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Dans une
économie, le marché du travail revêt une importance fondamentale, car c'est lui
qui permet d'affecter le capital humain aux employeurs.
Pour apprécier l'importance de la flexibilité du marché du travail, il est indispensable de comprendre au préalable comment il fonctionne. D'un côté, un demandeur d'emploi se présente sur le marché du travail pour offrir sa main d'oeuvre. Il se comporte donc comme un vendeur. Évidemment, plus le salaire offert pour un emploi donné est élevé, plus les candidats sont nombreux et inversement. De plus, un individu n'accepte que l'emploi qu'il estime le plus avantageux à ses yeux, c'est-à-dire celui qui offre la rémunération la plus élevée en regard des attraits et difficultés du poste. À l'inverse, un employeur se présente sur le marché du travail pour se procurer de la main-d'oeuvre, et se comporte donc comme un acheteur. Ainsi, l'employeur n'accepte d'embaucher un demandeur d'emploi que s'il rapporte (tous apports confondus) plus qu'il ne coûte (tous coûts confondus). Selon la même logique, un employeur ne consent sociaux supplémentaires qu'à condition que la productivité des travailleurs soit suffisante pour justifier les coûts additionnels. La flexibilité du marché du travail désigne la facilité avec laquelle les demandeurs d'emploi et les employeurs peuvent négocier des contrats de travail mutuellement avantageux de telle façon que la rémunération versée, les embauchés fluctuent avec le moins d'entraves possible. Dans les situations où les travailleurs qualifiés se font rares, il est avantageux pour les employeurs d'offrir des salaires élevés et des conditions de travail bonifiées pour les attirer. En revanche, dans les domaines où les offres d'emplois sont limitées, les demandeurs d'emploi ont intérêt à réviser à la baisse leurs aspirations salariales et leurs exigences. Lorsque ces échanges se font avec une relative facilité, un nombre optimal d'employeurs - demandeurs de main d'œuvre - trouvent satisfaction, avec pour résultat la création d'un nombre d'emplois maximal. Pour que le marché du travail soit qualifié de flexible, il doit donc fonctionner librement et pouvoir s'adapter aux chocs conjoncturels et à un environnement économique en perpétuelle évolution. Cette flexibilité est importante, car elle permet les ajustements nécessaires pour résorber aussi bien les surplus que les pénuries de main d'œuvre lorsque des industries sont en déclin alors que d'autres sont en expansion. Par exemple, les chantiers lancés dans le cadre de la réalisation des infrastructures de base- autoroute est /ouest, avaient créé une pénurie d'ingénieurs en travaux publics. Mais cette pénurie s'est résorbée lorsque de nombreux spécialistes, attirés par les hauts salaires, ont choisi cette profession mais aussi par l'arrivée de cadres étrangers selon le nombre de poste fixé par les textes en vigueur règlementant la main d'œuvre étrangère. Le chômage est donc partiellement attribuable à des ententes qui ne peuvent avoir lieu malgré la volonté des deux parties, car des contraintes augmentent artificiellement les coûts et les risques liés à l'embauche. Des lois peuvent forcer l'employeur à verser des salaires plus généreux ou à retenir sa main-d'oeuvre, mais rien ne peut contraindre une entreprise à embaucher des travailleurs qui occasionnent des pertes. La réglementation des relations de travail Une autre façon de chercher à protéger les travailleurs est de réglementer les relations de travail, soit en rendant plus difficile le licenciement d'un travailleur, soit en favorisant la syndicalisation. La souplesse des lois du travail joue un rôle crucial dans la performance du marché du travail. Des chercheurs ont montré que le chômage augmente quand les lois régissant les relations de travail sont trop rigides. Quoi que l'on dise sur la loi 90/11 du 21/04/1990 relative aux relations de travail, élaborée au moment où notre pays connaissait une transition parmi les plus importantes de son existence économique, cette loi, en attendant un nouveau code de travail, a pu protéger les travailleurs mais a aussi pu conserver les intérêts majeurs des entreprises et des employeurs. La croissance économique, la conjoncture, les fluctuations de court terme, impliquent souvent des ajustements de long ou de court terme. La question se pose alors naturellement quelles réformes du marché du travail, susceptibles de faciliter les adaptations, sont compatibles avec le fragile édifice humain que toute entreprise ou service public doit construire et maintenir en ordre pour fonctionner convenablement ? La réflexion sur les réformes du marché du travail nous conduit ainsi très loin des considérations qui s'appliquent aux marchés de biens et de services. Le marché du travail «enregistre» l'influence de facteurs qui lui sont extérieurs On a longtemps eu tendance, dans notre pays, à mettre le chômage essentiellement sur le compte d'un déficit d'intervention sur le marché du travail. D'une certaine manière, c'est ce que traduisait la mise en cause répétée, et parfois gesticulatoire, de l'agence nationale de l'emploi, dans les périodes de recrudescence du chômage. De nos jours, la qualité du débat public et la maturité du jugement de nos concitoyens ont suffisamment progressé pour que des présentations aussi réductrices apparaissent peu crédibles. La société est devenu plus consciente que la situation de l'emploi et le niveau du chômage découlent aussi et d'abord d'un certain nombre de facteurs structurels et conjoncturels extérieurs au système d'intervention sur le marché du travail, et dont celui-ci doit même en quelque sorte gérer les conséquences, voire compenser les méfaits. Pour s'en tenir à quelques rappels, on mentionnera d'abord, parmi les facteurs structurels, les évolutions démographiques qui obéissent à des cycles longs et qui influencent les flux d'entrées sur le marché du travail, avec d'autres facteurs comme l'évolution du taux d'activité des femmes ou, en sens inverse, la prolongation de la durée moyenne des études des jeunes. On citera également l'impact permanent des changements technologiques et organisationnels qui se traduisent par des restructurations plus ou moins visibles dans les entreprises et qui engendrent un flux permanent de problèmes de reclassement, dont certains sont gérés au sein même des entreprises ou des groupes concernés, mais dont beaucoup, faute d'anticipation suffisante, ou parfois de possibilités objectives de reclassement interne, aboutissent à laisser des salariés en grande difficulté sur le marché du travail. On ne saurait évidemment oublier l'influence décisive qu'exerce en amont le fonctionnement du système éducatif suivant qu'il parvient ou non à doter les jeunes d'un bagage de connaissances générales, de repères civiques et de références économiques ou technologiques qui leur donneront des chances de pouvoir s'insérer dans la vie professionnelle et de remplir chemin faisant les exigences d'adaptation de plus en plus rudes qu'elle comporte. A cet égard, le maintien dans notre pays d'une frange d'illettrisme non négligeable et d'une proportion élevée de jeunes terminant leurs études avec un faible niveau de qualification constitue des hypothèques lourdes et persistantes, qui confrontent les services de l'emploi a des difficultés d'autant plus fortes que la sélectivité du marché du travail a beaucoup augmenté sur la longue période. Le fonctionnement du marché du travail ne peut pas être évalué sans prendre en compte aussi les facteurs structurels qui touchent le fonctionnement interne des entreprises ou la représentation qu'en ont les salariés. On fait ici référence à la question de la plus ou moins grande attractivité des professions et, à l'intérieur des professions de certaines entreprises plutôt que d'autres, en termes de conditions de travail et de rémunérations, d'accès à la formation non seulement pour l'adaptation au poste mais aussi pour le développement des compétences, d'ouverture à l'insertion des jeunes, et bientôt certainement en termes de capacité à proposer des perspectives stimulantes à des salariés en deuxième partie de carrière. Le marché du travail enregistre également, bien entendu, l'influence de facteurs structurels qui touchent à l'organisation d'une société et aux arbitrages ou aux compromis sur lesquels elle repose. C'est ainsi notamment que le cadre juridique des relations du travail, et notamment le régime de l'embauche, procède de l'histoire sociale de chaque pays et produit des effets sur le fonctionnement du marché du travail. Il ne faut pas pour autant minimiser l'enjeu spécifique du marché du travail. Si le marché du travail ne crée pas l'essentiel de l'emploi, il ne faut pas s'imaginer pour autant que son bon fonctionnement serait un enjeu mineur pour l'emploi, comme on a eu parfois tendance à le supposer. D'abord bien entendu, la politique publique d'intervention sur le marché du travail poursuit de longue date l'ambition de contrecarrer les effets de la sélectivité spontanée du marché du travail. Il s'agit, pour reprendre une expression consacrée dans la littérature de l'économie du travail, de modifier la file d'attente sur le marché en favorisant, par toute une gamme de mesures d'évaluation, de formation, d'appui à la recherche d'emploi et de subvention aux entreprises, le recrutement de personnes qui, sans cette intervention, auraient eu peu de chances de s'insérer ou de se reclasser professionnellement compte tenu de leur situation personnelle et de l'état de leurs qualifications, ou bien qui auraient risqué de rester longuement au chômage jusqu'à ce que de fortes tensions découlant de nouveaux besoins de main-d'oeuvre leur redonnent peut-être une chance. Beaucoup a été écrit sur l'efficacité, jugée parfois décroissante, de cette politique publique à vocation en quelque sorte re-distributrice de l'accès à l'emploi. Si elle constitue à nos yeux toujours une justification valable, l'intervention sur le marché du travail peut aussi se donner pour objectif de réduire la durée du chômage. La politique de soutien à l'emploi à travers les différents dispositifs notamment de création d'activité est un bel exemple. Le suivi des micro entreprises et leur accompagnement doivent les mener directement vers des petites et moyennes entreprises qui génèrent l'emploi. De ce point de vue, un même niveau de chômage, qu'il soit de 10 ou de 13 %, n'a pas du tout la même signification économique et humaine. A cet égard, les services publics de l'emploi, par leur action permanente en faveur du rapprochement de l'offre et de la demande, à la fois sur une base de qualification et sur une base géographique, jouent un rôle déterminant pour faciliter la rencontre la plus précoce possible d'un besoin d'emploi d'un demandeur d'emploi avec une offre d'emploi d'une entreprise. Conclusion En règle générale, il faut s'attendre à ce que les entreprises réagissent aux contraintes qui leur sont imposées. Par exemple, sous la pression d'un salaire minimum élevé et de lois du travail rigides, elles peuvent choisir d'embaucher moins de personnel, de remplacer les travailleurs par des machines, de réduire les primes de performance et autres incitations, ou de délocaliser leurs activités ailleurs dans le monde. Dans tous les cas, le chômage augmente et le marché du travail est moins dynamique. Les grands perdants sont alors les jeunes, les femmes, les chômeurs sans expérience et tous ceux dont la productivité est trop faible pour justifier leurs salaires. Certains tirent avantage de ces contraintes, notamment, les travailleurs qui conservent leurs emplois et qui bénéficient d'une protection accrue. Plusieurs employeurs n'ont en effet d'autre choix que de payer des salaires plus élevés et d'accorder des avantages supplémentaires, même si ces derniers ne sont pas justifiés par une hausse de la productivité. Toutefois, les entreprises qui voient leurs coûts de production augmenter seront incitées à hausser leurs prix en conséquence. Les perdants sont alors les consommateurs qui doivent payer plus cher pour leurs biens et services. La façon la plus efficace d'aider les travailleurs est de maintenir les lois du travail flexibles pour assurer le dynamisme du marché du travail. Dans un contexte de forte création d'emploi, un demandeur d'emploi trouve facilement un poste et exerce un pouvoir de négociation plus élevé lorsque vient le temps de déterminer son salaire et ses conditions de travail, puisqu'il a facilement le choix d'aller ailleurs. En cas de licenciement, il retrouve rapidement du travail. Ce ne sont pas des réglementations sévères qui lui assureront un emploi et un revenu plus élevé, mais bien la rareté de la main d'oeuvre par rapport à la demande. Il va de soi que par rapport à la problématique désormais classique de régulation, le marché du travail représente à la fois un enjeu très particulier et très crucial. Il ne s'agit pas à l'évidence d'un marché comme les autres, à la fois parce que son caractère transversal le met en relation avec tous les secteurs de l'activité économique et donc avec tous les marchés de biens, mais aussi parce qu'il concerne la ressource humaine, parce qu'il met en jeu des prestations fondées sur la relation entre des institutions privées et publiques avec des personnes connaissant une situation difficile et pouvant être vulnérables, et en définitive parce que son fonctionnement est par excellence la résultante d'arbitrages fondés de façon plus ou moins explicite sur les préférences collectives d'une société. |
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