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Toujours mal assise la Palestine

par Abdelkader Leklek

Siège, fauteuil ou bien strapontin, la Palestine demeure mal assise. La vie des états est un parcours séquencé en étapes spatio-temporelles. Certains pays changent complètement de géographie, à l'exemple des pays des Balkans, hier formant un seul pays, la défunte yougoslavie. Et d'autres changent carrément d'histoire, comme la république du Soudan du sud.

L'histoire et son interaction géographique de la Palestine, n'ont pas été un fleuve tranquille particulièrement, à l'époque contemporaine, depuis 1948. Et comme on ne traverse, ni on ne se baigne jamais, dans le même fleuve deux fois, pour paraphraser le philosophe Héraclite. La linéature de l'histoire palestinienne, combien même, évolutive, semble toujours la même. Elle est faite de dénis de droits premiers de la personne humaine. D'usurpations, de spoliations, de dépossessions, de colonies de peuplement, de déplacements de populations, d'expulsions, d'exile, d'arrachages d'oliviers et de bannissements. Encore que jusqu'au 29 novembre 2012, c'est-à-dire la semaine dernière, on lui contestait même le statut juridique d'Etat. Il y a 39 ans presque jour pour jour, feu Yasser Arafat au nom de l'Organisation de Libération de la Palestine, faisait, contre vents est marées, une entrée spectaculaire dans l'enceinte de l'assemblée générale de l'ONU, dont l'Algérie présidait la 29 ème session, magistralement menée par le président Bouteflika, alors jeune ministre des affaires étrangères, il avait 36 ans. Dans un long discours, le leader palestinien, après avoir salué le président de la session, lui dit ceci : «Nous avons toujours reconnu en vous le sincère et dévoué défenseur des causes de liberté, de justice et de paix. Nous vous avons connu combattant dans l'avant-garde des unités combattantes de la liberté durant la lutte héroïque de libération nationale du peuple algérien

Aujourd'hui, l'Algérie a atteint une position distinguée au sein de la communauté internationale. Elle assume ses responsabilités tant au niveau national que sur plan international, gagnant ainsi le soutien, l'estime et le respect de l'humaine tout entière». Il est bon ici de rappeler, que c'était sous sa mandature et au nom de l'Algérie, que la délégation d'Afrique du sud, du régime raciste d'apartheid, avait été contrainte de quitter les instances de l'ONU, qu'elle ne retrouvera que sous la conduite du président Nelson Mandela, enfin libre après 27 ans de travaux forcés de bagne de Robben Island, et l'apartheid pour toujours aboli. Yasser Arafat avait, en ce mémorable instant de l'histoire palestinienne, son pistolet légèrement en évidence, dépassant de son ceinturon. Il l'avait fait à escient. Ceci pour le spectacle. Cependant en fin stratège, Abou Ammar, terminera ainsi son historique discours :«Je fais appel à vous pour permettre à notre peuple d'établir la souveraineté nationale indépendante sur ses propres terres. Aujourd'hui, je suis venu portant un rameau d'olivier et un fusil de combattant de la liberté. Ne laissez pas le rameau d'olivier tomber de ma main. Je le répète: ne laissez pas le rameau d'olivier tomber de ma main». Quatre décennies après dans le même décor, debout devant le pupitre, avec en arrière plan, le fond en marbre vert et noir, se tenait le président de l'autorité palestinienne Mahmoud Abbas, Abou Mazen, pour faire valider par l'assemblée générale des Nations Unies, le statut d'Etat observateur non membre de l'organisation onusienne, après avoir longtemps occupé celui de simple observateur.

En cela et depuis ce 29 novembre, l'etat palestinien, a rejoint le cercle très fermé, mais peu enviable de cette catégorie d'états, le Vatican. Sauf que la comparaison ici, n'a aucun sens. Parmi les 193 Etats membres de l'Assemblée générale, 138 d'entre eux avaient adopté la résolution «Statut de la Palestine à l'ONU». 41 se sont abstenus et 9 avaient voté contre, avec à leur tête les USA et bien sûr Israël. L'Etat palestinien, observateur non membre, est territorialement composé de la Cisjordanie, la Bande de Gaza et Jérusalem-Est. Ces territoires avaient été occupés par Israël pendant la guerre des Six Jours en 1967. Palestine est-elle, dès lors, membre à part entière de l'ONU, ou bien membre entier, mais à part ? Et nonobstant la symbolique du déploiement du drapeau palestinien, la question demeure ouverte et en suspend. Sur les 15 points du discours relevés par la quasi majorité des médias, Abou Mazen, dira, que les palestiniens sont le dernier peuple de la planète sous occupation. «Je suis venu depuis la Terre Sainte, et le dis après 63 ans de souffrance, ça suffit». Avant cela, il présenta ses félicitations à l'Etat du Soudan du Sud, étant le 193 émet membre, admis le 14 juillet 2011 à l'ONU.

Faut-il y voir un lien de similitude? Il poursuivra en disant :«aujourd'hui, l'heure a sonné. Aujourd'hui, les palestiniens doivent vivre sans crainte ; les enfants aller à l'école sans être confrontés à des barrages. Nous sommes à la tribune de l'Assemblée générale. Cela montre que nous ne voulons pas délégitimer Israël, mais seulement la colonisation, l'apartheid. Nous avons la main tendue. Travaillons pour construire un avenir de paix. Bâtissons des ponts de dialogue au lieu de construire des murs. Nous avons accepté la création de l'Etat palestinien sur seulement 22 % des frontières de la Palestine historique». Il attestera ensuite que : l'OLP s'attache à arrêter toutes les formes de violence, y compris le terrorisme d'Etat». Nous respecterons, dira-t-il, les accords signés par l'OLP et Israël. Notre peuple va continuer la résistance pacifique contre la colonisation». Toutefois au-delà de l'emblématique exemplarité, qu'emporte ce vote à écrasante majorité, cette conquête, n'est pour le moment, que juridique. Mais à voir l'enthousiasme des populations arabes, et la grandiloquence des discours et des déclarations ayant suivi, l'acquisition de statut d'état observateur non membre.

On aurait dit, que désormais la paix est revenue et que tous les palestiniens du monde peuvent rentrer chez eux tranquillement. Le premier officiel à se pointer pour féliciter Mahmoud Abbas, quasi simultanément, soit 58 secondes après la proclamation des résultats, fut, devinez qui ? Le ministre islamiste de Turquie Ahmet Dovutuglu, comme s'il était à l'affût. Enigmatiques demeureront les hommes et encore plus leur vie politique, flirtera tout le temps avec les calculs et les perfides combines. Car jusqu'à preuve du contraire, la république de Turquie entretient des relations soutenues avec l'état sioniste israélien. La Turquie est un ami d'Israël et un allié légendaire. C'est le premier pays à majorité musulmane à avoir reconnu cet état dès 1949. Cependant et par des manœuvres presque impénétrables, les turcs ont réussi un coup d'éclat, depuis la flottille pour Ghaza, à laquelle avaient participé des algériens du parti islamiste frère musulman HMS, puisque depuis lors, les turcs aussi ont leurs martyrs, tués par les commandos israéliens héliportés, pour la libération de la palestine. Les turcs n'ont plus de complexe face aux arabes, pour se prévaloir de la cause palestinienne. Ils ont cher payé leur tribu, et en sang. Leur manœuvre est imparable pour stratégiquement se repositionner. Les commandos de Tsahal n'avaient attaqué le 31 mai 2010, dans les eaux internationales, que le navire, mavi Marmara, où ne se trouvaient que des turcs, et pas les autres bateaux. Pourtant les militants de la flottille de la liberté venaient de 37 pays. Etrangement étrange ! Le ministre des affaires étrangères turc est désigné comme étant l'architecte en chef du Néo-Ottomanisme, ou la Pax Ottmana. C'est la nouvelle politique de repositionnement géostratégique de la Turquie, en mer méditerranée et dans tout le Moyen Orient et plus. Il est le promoteur de sa théorie : zéro problème avec nos voisins immédiats. Et même si le gouvernement turc, depuis l'abordage de la flottille pour Ghaza, avait suspendu ses relations avec Israël, jusqu'à ce que l'état hébreu présente des excuses, il ne les a jamais dénoncées. Et Israël n'a jamais présenté des excuses. Les deux états sont tellement liés qu'un divorce et quasi impossible. La Turquie avait rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv et expulsé l'ambassadeur israélien. Toutefois les relations militaires entre les deux pays demeurent soutenues. Et d'ailleurs comment faire autrement, notamment pour la partie turque. S'il n'y a plus, depuis l'affaire de la flottille, d'exercices navals conjoints entre les marines des deux pays, Israël fournit toujours de l'armement et des pièces de rechange à la Turquie. Elle procède à la modernisation des chars américains Patton M 60, dont la Turquie détient avec 932 unités, le troisième parc au monde, après l'Egypte qui en possède 1700, et les Etats-Unis, 2792 unités, selon des données recueillies sur le net. Israël en possède 800 chars de ce type. L'état hébreu fournit aussi à l'armée turque des drones de type Héron. Elle en possèderait 10 exemplaires, qu'elle utilise particulièrement contre la guérilla kurde. Cette politique nommée du juste milieu par les turcs eux-mêmes, avait fait que l'actuel premier ministre, se rende en visite officielle en Israël en 2005, et reçoive le chef du Hamas palestinien en exile Khaled Mech'aal, en 2006. Ainsi donc les embrassades à chaud du ministre turc des affaires étrangères procèdent également de sa théorie, car au final et après cette liesse dépassant plus ou moins l'ampleur de l'évènement, la Palestine n'est pas encore membre à part entière de l'ONU.

Ce statut n'aura que quelques incidences juridiques de droit international public, dont les décisions sont par essence difficilement applicables. Maintes fois l'autorité palestinienne avait tenté de faire condamner les actions terroristes israéliennes et tous les crimes commis contre les enfants de Ghaza, notamment lors de l'opération «Plomb Durci» où furent utilisés justement, les drones Héron, mais en vain. L'autorité palestinienne avait saisi la cour pénale internationale, pour identifier, poursuivre et juger les auteurs et leurs complices d'actes commis sur le territoire de la Palestine à partir du 1er juillet 2002". C'est-à-dire à la date de la création de cette cour. A l'époque, le procureur près la CPI, avait estimé qu'une question préalable se posait à lui, avant toute ouverture d'enquêtes ou d'informations judiciaires. Pouvait-on ou non, considérer la Palestine comme un état ? Il avait textuellement dit ceci :» «Dans les cas où la question de savoir si le requérant peut être considéré ou non comme un «État» est sujette à controverse ou fait débat, le Secrétaire général des Nations unies, suit habituellement les recommandations de l'Assemblée générale, dont les résolutions fournissent à ce titre des indications permettant d'y répondre». Mais également, il avait fait cette ouverture :«Le Bureau n'exclut pas la possibilité d'examiner à l'avenir les allégations de crimes commis en Palestine si les organes compétents de l'ONU, voire l'Assemblée des États parties, élucident le point de droit en cause». Ainsi donc, en accordant ce statut d'état observateur non membre, l'assemblée générale des Nations Unis, avait en principe, répondu à la préoccupation du procureur de la CPI, pour pouvoir punir les crimes de l'Etat sioniste. Par ailleurs, alors que la Palestine hier comme aujourd'hui demeurait, pour le moins, mal assise dans le concert des nations. Mahmoud Abbas avait dans son discours du 29 novembre, fait une étrange et curieuse déclaration. Il avait appelé l'assemblée générale à délivrer : le certificat de naissance de la Palestine. Qu'a-t-il fait de la Palestine historique ? En face les israéliens et leurs alliés, à leur tête les Etats-Unis, et malgré ce camouflet diplomatique infligé par 138 états du monde sur 193, affirment haut fort, que sur le terrain rien ne changera. Les israéliens sont dans leur rôle. Ils essayent de minimiser cette historique victoire palestinienne à la régulière et dans l'enceinte même du forum des nations. Netannyahou annonçait dès le 30 octobre, le gel du transfert des taxes collectées par les israéliens au profit de l'autorité palestinienne, ainsi que la construction de 3000 nouveaux logements, en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Soit, mais n'est il pas, en cette occasion symbolique, opportun pour tous les palestiniens, ceux de Cisjordanie, comme ceux de Ghaza, et tous ceux de par le monde, de s'unir pour se faire entendre ? Leur division quoique l'on dise, ou l'on face, les dessert. Elle n'arrange que les affaires de leurs ennemis. Et qu'au moins, en attendant mieux, la Palestine soit bien assise sur tout son territoire, chez elle.