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Parallèlement au hirak politique, il y a un hirak
idéologico-linguistique qui secoue fort les cordes vocales, du moins dans les
médias : le débat sur l'adoption de l'anglais dans les universités algériennes.
Pourtant ? soyons-en bien conscients ! - il ne s'agit pas encore d'adopter l'anglais comme première langue étrangère et moyen d'enseignement depuis la crèche jusqu'au doctorat, ainsi que le souhaite un grand nombre d'Algériens. Loin de là. Il s'agit juste d'un premier pas ? et combien pusillanime ce premier pas ! - : l'anglais comme seconde langue des documents officiels tels que les bordereaux, les en-têtes, les diplômes, courriers, etc. Mais ce qui est plus aberrant, ce n'est pas exactement le sujet de la discussion, sinon la manière de s'y lancer : alors que la question est complexe, et demande à être traitée par de grands spécialistes, qui doivent être en même temps neutres et sincères, pour certains, comme Stora ( qui fut l'invité de Radio France Internationale, le 24 juillet 2019 ) rien n'est aussi compliqué et tout se dit en un rien de temps : « l'annonce du ministre part d'une volonté nationaliste de repossession identitaire par rapport au passé colonial de l'Algérie avec la France, mais en même temps cette proposition se heurte à mon sens à plusieurs obstacles ».1 Comme on le voit, nous avons affaire à une déclaration gigantesque parce que, en plus de la lourde charge sémantique de son contenu, elle vient d'un spécialiste qui devrait connaître à fond le Maghreb. Mais s'agit-il pour autant d'une chose pertinente? Faut-il croire ce que nous raconte là Stora ? D'abord, du point de vue thématicodiscursif, il y a une importante remarque à faire : dans la première proposition, où il résume l'essentiel du débat, il n'y a aucun adverbe de conviction, par contre, dans la seconde proposition, où il y a l'idée d'un projet, d'une possible incertitude ( tout projet peut être difficile à réaliser ), Stora se montre incertain, et glisse un « à mon sens » qui laisse le débat ouvert - discursivement. Autrement dit, dans la première proposition, où il doit faire preuve d'une posture scientifique, il émet un jugement définitif, et clôt le débat, discursivement et thématiquement, même si l'objet de l'intervention était d'émettre un avis, non un verdict ; et dans la seconde proposition, où il y a une lapalissade, un avis que toute personne devrait exprimer avec une certaine froideur, il laisse le débat ouvert, en utilisant un « à mon sens » protocolaire, un adverbe qui n'a rien à voir avec la modestie du chercheur (que nous appellerions ici «adverbe protocolaire d'opinion»). Quant à la thèse qu'il expose, elle est tout simplement une formule démodée, un coq à l'âne pour botter en touche : où veut-il en venir par son propos centré sur le passé colonial ? N'est-ce pas lui ? non le ministre algérien de l'enseignement supérieur - qui attise la question identitaire, quand il passe sous silence la dimension pragmatique de la question ? Si même les bouchés à l'émeri connaissent l'utilité de l'anglais, qu'en est-il de lui qui doit beaucoup à cette langue ? Enfin, n'est-ce pas contraire à l'éthique et à la déontologie du chercheur scientifique que d'affirmer publiquement de telles choses, sans en apporter la preuve, sans en être spécialiste et sans en calculer les possibles conséquences ? Ce sont là autant de questions qui doivent être posées, mais qu'on ne pose pas. Parce que, entre autres, quand on veut phagocyter un projet, on dissimule le vrai débat, et on en invente un autre ; on pourrait, par exemple, parler de l'idéologique ( nationalisme, colonialisme, islamisme, etc. ) ou de l'économique ( dépenses, manques de postes, etc.), comme c'est le cas maintenant. De plus, lier l'initiative d'adopter l'anglais en Algérie au seul passé colonial, à la seule volonté de faire de la politique, c'est comme jeter de l'huile sur le feu : maintenant que la France est chez elle, et que l'Algérie est libre et souveraine, il faut s'arrêter de remuer le couteau dans la plaie : l'adoption de l'anglais comme moyen d'enseignement à l'université est dictée par les seuls impératifs de la recherche scientifique, et les Algériens et les Français sont capables de tourner la page et voir l'avenir intelligemment. En d'autres mots, cette substitution du français par l'anglais n'a rien à voir avec le français ou la France ; elle concerne uniquement l'avenir du peuple algérien (plusieurs régions de l'Europe qui imposent l'anglais, comme première langue étrangère dans les crèches et tous les paliers scolaires, n'ont pas été colonisées par la France ! ). Bien évidemment, cette façon de décrypter les choses n'a ni nationalité, ni religion: chez nous, il y a aussi des Algériens qui se jettent mal dans le politico-linguistique. Comme exemples, on peut citer A. Zaoui pour qui « le remplacement du français par l'anglais est une aventure politicarde orchestrée par les « islamo-baâthistes »2 ; K. Taleb Ibrahimi qui affirme, entre autres, que « l'agitation autour de cette question est liée à une conjoncture politique tendue. »3 ; ou encore M. Meriane qui estime que la décision de remplacer le français par l'anglais « est un échec programmé qui répond à une idéologie revancharde »4 ( la-dessus, la démarche n'a rien à voir avec le mode opératoire du sociolinguiste qui, entre autres, s'appuie sur des arguments et des données de terrain fiables et valides ). Incidemment, nous aimerions préciser trois grands points qu'il faut absolument comprendre : l Premièrement, on fait fausse route si on pense sérieusement que seuls les arabisants et/ou les islamistes veulent substituer le français par l'anglais ; si on gratte un peu, on verra qu'il y a d'excellents francisants algériens qui aiment et utilisent énormément le français, sans complexe et sans difficulté aucune, mais qui préfèrent l'anglais comme objet et moyen d'enseignement ; on verra également que certains arabisants s'opposent à cette substitution, parce que, tout simplement, ils voient que les conditions ne s'y prêtent pas maintenant. - Deuxièmement, il n'y a pas que les arabisants qui défendent fanatiquement ou impulsivement leur langue. Voltaire, pour ne citer que ce Français, n'était jamais tendre dans son langage, quand il défendait le français. Soyons donc justes ! - Troisièmement, les données sociolinguistiques avancées par les sociolinguistes algériens, du moins celles que nous lisons dans leur travaux, sont à mettre en question et en cause, car la manière dont elles sont recueillies et exploitées - nous en avons le cœur net ! - est loin d'être scientifique.. ( sans parler de cette terrible tendance chez nous à porter des jugements sur les personnes au lieu de traiter scientifiquement des sujets ). Enfin, si malgré l'évidence de la question, l'on s'entête à triturer son cerveau, à généraliser, à bricoler des « arguments », à charger la mule, et à faire des procès d'intention, c'est parce cet entêtement tient à une réalité visible et lisible : quand on est à court d'idées et d'arguments, doublé de paresseux, triplé de méchant, il n'y a pas mieux que l'insulte, le bavardage et le remplissage ! Notes : 1- http://www.rfi.fr/afrique/20190724-plus-anglais-universite-annonce-debat-algerie-francais 2- https://www.liberte-algerie.com/chronique/la-guerre-entre-le-francais-et-langlais-en-terre-dapulee-sur-un-fond-islamique-460 3- https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/07/30/en-algerie-polemique-linguistique-sur-fond-de-crise-politique_5495014_3212.html 4- https://fr.majalla.com/node/74501/vers-la-substitution-du-fran%C3%A7ais-par-l%E2%80%99anglais |
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