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A quoi sert-il d'avoir deux langues nationales ?

par Farouk Zahi

Les plus pessimistes d'aujourd'hui ont été les plus optimistes autrefois. Ils poursuivaient de vaines illusions. L'échec les a découragés. (Hu Shi, philosophe chinois).

Oui, à quoi sert-il d'avoir deux langues nationales dont l'une est officielle depuis la constitution de 1963 et l'autre depuis peu pour enfin de compte, communiquer dans une langue étrangère à la grande majorité de la communauté nationale ? On pourrait nous rétorquer la même chose pour l'écriture, notre argumentaire serait de dire que ce nous écrivons est destiné à un lectorat initié et dont la maitrise de la langue d'écriture est bien établie. Par contre, ceux qui en usent et abusent de ce revers, ce sont des personnalités nationales dont la voix est portée par les médias conventionnels d'hier et les réseaux sociaux d'aujourd'hui. La consternation réside aussi dans le fait d'inviter des chefs de missions diplomatiques qui s'expriment dans la langue châtiée d'El Moutanabi, quand nos officiels trouvent des difficultés à lire un discours écrit dans la langue qui a été longtemps un moyen de dépersonnalisation nationale. Il y a ceux qui font l'effort de se faire comprendre par la majorité de la population en se réadaptant à une réalité linguistique tels que l'ancien président du RCD, dont l'accent rocailleux du terroir y ajoute un zeste de truculence ; Ahmed Bedjaoui, pour ne pas le citer, est sans nul doute l'archétype historique de cette heureuse conversion, et ceux qui récitent des textes dont ils ne sont pas souvent les rédacteurs. Ajoutée à leur égo, cette propension à vouloir communiquer soi même, démontre si besoin est, leur prétention délibérée de toujours considérer leurs proches collaborateurs comme inaptes à cette tâche. D'ailleurs, la fonction de porte parole a été, lamentablement, laminée et dans tous les secteurs d'activité.

La dernière tripartite est une anthologie dans le registre. Cet évènement d'une extrême importance pour le pays ou du moins de ce qui l'on est attendu de par la volonté de ceux qui l'ont organisée, intéresse aussi bien le chercheur en économie que le simple ouvrier. De tous les intervenants, soit en séance plénière ou en aparté, seul le Premier ministre et la dame membre de la Confédération algérienne du patronat(CAP) se sont exprimés en langue nationale débarrassée de toute obséquiosité. Pourtant le lieu (Résidence d'Etat de Djenane El Mithak) et l'aréopage politique réuni commandait aux organisateurs d'être drastiques en matière de protocole et de tenue générale.

A ce propos, le Secrétaire général de la plus grande organisation syndicale du pays ne s'embarrasse d'aucun protocole en matière de couvre chef. Et même si cette excentricité semble être tolérée dans le microcosme officiel, les règles de bien séance dictent au porteur de se décoiffer en espace clos. Le guevarisme, âge d'or des luttes sociales pour la liberté, n'est plus qu'une relique gravée sur les tee-shirts d'un alter mondialisme en mal de dépaysement post révolutionnaire. Quant à l'inénarrable président du FCE (Fédération des chefs d'entreprises), élevé au sein de l'école nationale, pourtant arabisée, il s'échine à vouloir manier la langue de Voltaire donnant l'impression, ainsi, de réciter une fable ou une leçon de chose en prenant le soin de ne pas courroucer le maitre d'école. L'organisation précitée, foisonne de lettrés bilingues et même trilingues, qui sont autrement capables de lui donner plus de crédit aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Mais que ne ferait-on pas, si ce naja qui terrorise et fascine à la fois : l'objectif de la caméra, ne renvoyait pas cette image narcissique au journal de 20 h ? Il est d'ailleurs remarqué que l'on ne se bouscule pas quand il s'agit d'une interview radiophonique.

Le rapport final présenté par le directeur de cabinet du Premier ministère, ne dérogeait pas lui aussi, à la règle de francisation ce qui ne manquera pas de donner du grain à moudre aux tenants de l'unijambisme linguistique. Le tragique est vécu dans l'agora planétaire qu'est le siège des Nations unies, quand les représentants du pays qui y a fait introduire la langue arabe comme langue officielle s'expriment dans une autre langue. La France des lumières, elle-même, mène une lutte acharnée contre l'anglicisme environnemental. Le nôtre, est malheureusement envahi, par toutes sortes d'inscriptions graphiques qui n'émeuvent plus personne.

En plus de « la vache qui rit » qui revient en force, voilà que les empires, ottoman et chinois se retrouvent en terrain conquis. Comment ce jeune apprenant peut-il se reconnaitre dans un univers linguistique bigarré et illisible ? Quant à nos « frères » moyens orientaux, principaux investisseurs dans la téléphonie mobile et les fabricants de sodas américains, ils n'y vont pas de main morte pour dénaturer ce qui peut encore ressembler à la langue arabe. Et çà va de « ahdar » à « garga3 ».

Le Premier ministre n'a pas manqué de revenir sur la fraude constatée lors des épreuves du baccalauréat de cette année. Il réaffirme la solidarité gouvernementale à l'égard d'un de ses membres mis sur le grill de la désapprobation suite à cette déconvenue. Il ne faut, surtout pas tirer sur les ambulances. Ce malheureux épisode, qui n'est d'ailleurs pas le premier et ne sera, probablement pas le dernier, a été vécu par tous les ministres en charge du secteur depuis 1992 sauf, que celui-ci a connu une ampleur jamais égalée du fait des moyens technologiques de communication dont dispose le pays. Parler, présentement, de fraude comme si on découvrait pour la première fois ce travers national, c'est aller, à notre avis, vite en besogne. Elevée au rang de pratique courante, on ne s'embarrasse plus de scrupules pour en user en toute occasion. Stigmatiser de jeunes lycéens, c'est faire preuve de mauvaise foi, car cette dérive sociétale est visible dans tous les domaines d'activité ; il y a lieu à titre illustratif de citer : Le certificat médical de complaisance, le faux certificat de résidence, la fausse déclaration de revenus, le faux bail de location, le faux PV d'élections, l'acte notarié frauduleux, les faux moudjahidine, le faux taximan etc..etc. La liste est tellement fastidieuse, qu'il serait difficile dont restituer ses différents constituants. A supposer que le jeune lauréat obtienne haut la main son diplôme en toute probité, le milieu universitaire l'initiera à la fraude intellectuelle du plagiat par, encore ces sacrés TIC, opérant par le satanique : « copier-coller ». Il apprendra, plus tard, à demander à ses étudiants de potasser les sujets contenus dans son dernier ouvrage.