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Bouguerra, le buteur providentiel

par Slemnia Bendaoud

Confidence pour confidence : Madjid Bouguerra tient beaucoup de la providence pour avoir été l'auteur tout heureux de ce but-surprise qui envoya l'Algérie au pays de la Samba. Il aura fait preuve de cette grande constance et inépuisable permanence qui ne fait jamais douter l'athlète en ses réelles possibilités de renverser à son profit la vapeur et donc le résultat à n'importe quel moment de la partie.

Il fut ce butteur providentiel comme tombé du ciel juste pour qualifier l'Algérie au Mondial Brésilien de 2014. Son but est-il cet arbre qui cache la forêt ? Est-il encore l'expression du symbole de l'effort titanesque que produit ce bulldozer sur les terrains de foot ?

Entre ceci et cela, le monde sportif reste encore figé et partagé sur la question évoquée. Un bilan s'impose donc de lui-même. Du diagnostic établi viendront justement les solutions appropriées. Le MC Oran avait son véloce Miloud Hadefi, l'USM Alger son longiligne et charmant Djamel Keddou, le MSP Batna son très acrobatique Melakhsou, l'AS Khroub son athlétique Belloucif, la JSM Tiaret son mastodonte nommé Tahar Benferhat, le CR Belcourt son sobre Mohamed Madani, le WA Boufarik son élégant Selmi, l'USM Blida de son rugueux Zane, le MC Alger son imposant Abdelouahab Zenir, l'USM Harrach son futé Lahcène, le NA Hussein Dey son très utile Mahmoud Guendouz, l'AS O Chlef son coriace Fodil Mégharia, l'USM Bel Abbes son courageux Abbes Kadi, le WA Tlemcen son tacticien qui avait pour nom celui de Fouad Bouali?

L'Algérie, à présent, dispose, par contre, de son intraitable, inépuisable et très formidable Bouguerra. Bouguerra, le magique ! C'est tout dire, en fait. Ce défenseur central ne se contente désormais plus de faire barrage à sa propre cage, il s'improvise tantôt passeur, tantôt butteur, tantôt grand sauveur de son équipe qui doutait encore de ses propres forces et autres possibilités de prendre une sérieuse avance sur son adversaire du jour, et d'envisager une bien réelle option pour la qualification au prochain Mondial de 2014.

En véritable capitaine-courage, il a toujours été cet indétrônable et infatigable cœur de lion, à la patte magique ou à la tête magnifique, donnant durant les très difficiles moments cette supériorité numérique à son attaque, en marquant des buts décisifs et très déterminants, pesant leur pesant d'or et envoyant son équipe sur le haut du podium. Cette grande tour de contrôle contrôlait tout à l'horizon dans son propre périmètre et souvent bien au-delà, raison pour laquelle il lui arrivait de se porter résolument en attaque afin de prêter main forte à ses co-équipiers de la ligne offensive, lorsqu'il se sentait en son for intérieur cette partie intégrante de la solution qui tardait à se manifester ou réellement s'exprimer sur le tableau d'affichage.

Tantôt il nous rappelait Madani (CRB) dans ses montées en attaque décisives et très fructueuses de fin matche, tantôt il imitait à la perfection Tahar Benferhat (JSMT) dans ses déboulés décochés de très loin qui donnaient de vrais frissons à la défense adverse, tantôt il trouvait ce moyen astucieux de faire ces longues et lumineuses passes à ses attaquants bien placés à la manière d'un grand Hadefi (MCO) dans ses remarquables œuvres, tantôt il se substituait à ses attaquants de métier pour marquer ces buts imparables, souvent de la tète et sur balle arrêtée ou sur un long service de la surface de sa propre défense, à l'image de ces superbes buts autrefois brillamment réalisés par les Zenir (MCA), Abbes Kadi (USMBA) et autres encore?

Au regard de ce qu'il aura su réaliser avec brio durant sa longue carrière sportive sur tous les terrains de football du monde, on est parfois tenté de dire qu'il fut, à la fois, tous ces maitres incontestés de leur défense d'autrefois et bien d'autres encore, tant ses qualités et valeurs intrinsèques laissent toutes à penser qu'il pouvait être simultanément ou invariablement l'un et l'autre, celui-ci et celui-là, ce défenseur-là et cet autre là-bas !

En plus qu'il était toujours -et il le reste encore- très bon sur l'homme, il savait aussi longtemps le priver de ballon, anticiper sur de sérieues actions de buts, animer le jeu, se porter aussitôt en attaque lorsque les conditions l'exigent, orienter, calmer, redresser les actions et autres mouvements d'ensemble du groupe, conclure avec grande rage, courage et abnégation, ces occasions de but qui se présentent à lui dans les moments déterminants de la rencontre.

Ce grand gabarit est également un défenseur aux indéniables qualités d'un très grand défenseur des temps modernes. Rugueux sur l'homme, fougueux et très généreux dans l'effort, il est aussi ce nouveau passeur attitré qui sait porter le danger dans le camp adverse dès lors que l'occasion de se transformer en un véritable attaquant lui impose de faire cette nécessaire mue et ce choix évident. Ce capitaine-courage qui sait bien garder sa défense, trouve parfois cette occasion propice de se porter vers l'avant tel un attaquant bien racé, arrivant même à marquer ces buts superbes, limpides et intrépides, tous œuvres ou dignes d'un centre-avant de grand métier.

Cet habile cascadeur peut donc à tout moment se transcender pour se transformer immédiatement en ce très grand baroudeur, capable de niveler la marque ou de donner la suprématie au tableau d'affichage à tous ses co-équipiers.

Il l'aura, une fois de plus, prouvé durant cette rencontre décisive, opposant l'Algérie au Burkina Faso, lors de la phase retour des matches-barrages, but qui scellera définitivement le sort du foot algérien, le propulsant au firmament des grandes nations de ce sport-roi.

Madjid Bougerra en est donc fort conscient, lui qui espérait tout juste éviter à son équipe d'en prendre, afin de ne pas trop compliquer sa mission, rendue déjà très difficile après ce but imaginaire encaissé sur ce pénalty immérité, transformé dans les toutes dernières minutes du matche-aller. Au four et au moulin, il sut admirablement donner une âme à son équipe qui craignait beaucoup cette rencontre, sachant bien fouetter ses co-équipiers pour les motiver à le plus souvent résolument se porter vers les buts adverses et sérieusement inquiéter leur arrière-garde.

Mais devant l'absence de toute incitative par ses attaquants de métier, c'est donc lui qui donnera tout à l'heure l'exemple, juste au retour des deux équipes des vestiaires de la pause-citron.

Ne pouvant convenablement maitriser une balle filante et glissante qui jouera le tour aux défenseurs de l'équipe adverse, il osa ce shoot, en partie manqué, que ne put l'un d'eux que malheureusement renvoyer dans ses propres filets avant que la tète magique de Madjid Bouguerra ne vienne, elle aussi, s'y mettre encore de la partie. Bien maladroit avec le pied, il aura été plutôt très habile, et à juste titre récompensé, par cette tête hasardeusement placée ou par inadvertance introduite dans la trajectoire de ce ballon qui ira mourir dans les filets adverses par la faute à un malencontreux tir du malheureux défenseur burkinabé.

Le pied ou la tète, peu importe ! De cette façon ou de cette autre manière, c'est juste du pareil au même ! L'important étant ce but acquis aux forceps qui qualifie finalement l'Algérie au mondial brésilien de 2014.

Le but étant désormais atteint, Madjid peut donc savourer ce précieux succès qui propulse l'Algérie au mondial l'été prochain, bien chanceux qu'il fut celui qui aura ouvert cette nouvelle page de gloire au football algérien.

En vieux guerrier il n'arrêtait pas de faire la guerre aux attaquants adverses, ne rechignant jamais d'aller droit au charbon, de lutter sur tous les fronts et de tous ses efforts, prenant une part active à tous les combats. Et dès qu'il est vraiment convaincu que son vis-à-vis est déjà battu ou ne recèle plus de force physique pour avoir justement longtemps combattu, il monte en conquérant guerrier en attaque, prêtant ainsi main forte à ses co-équipiers, les suppléant au besoin.

Avec l'arrivée de l'actuel coach de l'équipe nationale, ce fut toute une pléiade de talents confirmés, notamment au sein du compartiment défensif, qui prirent leur retraite anticipée, laissant subitement ce vide sidérant que Madjid Bouguerra eut ce grand courage à combler, brassard du capitaine au bras. La tempête annoncée qui faisait chavirer le pavillon algérien en haute mer ne lui faisait nullement peur. Il n'aura pas un instant frémi, ne prêtant le flanc ni à la panique, ni même rendu désemparé par un tel scénario imprévu.

Pour certains, ce fut le temps de quitter la table, après la véritable correction de Casablanca ; tandis que pour d'autres, les jeux étaient déjà faits, la Messe dite et les conclusions à tirer n'étaient plus en leur faveur. Mais pour Madjid Bouguerra le combat au sein des stades continuait encore, se poursuivait toujours, s'engageait jour après jour, ne pouvant donc abandonner ce navire chavirant en cette période jugée comme très difficile pour tout un peuple et une si grande nation. Il cherchait surtout à atteindre sain et sauf en compagnie de son groupe cette terre ferme et ce terre-plein très rapidement, afin de lever les bras vers le ciel en signe de triomphe, mais aussi comme symbole de cette mission finalement accomplie avec abnégation et beaucoup de fierté.

A son tour, c'est lui qui déclare aujourd'hui quitter à jamais la scène footballistique internationale, juste après le Mondial Brésilien de l'été 2014. Il cherchait cette grande consécration, et il l'a eue, non sans en fournir de grands efforts pour, voulant sans doute jouir de ce repos du vrai guerrier, à un moment où il sent vraiment que ses muscles mettant encore du temps pour répondre à ce reflexe inné d'un athlète confirmé, au sommet de son art et de sa gloire.

Il veut imiter Pelé, Zidane et consorts, suscitant ou exprimant ce désir tout à fait légitime de quitter la scène footballistique par la grande porte, laissant la place aux jeunes talents des générations montantes. Dès l'été prochain, il va falloir encore chercher après son remplaçant. Le Magique semble avoir tiré la leçon qui s'impose de soi. La tête haute, le devoir largement accompli, l'air bien tranquille, il veut jouir de cette retraite internationale, en sa qualité de grand héros.

Ce vrai canonnier, grand bombardier, véritable artificier, en plus de son métier d'origine de tour défensive, a maintenant envie de ranger ses chaussures à crampons qui lui auront servi de cette arme redoutable qui fait frémir les grands gardiens de buts de la planète.

Grand de taille, généreux dans l'effort, très costaud en défense, entreprenant devant les buts adverses, jouant toujours avec cette rage de vaincre qui lui colle à la peau, cultivant la culture de la gagne, Madjid Bouguerra aurait pu jouer dans n'importe quel club européen, du temps où il évoluait au Rangers, n'en déplaise à Luis Fernandez (ex PSG), lui qui ne le voyait pas réussir au F C Barcelone. A Rio, il sera encore ce grand héros. Il aura toutes les faveurs de rééditer son tout dernier exploit. On ne peut donc que lui souhaiter bonne chance !