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![]() ![]() ![]() ![]() Je tiens " Cousine K. " pour être un bijou littéraire, le roman
le plus court, le plus ramassé, le plus analytique sur notre passé et le plus
prophétique sur l'Algérie. Il est des textes comme ça. Ils disent en moins
d'une centaine de pages ce que d'autres sont incapables de transmettre en
plusieurs centaines de pages. En plusieurs tomans. Quand on écrit un tel texte,
il est des écrivains qui s'arrêtent d'en publier d'autres.
Ce fut le cas de J. D Salinger, l'auteur de " l'attrape-cœurs ". Après son succès mondial, il a cessé de publier. Certes, des manuscrits ont été retrouvés chez lui, après son décès. Mais il n'en a publié aucun. Peut-on faire suivre un chef d'œuvre d'ouvrages de puissance inférieure? Salinger allait à la pêche pour meubler ses journées. Puis, il écrivait pour lui même. Y aurait-il une vie après l'écriture ? Vaclav Havel et Llosa, dramaturge et écrivain de talents, eux, ont franchi le pas vers la politique. Le premier a exercé la présidence de la république Tchécoslovaque pour accepter et entériner sa division. Quel lègue ! Le second a échoué, en 1990, dans sa tentative de s'assurer la présidence péruvienne. Après son échec, Il s'exila en Espagne pour demander, trois ans après, la nationalité espagnole. Quelle tristesse. J.D Salinger refusait de se plier à la promotion de son roman. Vaclav Havel et Llosa en usaient avec modération. L'auteur de " Cousine K ", candidat à la présidence de la république, en revanche, s'y étale. En a-t-il vraiment besoin ? Non. Il le disait au cours d'une récente interview : " je suis connu dans le monde entier ". Vrai. Alors ? Un ego surdimentionné ? Devant les caméras de la télévision française il dénonçait, bille en tête, il y à quelques mois, l'ostracisme dont il se croit être victime pour l'obtention d'une reconnaissance littéraire sanctionnée par le plus prestigieux des prix. Le Goncourt. On ne peut pas le lui reprocher tant qu'il parle de littérature. Il peut même être convainquant. Sur d'autres terrains, en revanche, il l'est moins. Le 13 novembre dernier, dans l'émission 64 minutes d'une chaine de télévision française, il se déclarait prêt à se présenter et assumer les charges de la magistrature suprême algérienne. Ce n'est pas une décision prise out of the blue. Cinq ans plus tôt, l'envie le brûlait de se porter candidat. Déjà. Celle qui le dissuada, c'est lui qui l'affirmait au cours de cette interview, c'est son éditrice qui, mise dans la confidence, estima son projet prématuré. Son éditrice ? J'ai passé la bande trois fois pour bien être certain de ce que j'avais entendu. Hé bien oui ! Entre ses 47 " moi " et " je ", combinés, en 12 minutes d'entretien, il disait que c'est son éditrice, en effet, avec d'autres personnes - mais lesquelles ? - qui lui a fait valoir qu'il n'était pas encore mûr pour briguer un tel poste au terme du 3eme mandat de l'actuel président-candidat. Il y a de cela 5 ans. En somme, qu'il n'avait pas encore atteint l'âge vénérable pour un tel exercice, ce qui dit bien dans quelle estime elle le tenait. J'en déduis, dès lors, que sa dernière intervention publique annonçant sa candidature a dû recevoir l'imprimatur de la même personne et du même groupe de personnes. Je me trompe ? J'en arrivais à conclure, un peu hâtivement sans doute que, si ces conseils ont prévalu pour mettre au rencard, temporairement, ses prétentions, sa récente décision laisserait penser qu'il a obtenu le blanc-seing de la même personne. Et du même groupe consulté précédemment. Mais je peux me tromper. Je m'interroge encore aujourd'hui et me demande à quelle école, cette dame, et ce groupe auquel il faisait référence, appartiennent-ils pour prétendre connaître si bien les arcanes de la politique algérienne - la culture de ce pays, les hommes de pouvoir, les mécanismes de fonctionnement ou de blocage de l'appareil d'état, et surtout, le timing - pour encourager ou décourager des entreprises politiques. J'en déduis qu'elle, et ils, doivent en savoir plus long que moi sur mon pays pour sponsoriser un alien du monde politique. Et qu'il est grand temps pour moi de rentrer pour me rafraichir, comme dirait mon ordinateur. Vivrions nous donc au Danemark où " quelque chose est pourrie " ? Je me mis à l'étude des cas précédents. Que fut le destin de Mario Vargas Llosa, candidat à la présidence de la République Péruvienne, en 1990 ? Il raconta, dans un texte dense, sa mésaventure électorale pour nourrir les mêmes ambitions. Il confessait que, derrière son nom, et par delà, il y avait bien des players derrière le rideau. Il ne s'en cachait pas. Avec une précision d'orfèvre, il décortiquait les raisons de son échec. Mais il a été lancé dans la compétition puis lâché. Un homme politique du nord de l'hémisphère disait " nous avons des intérêts pas d'amis ". On sait où le conduisit le dépit. Mais il obtint le Prix Nobel de Littérature. En 2010. Ouf ! Les mauvaises langues diraient que ce fut un accessit. Il n'était pas sur la liste des favoris. L'académie suédoise, qui ne choisit pas ses lauréats au hasard, le consacra contre deux autres candidats de grande valeur. Comme le disait un écrivain de talent, obtenir le Nobel de littérature c'est une fin de parcours. Vaclav Havel, le dramaturge, lui, qui s'était dit poussé en 1989, à la magistrature suprême, présida à la scission entre la Slovaquie et la République Tchèque. Il y a mis du zèle à la découper en treize ans à la tête de l'état. Il obtint, pour cela, le prix Sakharov. Qu'en conclure ? Qu'on lui donne donc le prix Nobel et qu'il nous laisse en paix, pour l'économie d'une gestion qui ne répond, dans l'état actuel du pays, ni au talent littéraire encore moins à la gestion militaire des affaires civiles pour le sortir du marasme. Nous savons ce que les premiers ont réussi à faire de notre pays. Nous vivons ce que les seconds ont obtenu. D'un pays à genoux, ils en ont fait un pays à plat ventre. On lui pardonnera. Il ignore, peut-être, que, pour faire de la politique de café de commerce, nous sommes 35 millions qui en avons la capacité. En revanche, demandez-lui ou à un de ces leaders politiques nationaux de se faire applaudir, debout, au milieu des youyou des déléguées femmes, quand il annoncera, en frappant sur la table, à propos des nationalisations des hydrocarbures que, par Dieu nous tiendrons face au chantage " devrions nous manger des pierres " c'est autre chose. Vous en connaissez, vous, qui en seraient capables aujourd'hui ? Toute la différence est là, en effet, entre un homme politique et un homme d'état. Entre la gestion politique des affaires courante et la vision. Depuis des décennies, nous sommes à la recherche d'un homme d'état pour conduire les affaires du pays. Des politiciens, auto proclamés, nous en avons fait le plein. D'autant qu'il ne leur faut nécessairement pas jouir d'une base électorale pour justifier leur ambition. Parce que cette base, ils ne sont pas capables de lui proposer un projet, un modèle de société. Une fois encore, c'est ce qui fait toute la différence entre les hommes d'état et les hommes politiques de quartier. Un homme d'état et d'histoire, parlant d'un autre président disait " il aurait peut-être fait un bon maire pour Marseille ". Il a fallu un coup d'état pour le déloger de son siège. Pour être remplacé par un autre " candidat " à la mairie de la même ville, si l'on peut dire. Et jusqu'à présent, dans ce pays, on se dispute toujours la direction de cette " ville ", pour parler vulgairement. Il y a quelques années, dans le salon de coiffure proche de l'hôtel ex Martinez d'Oran, je discutais, avec un opposant, de sa vision de l'Algérie qui se résumait à s'ouvrir au commerce mondial. Il éructa littéralement quand, après m'avoir développé ses thèses libérales, je lui opposais la vision d'un chef d'état, un vrai, celle d'un joueur d'échec, dont les " ouvertures " pourraient être les mêmes mais qui, à partir du 24ème coup, développe ses pions, ses fous, ses cavaliers, qui, étonne, projette, en vue du mat final. Tout le contraire de ceux qui poussent le bois sur 68 cases. En échec, comme en politique, pour prévoir les coups à venir, il faut du géni. Et une vision. Une ambition. Qui s'est jamais demandé comment les chinois, que nous côtoyons tous les jours, peuvent nourrir plus d'un milliard deux cents millions d'habitants, disposer du feu nucléaire, de fusée balistique, de satellites artificiels, de porte avions, d'une technologie de pointe, occuper la position de premier exportateur mondial de produits manufacturés, devenir la seconde puissance économique et politique mondiale, étranglant des Etats-Unis après leur avoir acheté par milliards leurs bons du trésor, tout cela depuis 1948 ? Quelle différence entre le moment de la libération réelle de la Chine et l'indépendance de l'Algérie ? Quatorze ans. Qui s'est demandé où seront les Algériens dans quatorze ans ? Sur la lune ? J'en doute. Y-a-t-il un pilote dans l'avion ? Certainement. Mais il navigue à vu. Pas de repaires, pas de tour de contrôle pour le guider, incapable d'utiliser des instruments électroniques à bord. Parce qu'il n'en existe pas. Croyez vous que nous irons loin sans des indicateurs fournis par le tableau de bord ? Que fait un pilote avant le décollage ? Ou même, de nos jours, un simple conducteur de voiture. Il défini, grâce au GPS, sa destination. Et là, le choix des routes lui est proposé. Gérer un état n'est pas une affaire simple. Aux ambitieux, il faudra leur rappeler que l'on ne se réveille pas un matin pour affirmer, en tartinant de beurre son morceau de pain, " je me présente à la présidence de la république ". C'est un travail politique long. Un projet. Une base militante pour le soutenir. Des moudjahidines peuvent en parler, ceux qui furent à l'origine du 1er Novembre. Il y eut des révoltes, des prises de conscience, des partis politiques. Il y eut l'OS. Il y eut des hommes déterminés. Il y eu un programme. Une vision. Et rien ne put les arrêter. Ou Allah Yerham Echouhada el abrar. |
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