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Une fête en flashs. Le citoyen a ruminé des jours avant l'Aïd, car il lui
fallait penser à ce qu'il devait dépenser, à la hantise de boulangeries
cadenassées, de pompes à essence dépassées et à la ruée vers les marchés à
bestiaux, à légumes, à bidules. Ainsi va le souk.
Il fallait donc l'acheter ce mouton, fût-ce au prix d'une saignée, et affûter ou renouvelerune artillerie de couteaux, haches, scies de cuisine. Puis vérifier ou acheter des grilles, despics à brochette soit des« sfafed », pluriel de « seffoud »,un pilon peut-être,du charbon,esses et cordes pour la potence,et autre bric-à-brac, pour plus d'aisance. Une fois acheté, il fallait l'égorger, dans une courette ou un garage, pour ceux qui en disposent. Sinon à l'intérieur de l'immeuble, au rez-de-chaussée, ou sur un palier, à l'étage ou la terrasse parfois si hauts, et si l'égorgeur veut bien monter. Et puis la rumeur cite ce pauvre mouton se jetant d'un quinzième étage (suicide ? vertige ? va savoir !). Sinon le balcon peut faire l'affaire. Sinon dehors, il y a le trottoir, le parking,un espace vert ou la chaussée. C'est comme l'on veut. Ou comme l'on peut. Il fallait aussi le dépecer puis balancer cornes, toisonpour certains et déchets,près de poubelles à foison, dedécharges surchargées, sans compter le foin disséminé çà et là.Puis égouts et canalisations bouchés. Les plombiers ne risquent pas de chômer. Puis bonjourles odeurs.Car ça chlingue avant, pendant et après que la bête soit zigouillée. L'égorger donc, sans trop se soucier des règles de sécurité, ou renâcler sur l'insalubrité. Et du sang, rouge vif puis noir coagulé un peu partout. Sur les murs, tels des tags. Et parfois des toisons accrochées aux fenêtresou aux arbres, quand on ne les bazarde pas. Un immense abattoir- dépotoir. A propos d'hygiène, voilà une anecdote, véridique et récente. Un sacrificateurrefusa fermement de « gonfler » le mouton au moyen d'une pompe, car l'Imam du quartier, appelons le Mehdi, avait préconisél'usage de la bouche, en affirmant solennellement que cette manière d'opérer donnait du goût à la viande.Ah bon ? Et si notre « égorgeur-souffleur » est souffreteux, ou pire, tuberculeux, n'en déplaise à Dieu ? Que dire d'une telle « fetwa » pour naïfs ? Une insulte à la Raison .Allah yehdina ya Cheikh Mehdi. Allo les Affaires Religieuses ? Sinon, pourquoi n'a-t-on pas prévu des espaces ouverts et couverts, aménagés, pour une prise en chargeadéquate,conforme à nos traditions ? Allo, les promoteurs immobiliers? Sachant que les communes ne peuvent faire face à des opérationsdu genre,pourquoi n'envisage- t-on-pas le renforcement d'abattoirs fixes et la création d'autres itinérants, le tout confié à des organismes publics et privés, pour l'abattage, le dépeçageet la gestion des déchets qui en résultent ?Et le choix du sacrificateur en option, à l'appréciation du client qui le cherche parfois désespérément. Dans d'autres pays musulmans, le sacrifice est strictement interdit à domicile, y compris dans des résidences individuelles spacieuses et fonctionnelles. Pour ce qui nous concerne, une telle mesure évitera de doter nos foyers d'un arsenaldangereux,tout en créant des emplois par des projets innovants, rentables, pas rentiers. Allo l'ANSEJ ?L'on ne risquera pas aussi, de voir nos urgences médicales inondées, pour des doigts tailladés. Nous contribuerons à une substantielle économie de l'eau, cette ressource stratégique de ce millénaire qu'il faudrait impérativement préserver avec l'environnement. Allo l'Aménagement du Territoire et l'Environnement ? Une fois cuit, après l'avoir égorgé, dépecé et épicé,on commence à le manger, en oubliant souvent de partager.Car selon maints spécialistes de l'Islam, ce sont le partage, le pardon, la réconciliation et la solidaritéqui sont fondement de l'Aïd et « Pourtant, la plupart des descendants d'Abraham semblent avoir oublié le goût du combat spirituel le plus noble, celui contre soi-même ». Pourquoi donc repaissons nous bonnes gens, détachés, oubliant guéguerres, guerres et misères ? Et puis nos vœux distribués parSMS. Pratique les vœux numériques, virtuels, expéditifs. Les tronches ne se rencontrent pas, même si à l'impossible nul n'est tenu. Sinon, les embrassades ou accolades,affectueuses ou affectées, avec notamment les voisins et leurs voisins.Moments heureux, de cessez-le-feu, une fois l'an ou deux. Moments de pardon. Pardonmomentané. En somme,n'assistons-nous pas à une pratique dévoyée, où la lettre du rituel l'emporte sur son esprit ? Une fois mangé, il faut encore se débarrasser des restes osseux et des surplus graisseux, ce régal pour chats, chiens errants, rats et autres bestioles. Sinon les murs maculés, ensanglantés,calcinés par les fumées de charbon. Les peintres aussi ne risquent pas de chômer,même si ça va être plutôt une autre fête à la maitresse de maison. Une corvée où elle va sefarcir murs,carrelages et le reste. A présent, la tirelire est vidée, de ses liquidités toutes « broutées » par l'achat du mouton. Et puis, avec le Ramadhan, suivi de l'Aïd El Fitr, suivi des vacances d'été, suivies de la rentrée scolaire, et de toutes les galères, il y a de quoi bêler. Car une fois le mouton ingéré et la fête clôturée, larentrée sociale devrait redémarrer, mais nous restons toujours dépourvus d'une culture de la consommation,susceptible de rationaliser nos dépenses, la loi de l'offre et de la demande étant universellement têtue. Une loi inflexible, même s'il y a à dire sur une production ou sur l'organisation du marché. Bref, le grand sacrifié, celui qui est saigné, fête ou pas fête, on sait qui c'est. Sauf lemouton. |
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