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Selon la presse quotidienne
(du 31/1/21) le ministre de l'Industrie a proposé un retour à « l'industrie industrialisante » mais réactualisée a-t-il
précisé. Il prône donc une « stratégie » d'industrialisation qui a
lamentablement échoué. C'est une vieille rengaine qui a la vie dure.
L'industrialisation menée sous la férule de l'Etat nous a menés vers une désindustrialisation prématurée. L'action entreprise depuis l'indépendance par des apprentis sorciers du développement a été un gâchis pour un pays doté d'importantes ressources naturelles qui auraient pu être transformées en immenses capacités de production. La politique de développement centrée autour de l'industrie dite industrialisante a été élaborée en 1966 dans le cadre d'un système étatique où l'Etat est le producteur prédominant. Le pouvoir politique a inscrit dans ses « tables de la loi », la fameuse charte nationale de 1976, son option pour cette industrie particulière, présentée comme une panacée du développement économique. L'industrie de base, l'industrie lourde s'entend, est capable « d'engendrer de nouvelles industries » est-il écrit dans ce document idéologique. Le problème est que le pouvoir politique autoritaire a fait d'une hypothèse théorique une vérité absolue, une vérité d'Etat indiscutable (une thèse d'Etat si j'ose dire) sous le règne d'un parti unique qui foulait aux pieds la liberté d'expression. Dans les développements qui suivent nous allons questionner le concept d'«industrie industrialisante » pour le déconstruire et montrer qu'il relève plutôt de la fable que de la science, ne s'accordant pas aux faits observables. L'impératif industriel Le développement économique exige un changement des structures économiques et l'industrialisation en est le pivot majeur. L'essor économique exige l'expansion de l'activité industrielle L'industrialisation signifie d'abord la construction d'un secteur industriel. Elle signifie aussi l'utilisation de méthodes de production plus productives par l'ensemble des activités nécessitant l'emploi d'équipements modernes les mettant sur la trajectoire du progrès. La modernisation des activités économiques est nécessaire car elle est la condition même de l'amélioration des revenus salariaux et des profits qui exige nécessairement une hausse de la productivité des facteurs productifs (capital technique et travail) rendue possible par l'intensification capitalistique de la production (utilisation de machines). L'histoire du capitalisme est marquée par de grandes transformations avec ce que l'on a appelé les révolutions industrielles qui sont en fait de grandes mutations techniques dans la manière de produire. Ces transformations de l'activité industrielle portent sur l'utilisation de nouvelles techniques autour des machines utilisées particulièrement dans de grandes unités de production, le développement de nouvelles branches d'activité et une forte croissance de la production et de la productivité. Sur le plan historique l'industrie est passée du système artisanal disséminé dans les espaces ruraux - où la production était faible et assurée par quelques travailleurs - à des entreprises peu mécanisées et enfin aux grandes entreprises qui concentrent en leur sein une main-d'œuvre nombreuse soumise à une division rationnelle du travail fondée sur la généralisation du machinisme et de l'automation. Les économistes considèrent que le développement économique requiert l'industrialisation pour plusieurs raisons. Les activités industrielles produisent des biens de consommation très diversifiés qui satisfont les besoins de la population. Elles diffusent le progrès technique, produisent des biens de production destinés aux autres activités qui augmentent leur productivité et leur production et par conséquent les emplois et les revenus distribués. En outre une industrie prospère induit la croissance des autres activités par ses achats d'inputs (matières premières notamment). La demande de produits industriels se différencie et se développe, elle a une élasticité/revenu importante (l'accroissement de cette demande est supérieur à l'accroissement du revenu) tandis la demande de produits alimentaires a une faible élasticité/revenu (elle s'accroît à une faible proportion et atteint à un moment donné une saturation). Telles sont les arguments canoniques avancés par les économistes en faveur du caractère moteur de l'industrie. D'autre part l'expérience historique montre que les pays qui se sont développés sont des pays qui se sont industrialisés. Le professeur Perkins et ses collaborateurs soulignent que « depuis la révolution industrielle, qui a permis à la Grande-Bretagne d'accroître sa production industrielle de 400% pendant la première moitié du 19e siècle, on a souvent considéré le concept de développement et l'industrialisation comme des notions synonymes. Depuis cette époque, la hausse des revenus individuels, dont l'industrialisation a été la source principale, constitue le critère essentiel du développement » (Economie du développement, p.784). Le niveau d'industrialisation d'un pays est mesuré par la part de la production industrielle dans le produit intérieur brut (ou celle de l'emploi industriel dans l'emploi global), cette part n'augmente pas indéfiniment, dépassé un certain niveau de revenu le secteur des services répondant à de nouveaux besoins, s'accroît rapidement et devient prédominant dans la création de richesses. Donner de l'importance à l'industrie ne doit pas conduire à négliger les autres activités (agriculture et services), l'économie est un tout complémentaire dont chaque partie compte. Une industrie supposée industrialisante Une prétendue « loi objective » du développement des forces productives a été proposée par Lénine (dans un article intitulé « la question des marchés ») considérant qu'une croissance rapide du secteur industriel produisant des biens de production (industrie dite lourde) régit le système capitaliste, croissance censée élever fortement la production globale. Il s'est avéré que c'est une simple assertion non soutenue par des observations empiriques. Cette pseudo-loi économique a été étendue par Staline au système étatiste et est devenue un dogme intangible dans l'univers totalitaire communiste. Le professeur G.Destanne de Bernis a repris cette idée, érigée en vérité incontestable par l'idéologie stalino-léniniste, de la primauté de l'industrie lourde dans le processus de production en la justifiant par un raisonnement spécieux en ayant recours à des concepts non marxistes. Le concept de base est l'effet d'entraînement. Il y a effet d'entraînement d'une activité économique sur une autre lorsque la croissance de la première provoque la croissance de la seconde par les flux d'achat ou de vente de produits. « L'effet industrialisant d'une industrie ou d'un groupe d'industries est un cas particulier, un aspect de l'ensemble des effets d'entraînement ou des effets moteurs qu'engendre toujours une industrie déterminée » (De Bernis, 1966; p.418). La politique industrielle de l'Algérie entamée dès le premier plan de développement économique (1970-1973) a donné la priorité à l'industrie lourde (industrie des biens d'équipements et des biens intermédiaires) censée assurer un processus d'industrialisation puissant (industrie considérée comme industrialisante). La stratégie choisie est de concentrer les investissements dans une première étape sur les industries amont pour ensuite les orienter vers l'aval du processus industriel : on va donc des industries lourdes aux industries légères. Les pouvoirs publics tablaient sur la décennie 1980 comme horizon de l'industrialisation accomplie. Ce qui s'est produit en réalité c'est une faible industrialisation suivie d'une régression industrielle (ce que l'on appelle une désindustrialisation prématurée qui intervient alors que le tissu industriel est encore faible et peu diversifié), consolidant la primarisation de l'économie nationale (forte dépendance à l'égard des hydrocarbures). L'industrie des biens d'équipement (biens durables qui produisent d'autres biens : machines, outils, etc.) et des biens intermédiaires (énergie, matières premières), située en amont du processus de production, qui par ses liaisons avec les autres industries est supposée entraîner dans son fonctionnement un échange intense de flux de biens, flux d'achats et de ventes. La liaison vers l'aval du processus de production est considérée comme efficace car la disponibilité des biens de production, machines et produits intermédiaires (matières premières et énergie), va entraîner leur achat par les entreprises existantes et la création de nouvelles unités de production, ce qui densifie le tissu industriel. Donc l'offre de biens d'équipement crée leur demande. La séquence du processus d'industrialisation qui va de l'amont vers l'aval est supposée être une séquence contraignante. Nous allons montrer qu'il n'en est rien, l'effet d'entraînement n'est pas automatique, si une industrie A a une liaison technique avec une industrie B, cela n'implique pas la création de B du seul fait que A existe. L'effet d'entraînement est subordonné à la décision des agents économiques. Dans une économie de marché les agents économiques investissent si l'environnement institutionnel les incite à le faire. Dans le système étatique l'Etat a un rôle dominant dans l'accumulation du capital, dans une économie comme celle de l'Algérie, c'est essentiellement l'Etat qui construit l'industrie dans une longue période et il s'est avéré que c'est une tâche au-dessus de ses possibilités, le résultat final a été une faible industrialisation en cinq décennies d'étatisme désastreux. Les industries supposées avoir un pouvoir industrialisant sont : la sidérurgie, les industries métallurgiques et mécaniques, les industries électroniques notamment leurs filières produisant de l'équipement industriel, les industries chimiques, l'industrie de l'énergie, etc. Ce sont des industries capitalistiques (exigeant une forte accumulation du capital) et de grande dimension. C'est l'Etat qui doit construire cette industrie, seul capable de mobiliser d'importants capitaux. C'est l'étatisme (avec une économie planifiée) qui est proposé comme système économique. L'Algérie a massivement investi dans ces industries à partir des années 1970. Le taux d'investissement réalisé en a été particulièrement élevé, de 28 % de moyenne annuelle entre 1970 et 2010. L'industrie, très coûteuse en capital, a reçu environ 22% du total des investissements réalisés durant cette période. Malgré ces efforts l'industrialisation a lamentablement échoué. L'Algérie est demeurée un pays sous-industrialisé fortement dépendant des hydrocarbures. L'industrie manufacturière est atrophiée et en déclin, réalisant 12 % du PIB (produit intérieur brut) en 1980 et 5,7 % seulement en 2017. La production industrielle s'est accrue de 7,6 % de moyenne annuelle de 1970 à 1980 pour dégringoler à 2,3 % entre 1980 et 1990 et de décroître de 0,1 % par an durant la décennie 1990-2000. Entre 1989 et 2008 la production des industries manufacturières diminue de moitié environ. Le déclin industriel s'aggrave. Après une première poussée, le secteur industriel entre en crise et recule. C'est une désindustrialisation précoce. Si on se fie aux apparences nous dirions que l'industrie de base mise en place est une industrie désindustrialisante. Mais en réalité la cause du recul de l'industrie en Algérie est d'ordre institutionnel, c'est l'inefficacité du système étatique de production qui est en cause, système qui a produit partout où il a été imposé de faibles performances (faible productivité des facteurs et déficits financiers chroniques des entreprises publiques, essoufflement de la croissance extensive). Gérée par l'Etat « l'industrie de base » a vu ses capacités de production sous-utilisées, faute d'économie d'échelle les coûts de production ont explosé (alors qu'une production de grande dimension fait baisser les coûts unitaires des marchandises). Cette gestion étatique a généré des déficits financiers permanents et abyssaux, véritable destruction de richesse, induisant une valeur ajoutée réduite. Ces 25 dernières années les aides financières apportées par l'Etat aux entreprises publiques ont représenté une bagatelle équivalant à 250 milliards de dollars selon le ministre chargé de la prospective. L'industrie publique est une industrie ruineuse. L'Etat, piètre entrepreneur, est empêtré à combler les déficits des entreprises publiques au lieu d'élargir ses investissements pour construire d'autres unités de production ou mettre en œuvre des projets d'infrastructure et de services publics (hôpitaux, écoles, chemin de fer, etc.). La gestion étatique de sphères marchandes crée des effets de freinage sur l'économie nationale. Comme système de production l'étatisme imposé en Algérie par le pouvoir politique inhibe la productivité et la production. La croissance économique est affaiblie faute de croissance de la productivité globale des facteurs, elle repose uniquement sur l'augmentation du stock de capital productif et du nombre de travailleurs (croissance économique dite extensive). C'est ce qui explique l'état de sous-industrialisation et le maintien du sous-développement d'une économie régentée par l'Etat producteur, devenue dépendante de ressources non pérennes, les hydrocarbures. L'inefficacité consubstantielle aux entreprises publiques a induit la fermeture de nombre d'entre elles. L'étatisme induit une sous-production et une sous-productivité dans la sphère de production publique et décourage l'initiative privée par une série d'obstacles formels et informels. Les handicaps sont institutionnels, ils freinent l'activité économique et notamment l'activité industrielle. L'industrialisation n'est pas la conséquence d'un complexe d'industries jugées motrices, comme l'ont cru naïvement les dirigeants politiques qui ont régenté notre pays, sa cause est ailleurs. Les recherches théoriques récentes se référant à l'expérience historique à l'échelle du monde nous enseignent qu'aucun effet d'entraînement n'est intrinsèque à une industrie donnée et n'a le pouvoir de créer une activité industrielle, celle-ci est le fait des agents économiques, mus par leurs intérêts économiques et tenant compte des conditions du marché. Donc aucune industrie particulière n'a un pouvoir industrialisant. Ce sont les acteurs économiques qui prennent la décision d'industrialiser quand le contexte institutionnel est incitatif c'est-à-dire favorable à la croissance de l'activité économique. Le modèle des industries dites industrialisantes a été élaboré à partir de l'évolution des économies des pays développés. Si une corrélation a été observée entre de forts effets d'entraînement de certaines industries (dans certains pays à un moment historique donné) et processus dynamique d'industrialisation, ce n'est pas pour autant une relation causale. En réalité ces pays doivent leur développement non à une industrie supposée motrice mais aux institutions qui ont encouragé l'accumulation du capital dans l'industrie, dans l'innovation technique, dans l'investissement dans le capital humain, etc. L'effet d'entraînement n'est que la manifestation de la croissance économique et non sa cause. L'industrialisation ne réussit et n'est menée à terme que dans des conditions institutionnelles particulières, celles qui élèvent la propension à investir et à produire des agents économiques. Une théorie n'est qu'une hypothèse provisoire attendant d'être confirmée ou réfutée par l'expérience. Le grand épistémologue Karl Popper souligne à juste titre qu'une seule expérience qui réfuterait une théorie suffit pour la discréditer et l'abandonner. L'échec de l'expérience d'industrialisation en Algérie par l'industrie lourde prouve qu'il n'y a pas d'industrie qui industrialise. La seconde observation empirique qui invalide l'industrialisation par l'industrie lourde est l'expérience réussie de certains pays qui se sont industrialisés en trois décennies construisant leur tissu industriel en commençant principalement par l'industrie légère souvent axée sur la sous-traitance et la promotion des exportations (Corée du Sud, Malaisie, etc.). Ce succès est dû non pas à la nature de l'industrie mise en place au début mais à un système institutionnel incitatif inscrit dans le cadre d'un Etat fort sous une bonne gouvernance (Vercueil: les pays émergents; Raffinot : économie du développement). Ainsi les expériences concrètes montrent qu'il n'y a pas de processus linéaire d'industrialisation, la construction de l'industrie mêle branches légères et branches lourdes en fonction des nécessités du marché intérieur et extérieur et des autres spécificités de chaque pays. Si on raisonne en nous référant aux apparences des expériences des pays asiatiques cités on est tenté de dire que l'industrie légère est industrialisante. On commet la même erreur que celle du modèle théorique de De Bernis en faisant d'une corrélation entre deux phénomènes une relation causale. Ce sont les institutions entendues comme règles et lois qui ont rendu ce résultat possible en incitant les acteurs à produire et à réaliser des investissements. Acteurs économiques, institutions et industrialisation L'expérience algérienne qui a été un fiasco a invalidé les prédictions du modèle d'industrialisation du professeur de Bernis qui surestime l'industrie ignorant le jeu des acteurs alors que ce sont eux qui prennent les décisions pour construire l'industrie. Aucune industrie n'a le pouvoir d'industrialiser une économie, attribuer un tel pouvoir à une industrie relève du fétichisme d'une activité. La construction de l'industrie et des autres activités est le fait des acteurs économiques insérés dans un contexte institutionnel donné. L'environnement économique et politique est incitatif quand la propriété est protégée et la sécurité juridique assurée dans le cadre d'un système de marché qui est le seul système efficace que les sociétés humaines ont créé. Le développement économique est le produit d'institutions adéquates qui régissent l'action économique et orientent la dynamique du régime d'accumulation. La mobilisation de l'épargne et la réalisation d'investissements massifs sont à la base du processus de croissance économique robuste et continue, ce sont ses manifestations, nous dit le prix Nobel d'économie Douglass North, ses causes profondes sont les institutions (comprenant les institutions formelles définies comme lois et réglementations et les institutions informelles que sont les valeurs et normes sociales). Selon la théorie institutionnaliste le système économique ne peut être étudié indépendamment de l'environnement institutionnel, politique et social, dans lequel il est situé. Le milieu institutionnel n'est pas neutre, il est actif, influençant les comportements des acteurs du monde économique, individus ou organisations. Selon Douglass North « Les institutions sont les contraintes que les êtres humains imposent à leurs propres relations » (Le processus de développement économique, p.84). Les institutions formelles et informelles orientent les comportements des agents économiques. Les droits de propriété sont au cœur des institutions économiques formelles. Des institutions de bonne qualité créent un environnement économique inclusif de sorte que les acteurs investissent, créent de nouvelles entreprises, multiplient leurs efforts pour maintenir les entreprises existantes, développent des secteurs innovants, etc. Pour l'économiste indien Amartya Sen (Prix Nobel d'économie), ce qui compte en matière de développement économique et humain c'est la capacité de l'acteur : son aptitude à décider et à agir. Son livre Development as Freedom préconise un mode de développement qui favorise la capacité des acteurs sociaux. Comme règles du jeu économique, les institutions sont à l'origine des performances ou des contre-performances du système productif. En Algérie l'étatisme conjugué à un Etat défaillant a constitué un régime anti-développemental. Son inefficacité tient à son fonctionnement. Dépourvu de structures incitatives il n'a mené qu'au désastre économique. Le système économique d'accès limité qui prédomine en Algérie a pour particularité d'être dominé par un Etat autoritaire et défaillant avec une forte dépendance du régime d'accumulation aux revenus des hydrocarbures. Le secteur privé a été écrasé par l'Etat, la propriété n'est pas sécurisé par un l'Etat de non-droit, l'accès au crédit a pour barrières la corruption et le clientélisme sachant que les banques publiques dominent le système bancaire. Soumis à l'incertitude les acteurs économiques sont découragés, leur propension à produire est faible, ils sont nombreux à être exclus de l'activité économique. La croissance de la production n'est forte et durable que lorsque l'environnement institutionnel soutient la propension à produire, à investir et à améliorer la productivité. La dynamique imprimée aux structures de production a pris essentiellement la forme extensive avec une accumulation étatique du capital dominante. Elle n'a pas été consolidée par une croissance de la productivité des facteurs. L'économie est demeurée prise au piège d'une croissance molle. L'univers étatique, caractérisé par une inefficacité structurelle, a suscité des comportements peu productifs et qui s'observent avant tout à un niveau microéconomique. Une quasi-absence de contrainte financière, le soutien financier assuré par l'Etat aux unités de production déficitaires ont inhibé les entreprises publiques en encourageant une gestion laxiste. L'obstacle au développement économique en Algérie a été l'Etat autoritaire de non-droit. Dans le système étatique algérien l'Etat contrôle les sphères politique et économique. Les groupes politiques au pouvoir depuis l'indépendance ont construit ce système d'accès limité pour s'accaparer des privilèges et rentes. Leur objectif central n'est pas le développement économique du pays car il menace leur domination sur la société et leurs privilèges. Pour un Etat prédateur le sous-développement est un choix conforme aux intérêts de la kleptocratie au pouvoir. Au cours des vingt dernières années l'Etat défaillant a produit toutes sortes de dérives, d'errances, d'injustice, etc. La rapine a été à ciel ouvert, la corruption généralisée, les passe-droits sont devenus quotidiens, etc. Conclusion Il y a aujourd'hui un relatif consensus pour mettre en relation le processus de développement économique avec les transformations institutionnelles et à ne pas réduire le développement à une accumulation des facteurs. Les formes institutionnelles du système étatique diffèrent selon les pays qui ont adopté ce mode de production. Alors qu'en Union soviétique et les autres pays européens communistes l'étatisme a été construit par un Etat totalitaire fort, en Algérie il l'a été par un Etat défaillant. L'étatisme s'est effondré partout où il a été imposé. La croissance de la productivité est au cœur du processus de développement économique. La productivité a été la pierre d'achoppement des économies socialistes, demeurées des économies de la pénurie selon l'expression de Janos Kornaï. Nos dirigeants politiques qui occupent le sommet de l'Etat par la fraude électorale savent que l'étatisme est un fléau, ils le défendent bec et ongles car ils tiennent à préserver la poule aux œufs d'or qu'est le régime prédateur mis en place. Ils ne veulent pas d'un Etat de droit qui menace leurs intérêts et libère les forces productives. L'incitation à produire plus, à innover et à investir caractérise l'économie de marché. Mais pour que le marché fonctionne avec efficacité il faut qu'il soit subordonné à des règles dont l'application est assurée par un Etat de droit. Un Etat fort, développementaliste, qui met au cœur de son action le développement économique, crée les institutions formelles qui protègent la propriété, incitent les agents économiques à produire. Il doit être fondé sur le droit, avec une séparation des pouvoirs et une indépendance de la justice. Par la politique économique il régule le système économique. L'Etat joue donc un rôle décisif en créant les règles du jeu économique qui protège les droits de propriété, les droits des travailleurs et le respect des contrats. La modernisation de l'économie vise à lever les contraintes qui empêchent certaines activités de se développer et de créer des emplois, notamment l'industrie et les services essentiels. En plus de la protection juridique de la propriété, les règlementations doivent encourager dans les faits la création d'entreprises, celle-ci ne doit plus relever du parcours du combattant. La corruption et l'abus de pouvoir, qui caractérisent la bureaucratie algérienne doivent être combattus. On ne parviendra à la prospérité ni à un niveau de vie décent pour les citoyens sans s'être doté d'un secteur industriel important. L'industrialisation ne se limite pas à construire de grandes unités, par exemple en France en 2019, malgré la désindustrialisation intervenue depuis 4 décennies le tissu industriel est formé de 260 000 entreprises dont 90% sont des PME (petites et moyennes entreprises). Et n'oublions que la quatrième révolution industrielle est déjà en marche avec la robotique, l'intelligence artificielle, l'impression 3D, etc. * Docteur en économie, diplômé de l'université de Paris 1-Panthéon- Sorbonne et de Paris 10- Nanterre Références bibliographiques Destanne de Bernis G. : - industries industrialisantes et contenu d'une politique d'intégration régionale, Revue Economie appliquée, n°3, 1966, Paris - Les industries industrialisantes et les options algériennes, revue Tiers Monde, juillet-août 1971, (PUF), Paris Kornaï J. : socialisme et économie de la pénurie, éditions Economica, Paris, 1984 Norh D. : le processus du développement économique, éditions d'organisation, Paris, 2005 Perkins D.H., Radelet S. et Lindauer D. : économie du développement, éditions de Boeck, Bruxelles, 2008 Raffinot M. : économie du développement, éditions Dunod, Paris, 2015 Sen A. development as freedom, publié en français sous le titre : un nouveau modèle économique, éditions du seuil, Paris, 1999 Vercueil J. : les pays émergents, éditions Bréal, Paris, 2012 |
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