propositions, des idées neuves, des ouvertures fertiles et des décisions de rupture chez les opposants ou les alliés du Président ? Que nenni ! Avec un art consommé, et à la manoeuvre, M. Bouteflika fait tout l'essentiel du travail, mouille le maillot à chaque fois que c'est nécessaire, plus que les chefs de sa majorité qui suivent ou accompagnent comme ils peuvent pour repredre chacun ses billes et charger au maximum «leur» président si le destin le permet un jour. Assurément, et connaissant le sérail, M. Bouteflika n'est pas dupe. La personnalité qui sort du lot, et c'est le paradoxe, se trouve être une femme dans un pays de machisme, de profondes inégalités entre les sexes. Mme Louiza Hanoune, qui pratique le soutien et la critique avec intelligence, a des idées arrêtées en matière économique et sociale, un point de vue ferme sur la souveraineté nationale, sur l'utilisation des richesses nationales inaliénables et la nécessité devenue une urgence de voir émerger un autre Parlement. Si ce dernier devenait réellement un contre-pouvoir capable de sanctionner le gouvernement, de proposer de lui-même des lois, d'ériger en son sein des commissions d'enquête, des laboratoires de réflexion et de prospective sur la femme, la culture, l'économie, l'Union pour la Méditerranée, l'adhésion aux groupements et organismes internationaux, la peine de mort cette barbarie des temps modernes, l'image du pays en serait profondément modidifiée. La jeunesse retrouverait des repères et des espoirs et le monde extérieur n'en aura que plus de respect et de considération pour nos institutions, pour les femmes aussi nombreuses que les hommes qui y seront. Le PT a joué un grand rôle dans le coup d'arrêt donné par le Président à «la loi scélérate» sur les hydrocarbures applaudie au départ par les parlementaires. Le refus de ce parti de voir des observateurs étrangers lors de la prochaine présidentielle demeure pertinent.

Quelles que soient leurs origines, ces observateurs-gadgets ne seront d'aucune utilité, mais ils coûteront sûrement beaucoup d'argent.

C'est aux Algériens qui gouvernent qu'incombe la responsabilité politique d'organiser de bonnes élections sans fraude, sans pressions administratives, religieuses, sociales ou financières.

Pris sous n'importe quel angle, et toutes les approches sont respectables, les dés aujourd'hui sont lancés. Quel usage en fera M. Bouteflika ? Un troisième mandat, c'est long et en même temps assez court, mais chaque décision, chaque jour compteront triple en ces moments de crise mondiale sans précédent, de vieillissement au niveau des idées d'une foule de responsables justes bons à dire avant, pendant et après que le président a toujours raison sur tout, même lorsqu'il leur est signifié qu'il y a des fautes, des erreurs, des gabegies tous azimuts. M. Bouteflika devra assumer de nouveaux choix stratégiques de longue portée en matière de culture (négligée à ce jour), d'industrie, d'indépendance alimentaire, d'environnement, d'urbanisme, d'ouverture audiovisuelle à l'interne et à l'externe, de femmes et d'hommes de préférence nouveaux... Le cinéma, le renouveau de la Bibliothèque nationale qui rayonnait il y a peu, la liberté de créer, l'ancrage du pluralisme et des libertés sans rivage exigent un plan national d'envergure avec les jeunes talents, de véritables managers, de grands économistes indépendants, des élites dans tous les secteurs concernés ici ou installés à l'étranger. Et ce n'est pas ce qui manque. La dispora culturelle intellectuelle, qui fait tous les jours ses preuves et le développement d'autres pays, veut être utile à l'Algérie. Cependant, les discours nationalistes en temps de guerre chantés par ceux qui n'ont pas fait la guerre ne servent à rien. Au contraire, ils choquent et étonnent, décalés des progrès technologiques, de la recherche et de l'innovation, des conditions de vie, de travail et des rémunérations connues ailleurs. S'adressant à des élites ni plus ni moins patriotes que ceux qui gouvernent, les propos doivent tenir compte que ces Algériens là sont des scientifiques, des chercheurs, des entrepreneurs, des artistes, des créateurs et des penseurs. Ils sont confrontés à l'étranger à ce qui se fait de meilleur au monde et s'en servent. Les logiciels algériens dans de nombreux domaines datent du parti unique, sont plombés par des administrations et des rentiers toujours à l'affût, sans idée, sans diplôme, sans présence dans le débat public, et constituent de véritables repoussoirs très efficaces au profit de leur périphérie de même nature, régionale, clanique, stérile, de tchatche bling bling... Les élections sont déjà là. L'arrogance, le non-respect des convictions de chacun, l'exclusion sur le rite courtisan, religieux, diabolique du champ national de ceux qui se positionnent contre les partis de la majorité peuvent s'avérer dangereux pour la sérénité d'un scrutin. Certaines réactions suggérées par des propos et des comportements non courtois, non politiques, non civilisés risquent au bout du compte, faute de hauteur et de maîtrise, de gonfler du dépit et la volonté de rendre coup pour coup. Les sanguins, les mal-élevés et les meddahs, de tous les camps, cool.